La Région mobilise l’emprunt à hauteur de 498 M€
Les conseillers régionaux ont examiné et adopté le 29 janvier 2015 le dernier budget de la mandature à 2,29 Mds€ au terme d’une journée de débats bien nourris. Le dernier aussi d’une certaine vision de la décentralisation, le prochain prenant la dimension de la nouvelle région Nord – Pas-de-Calais – Picardie.
Rudy Elegeest, vice-président en charge des finances, avait prévenu : c’est “un budget de volonté et de confiance en l’avenir. Il s’inscrit dans la continuité de la dynamique de transformation économique, écologique et sociale impulsée par l’exécutif régional“. Le contexte est connu : “difficile et incertain“, du fait notamment de la diminution accrue des concours financiers de l’Etat (-32,1 M€ de dotation globale de fonctionnement, 2,1 % des recettes de fonctionnement), du changement de périmètre géographique à venir et des transferts de compétences à venir et non encore précisés.
Quelques chiffres sur ce budget. En fonctionnement, les recettes s’établissent à 1 516 M€ pour 1 347,3 M€ de dépenses et en investissements à 162,3M€ pour 711,1 M€ de dépenses, obligeant à un niveau d’emprunt d’équilibre prévisionnel de 498,2 M€, son plus haut depuis 20014.
Qu’en retenir ? Tout d’abord, qu’il n’y aura pas de hausse de la fiscalité sur les cartes grises pour la quatrième année consécutive, gelée à 45 € par cheval fiscal, avec exonération totale pour les véhicules propres. Si certaines dépenses, pour 25,9 % des dépenses réelles de fonctionnement, charges de personnel et frais financiers, sont incompressibles, quatre priorités ont été préservées : les lycées (118 M€, +13,4 %), l’action économique (40,8 M€, +4,3 %), l’apprentissage (100 M€, +13,4 %), et le soutien aux sport, partenariats associatifs et Louvre-Lens. Par contre, un effort d’ajustement portant sur la moitié des dépenses a été imposé : en moyenne de -8 % sur les politiques régionales “et même” de -10 % sur les moyens de l’institution.
710 M€ d’investissements. Parce qu’il “permet de préparer l’avenir car il est le moteur de la transformation du territoire“, l’exécutif régional à majorité PS/EELV a fait adopter un effort d’investissements record contracyclique à 710,977 M€, alors qu’il affichait 606,6 M€ en 2014 et 604 M€ en 2013, 511,1 M€ en moyenne sur les exercices 2004-2009 et 670,7 M€ sur les exercices 2010-2012.
Où iront ces investissements ? A la transformation du territoire avec 50,3 M€ au titre de la première tranche de la modernisation et de l’extension du port de Calais, aux réserves du musée du Louvre à Lens (3 M€ cette année pour un coût total de 58 M€), 13,2 M€ à la poursuite de la construction de l’Institut européen de génomique du diabète, 5 M€ à l’extension du Centre national de la mer Nausicaà sur un total de 30 M€ de cofinancement. Mais aussi à l’amélioration des conditions de vie, 104 M€ pour les transports, 150 M€ pour les lycées, 28,3 M€ pour les centres de formation des apprentis, 13,6 M€ pour les learning centers, 29,5 M€ pour la rénovation urbaine, 12,4 M€ pour les équipements de santé, 36 M€ pour la rénovation du stade Bollaert. Autant d’investissements dont Rudy Elegeest s’est plu à souligner l’effet levier sur l’emploi régional, reprenant le 1,4 million d’heures d’insertion du programme de rénovation urbaine, les 130 entreprises accompagnées dans le cadre du plan de lutte anti-crise, le lancement du projet “Calais port 2015” créateur de 2 000 emplois durant les cinq ans de travaux, puis de 1 700 emplois pérennes à l’horizon 2035.
498,2 M€ d’emprunt. Pour résoudre l’équation d’un équilibre budgétaire obligé, le Conseil régional s’est donc résolu à un niveau d’emprunt jamais atteint depuis 2004 à 498,2 M€, en y intégrant le projet “Calais port 2015”. Un chiffre que Rudy Elegeest a nuancé en expliquant notamment que la Région ne mobilisait en moyenne que la moitié de l’emprunt prévu dans le budget primitif, que l’encours de la dette régional est sain, composé à 72 % d’emprunts à taux fixe et dépourvus de tout produit toxique, qu’elle disposait de réserves de financement à hauteur de 877 M€ auprès de la Caisse des dépôts et de la Banque européenne d’investissement, et qu’une part importante de l’emprunt prévisionnel résultait pour 70,2 M€ du mode d’inscription des fonds européens 2014-2020.
Si, pour Daniel Percheron, président du Conseil régional, ce budget “est un budget exceptionnel dans des conditions exceptionnelles (…), un budget totalement tourné vers l’avenir et la reprise de la croissance, un budget de confiance“, des opposants ont fait entendre leurs voix, les uns dénonçant le “dérapage” de l’endettement (l’encours de dette prévisionnel du 1er janvier 2015 est estimé à 2 Mds€ et avoisinera les 2,2 Mds€ en fin d’année, quasiment autant que le budget 2015) ; d’autres, les conventions engageant les budgets à venir ou encore les trop faibles économies sur le budget de fonctionnement… Au final, peu de suspens : ce budget a été adopté par 58 voix pour (PS + EELV), 40 contre et 13 abstentions.
Une fusion dans les starting-blocks. Si le rapprochement avec la région Picardie a été évoqué dans l’hémicycle, Rudy Elegeest évoquant en particulier “les nombreuses problématiques budgétaires, comptables et financières qui doivent être traitées cette année pour que la nouvelle collectivité soit opérationnelle le 4 janvier 2016“, tous avaient conscience de vivre le début d’une fin de cycle. La Région de demain sera fonction des préparatifs en cours. La dynamique de confiance en l’avenir, assortie d’un niveau de dette important, 7,1 années de capacité de désendettement, 491 € de dette par habitant, est-elle compatible avec une gestion davantage en bon père de famille, 3,7 années de capacité de désendettement et 290 € de dette par habitant ? Le niveau d’endettement n’est qu’un paramètre. Le prix du cheval fiscal – 33 € en Picardie – en est un autre. Le dialogue a commencé entre les deux Régions, mais ne s’est pas traduit dans ce budget primitif 2015. Il est vrai que les incertitudes sont encore fort nombreuses, compétences, moyens financiers… Seule la fusion est acquise !