La Route de Picardie, une institution du maraîchage bio
Depuis sa création il y a plus de 40 ans, à l’heure où la mouvance bio n’en était qu’à ses prémices, l’exploitation de maraîchage bio de la famille Dreumont à Grémévillers est devenue une véritable institution. Histoire d’une réussite de père en fils.
L’aventure débute en 1977, lorsque François Dreumont, fils d’un couple d’éleveurs laitiers, décide de créer un maraîchage bio avec son épouse Rosine. L’exploitation ne compte qu’un hectare, la production est vendue sur le marché de Beauvais et par le biais de coopératives biologiques de Beauvais et de Creil. L’affaire prend peu à peu de l’ampleur. Elle atteint cinq hectares lorsque, en 2007, l’un des trois fils de François, Stéphane, interrompt ses études agricoles au centre du Paraclet près d’Amiens pour rejoindre son père. Le jeune homme de 17 ans s’investit ainsi dans le projet.
Fin 2009, il gère la première Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) lancée dans le bourg proche de Songeons par une dizaine de familles. En 2014, le long de la route de Picardie apparaît un distributeur automatique de légumes : là encore, la famille fait figure de précurseur, le concept étant jusqu’alors peu développé.
En 2015, Stéphane et son épouse Pauline, rencontrée sur les marchés où elle travaillait pendant ses études de sociologie, reprennent officiellement la SCEA de la Route de Picardie. L’exploitation s’étend aujourd’hui sur 140 hectares dont 100 consacrés à la production maraîchère, avec près de deux hectares de serres équipées de systèmes d’arrosage automatique. « Nous produisons environ une quarantaine de légumes différents sur l’année, en fonction des saisons », explique Pauline. Avec pour l’instant cinq salariés en CDI, cet effectif devrait doubler d’ici fin 2020, et jusqu’à une vingtaine de saisonniers logés sur place, c’est désormais une véritable entreprise que gère le couple de trentenaires.
Un repas à portée de main
Le couple n’a pas cessé d’investir ces dernières années : deux bâtiments d’une surface globale de 3 600 m² ont été construits entre 2015 et 2019 pour l’administration mais surtout le stockage, lavage, calibrage et conditionnement des légumes avant leur expédition. Car l’essentiel de la production est désormais vendu à des magasins biologiques situés dans un rayon de 150 kilomètres, à des marchés d’intérêt national comme Rungis et à la restauration collective comme par exemple le collège de Formerie. « Même s’il représente aujourd’hui une part minime de notre activité, le distributeur reste un moyen de fournir localement une clientèle fidèle, puisque nous avons arrêté de vendre sur les marchés en 2017 », confie Pauline.
Avec une centaine de casiers de légumes réapprovisionnés deux fois par jour en semaine et jusqu’à quatre fois le week-end, le distributeur permet aux consommateurs d’avoir accès à des produits de qualité et d’une fraîcheur incomparable à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Très vite, l’offre s’élargit : à travers leur structure Les compagnons du légume, Stéphane et Pauline Dreumont accueillent dans leur distributeur d’autres produits biologiques locaux, les délicieux pains et viennoiseries d’Hervé à Espaubourg, les pommes et jus de pommes d’un producteur de la Somme, des œufs également de la Somme. Très tôt, ils avaient accepté que le fromager tout proche, Anselme Beaudoin du GAEC de la Chapelle-Saint-Jean, construise à côté du leur un distributeur de fromages qui propose aussi les volailles de Grégory Houet ou encore les œufs de caille d’Emmanuel Bailly… chaque producteur gère lui-même le réapprovisionnement de ses casiers. La plupart sont équipés d’une application qui leur permet de vérifier à distance le nombre de casiers vides, avec un système d’alerte pour que les consommateurs trouvent toujours de quoi assouvir leur gourmandise. Volailles, légumes, fromage, pain… de quoi mitonner tout un repas, uniquement avec des produits bio et locaux.
Proche du consommateur
« Au départ, toute notre production était vendue très localement, par des Amap ou sur les marchés, ce qui prenait énormément de temps. Aujourd’hui, nous continuons à vendre au plus près des consommateurs. Les magasins qui nous distribuent ont souvent une clause de proximité dans leur charte, garantissant un approvisionnement local. Et quand nous rechargeons le distributeur, nous continuons à échanger avec les clients pour adapter notre production à leurs attentes. Il y a quelques années, nous avons commencé à proposer des légumes anciens, panais, navets jaunes, carottes de couleurs et toutes sortes de courges, on expliquait même comment les cuisiner ! », sourit la jeune femme.
Plus largement, la vente locale est pour le consommateur l’assurance d’acheter un produit frais tout juste cueilli, et pour le producteur, moins de pertes. « Pendant le confinement, nous n’arrivions pas à répondre à la demande : si tout le monde consommait local, cela entraînerait une modification du modèle économique et l’installation de nouveaux producteurs. »
À tous ces arguments s’ajoute une logique environnementale : produire des légumes sans aucun produit chimique c’est bien, mais il faut aussi que le mode de distribution ait l’empreinte écologique la plus faible possible.
Bientôt un drive
Et c’est aussi pour répondre au mieux aux attentes de la clientèle que le distributeur va évoluer grâce à Internet. « Pour l’instant, à côté des légumes vendus à l’unité, nous constituons dans les casiers des paniers tout faits, qui ne correspondent pas forcément à la répartition que les clients auraient choisie. D’ici la fin de l’année, nous allons mettre sur pied un système de drive : les clients composeront leur propre assortiment sur Internet, nous le préparerons et le déposerons à leur intention dans un casier dont nous leur communiquerons le code », détaille Pauline. De nouveaux producteurs devraient aussi rejoindre Les compagnons du légume, pour proposer des lentilles ou des champignons bio… On n’a pas fini de se régaler.