La Région lance des états‑généraux et un audit dans les étables

Marie-Sophie Lesne, maire du Quesnoy, vit au cœur du problème.
Marie-Sophie Lesne, maire du Quesnoy, vit au cœur du problème.
D.R.

Marie-Sophie Lesne, maire du Quesnoy, vit au cœur du problème.

L’élevage traverse une crise. Les nouveaux élus de la nouvelle Région ont décidé de prendre le taureau par les cornes et ont lancé un audit ; 450 exploitants sur 10 000 ont répondu. Et  1 000 personnes sont invitées au lancement à Lille,  ce vendredi 10 juin. 

Oui ! il y a dans la grande Région Nord – Pas-de-Calais – Picardie, 10 000 éleveurs de plus de 10 têtes. Certes pas tous de la même taille et pas tous touchés par la crise. Cependant 1 000 d’entre eux avaient été identifiés comme affectés. Néanmoins, quand la nouvelle équipe régionale a décidé de lancer une vaste opération en faveur de l’élevage, c’est bien 10 000 lettres proposant un audit qui ont été envoyées. Seuls 450 professionnels ont répondu, un chiffre cependant assez important et significatif pour encourager les promoteurs de l’opération et, à leur tête, Marie-Sophie Lesne, vice-présidente en charge de l’élevage, mais aussi maire du Quesnoy, au cœur de l’Avesnois, grande région d’élevage s’il en est. Elle a donc pris le dossier à bras-le-corps dans le cadre du plan élevage lancé par le Conseil régional. La partie invisible du travail sera spectaculairement mise en évidence par une grande journée de lancement au siège du Conseil régional, le vendredi 10 juin, où 1 000 personnes sont attendues à partir de 9h. Toutes les structures concernées seront réunies. Après la séance plénière de lancement dans l’hémicycle, les participants se répartiront en ateliers.
Un chantier de longue haleine. Cette journée ne sera que l’événement marquant spectaculairement un travail en profondeur lancé le 15 janvier. En effet, en liaison avec l’Idel, Institut de l’élevage, un vaste audit a été entrepris visant à analyser chacune des exploitations qui l’a demandé. Ainsi, 80 personnes, formées spécialement, passent chacune trois demi-journées dans les étables, en compagnie de tous les intervenants dont, en particulier, les banquiers. “Nous sommes un peu les médecins. Nous analysons pour poser le diagnostic avant de rédiger l’ordonnance.” Cette ordonnance interviendra au terme de la troisième demi-journée après que tout aura été examiné, du fonctionnement à l’endettement. Si, dans la plupart des cas, des solutions seront déjà trouvées avec l’éleveur, ces audits alimenteront un plan d’action global “adapté à la réalité du terrain”. Marie-Sophie Lesne donne le cadre : “C’est une micro-économie d’entreprise pour laquelle il faut une vision à l’échelle du territoire, sans oublier que nous sommes dans une dimension régionale incluse dans une activité nationale, mais dont les prix sont internationaux.” Complexité locale et contexte international. C’est dire la complexité du problème. Cependant, bien des solutions peuvent être déjà trouvées à l’échelle de l’exploitation dont le dirigeant, parfois, est tellement engoncé dans le problème qu’il ne voit plus l’évidence. Les éleveurs, depuis quelques années, ont consenti des efforts considérables pour se moderniser, se mettre aux normes. Ils se sont endettés et n’ont pas le retour de leurs investissements. Dans chaque exploitation, les auditeurs chercheront les gains de productivité, les gisements d’économies. “Ils ont investi dans du matériel pour la mise aux normes. C’est une profession très souple qui s’est modernisée, mais ce sont eux qui sont dans les difficultés. Ils ont investi pour la traçabilité, la qualité, l’aspect sanitaire, des exigences environnementales exacerbées à l’extrême au-delà des demandes européennes. C’est un peu la faute des politiques.” Les solutions sont multiples, d’une aide de 5 000€ envisagée (pour corriger le surendettement) au développement des circuits courts et de la qualité. Cependant, le problème est complexe à l’image de cet industriel du Cambrésis qui s’approvisionne en Bretagne et en Espagne faute d’un potentiel quantitatif et qualitatif qui corresponde à sa demande. Un énorme travail attend les élus, mais aussi la profession, au terme de l’audit. “La Région n’est pas naïve. Il faut une analyse qui dépasse le simple cadre de sa politique. Il faudra peser sur la PAC. Le lundi 10 juin sera le point de départ de plusieurs mois, voire de plusieurs années.” En effet, pendant que les éleveurs français se débattent dans les difficultés, les pays de l’Europe du Nord, Irlande, Scandinavie, Pays-Bas ou Allemagne, produisent de plus en plus pour exporter davantage. Alors, ici, il faut miser sur le circuit court par exemple. “Il ne faut pas seulement une politique d’aide mais aider les agriculteurs à maîtriser les investissements, les coûts de production, leur politique de valeur ajoutée ou le circuit court.” Sans négliger pour autant l’export mais avec les savoir-faire français. “Il faut aussi une ambition de conquête avec des produits de qualité qui s’exportent bien. Il faut dédramatiser l’export.” En effet, si des solutions peuvent venir d’un travail au plus près, notamment avec le marché des collèges et lycées, celui des consommateurs locaux, des entreprises régionales, de la transformation, le repli sur soi serait dangereux. Tout sera donc exploré, de la méthanisation, pour économiser l’énergie en la produisant sur l’exploitation, à la promotion de marques régionales pour diffuser largement les produits de l’élevage du Nord – Pas-de-Calais – Picardie. Cette promotion de la région est un point sur lequel nous sommes globalement encore faibles alors que nous avons de très belles races régionales qui n’ont rien à envier à leurs rivales beaucoup plus célèbres.

 

Jean-Yves MÉREAU