La relation humaine reste au cœur de la cession
Lors de la 3e Journée de la transmission due à la Cenfe, si des nouveautés sont apparues dans le paysage de la cession, bousculant les idées reçues, des constantes (pas toujours réjouissantes) ont aussi été évoquées lors d’une table ronde passionnante.
La plus étonnante information concerne peut-être la confidentialité entourant la transmission. Elle aurait pour raison profonde, selon les cédants interrogés, le fait que notre société entrepreneuriale considère encore en 2012 comme négatif de vendre sa société, synonyme d’échec contrairement aux Anglo-Saxons. La confidentialité a évidemment d’autres raisons mais celle-ci a la peau dure… Acheter serait noble, vendre pas ! Le marché est donc occulte et peu de repreneurs se manifestent. J.-F. Pansard parle même de «confidentialité obsessionnelle» qui complique tout, accompagnée d’une surévaluation généralisée de la création. Repreneur de Sarasin Actor à Marquette-lez-Lille, Michel Legras confirme : «J’ai cherché 15 mois une société à reprendre !»
Intention de céder, valorisation de la PME, ça patine… Ainsi, 24% disent vouloir le faire à moins de deux ans, 36% disent l’avoir préparée, 13% se disent prêts et autant avouent le contraire. La valeur affective bloque les situations. Par exemple, l’idée de la valeur économique réelle de la société. J.-F. Pansard témoigne : «Aucun actionnaire ne la connaît, il y a un décalage entre l’attente, le rêve et la réalité. Des valorisations ? Il y en a autant que d’individus ! Le dirigeant a son idée, ça ralentit tout et la taille n’a rien à voir. Les cédants sont économiquement incapables d’avoir une idée fiable de la valeur de leur boîte.» Et de poursuivre au sujet des informations opérationnelles : «La difficulté à les obtenir est réelle. Un CA, ça ne veut rien dire. Combien de commandes pour faire ce CA ? On ne répond pas. Ce qui est inversement proportionnel, c’est le prix de l’opération. Plus la PME est chère, plus la transaction se fait facilement. Plus on descend, plus c’est dur. Les cédants ont l’impression de se déshabiller en public, qu’on les presse d’aller jouer au golf !»
Le prix ? Un élément parmi d’autres. Michel Legras explique : «La seule question que je me pose quand je reprends, c’est vais-je pouvoir rembourser ma dette sur sept ou huit ans ? Le prix : la fourchette est parfois très large, j’ai eu une proposition à + 30% de ce que j’avais imaginé. Le mieux c’est de faire revenir le cédant au capital. Pour tout le reste on se fait aider, les banques sont là…» Pascal Arnould confirme : «De l’argent il y en a, des outils aussi. On veut financer. Si ce n’était qu’une question d’argent… Mais ce qui est rare, c’est d’être en face d’un vrai projet crédible, séduisant et solide. Dire qui a vraiment le profil de réussite, c’est aléatoire. Des business plans ? Mais pas un n’arrive aux prévisions ! Alors il y a la capacité à rembourser, le rapport fonds propres/dette senior, les CV, la surface financière du repreneur sachant qu’il se fait assister pour les fonds propres. On le voit, il faut aussi autre chose pour décider le banquier, alors on le rencontrera au tour de table. Par exemple, la capacité à réagir si le business plan tourne mal. On en revient toujours à l’élément humain.»
Un sport d’équipe avant tout ! Finalement, tous les acteurs sont d’accord, il faut jouer collectif. «Trop souvent on reste en surface du dossier, explique J.-F. Pansard. Pour bien l’appréhender, il faut être plusieurs !» Alain Tourdjman ajoute : «Il faut tranquilliser le cédant qui a peur de ne pas vendre à la bonne personne. Bien transmettre fait la grandeur d’une PME ! Quand c’est une femme qui cède, ça facilite les choses, l’ego est moins fort que chez un homme qui doute des capacités du repreneur, les femmes sont plus modestes.»
(1) Les participants à la table ronde animée par Philippe Schröder, rédacteur en chef de La Gazette Nord – Pas de Calais : Pascal Arnoult, Philippe Vasseur, président de la Chambre régionale de commerce et d’industrie, Alain Tourdjman, directeur des études et prospectives du groupe BPCE, Michel Legras, dirigeant de Sarasin Actor, Jean-François Pansard du cabinet Pansard et Associés.
(2) L’étude complète : www.bpce.fr «Quand les PME changent de mains».