La Région fait pétiller ses champagnes

Le 24 novembre, l’hôtel de Région a accueilli à Lille la toute première édition de la journée dédiée au champagne. Une initiative à mettre à l’actif des Hauts-de-France et de son président, Xavier Bertrand, ainsi que du Syndicat général des vignerons, représenté par Maxime Toubart.

Maxime Toubard président du SGV
Maxime Toubard président du SGV

L’objectif était de promouvoir notamment le travail des producteurs régionaux. Depuis la fusion entre le Nord – Pas-de-Calais et la Picardie, les Hauts-de-France sont devenus la deuxième région productrice de champagne. Rencontre avec deux des 23 viticulteurs présents, qui perpétuent avec conviction la tradition du champagne dans le sud de l’Aisne.

«Les traces de vignes dans la famille remontent à la fin du XIXe.» Olivier Belin, qui raconte avec élégance sa passion pour son métier de vigneron, est domicilié à Essômes-sur-Marne, au sud de Château-Thierry. Œnologue de formation, il a rejoint l’affaire familiale très naturellement à la fin des années 1990. «Quand vous naissez dans la terre, on vous inculque des valeurs de patrimoine, on vous fait sentir et toucher le terroir», souligne celui qui est aussi un des instigateurs de “Champagne et Vous !”, festival du champagne de la vallée de la Marne imaginé il y a cinq ans. Ce fils et petit-fils de vigneron travaille huit hectares de vignes et emploie trois salariés. Il vend une partie de ses raisins au négoce et vinifie 5 hectares à la propriété. A l’arrivée, 40 000 bouteilles sont produites chaque année, pour sept cuvées différentes. «Je fais de la micro-vinification, parcelle par parcelle, sur 17 parcelles en tout. Quand vous êtes sur un coteau, vous descendez de 30 mètres, vous changez de type de sol, et donc vinifier par type de sol permet, lors de l’assemblage, une vraie palette aromatique et un vrai choix. Chaque cuvée raconte une histoire, avec une attaque, un déroulement et une conclusion. Lorsque nous élaborons nos champagnes, nous les scénarisons, et ça nous permet de sortir des cuvées totalement différentes.»

+ photo Olivier Belin

Le discours est sensiblement le même du côté de la Maison Paillette, également située à Essômes-sur-Marne. Quatre générations se sont côtoyées ou se côtoient toujours, puisque actuellement Richard Paillette travaille avec son fils Sébastien les 7,25 hectares de vigne du domaine familial pour une production annuelle de 70 000 bouteilles. «Chez nous, c’est mon arrière-grand-père qui, dès 1922, a commencé à champagniser», explique ce propriétaire qui aurait été déçu si son fils n’avait pas souhaité s’investir dans cette aventure. Richard Paillette propose des champagnes très travaillés et différentes cuvées, six en tout. Pour ce vigneron aguerri, cette journée aura au moins eu le mérite de montrer au public que le champagne ne se résume pas aux grandes étiquettes et qu’il existe des producteurs dans la région. Une opération promotion très importante, puisque le vigneron réalise une partie de son chiffre d’affaires avec les ventes au domaine. «Cela répond à une tendance et au besoin des gens d’aller à la recherche du vrai et de l’authentique, et nous recevons de plus en plus de clients en direct. Un moment comme celui-là est très important.»

ENCADRE 1

La Covama, acteur majeur du champagne dans l’Aisne

La Covama (Coopérative de la vallée de la Marne) a vu le jour en 1963. Cette coopérative, installée à Château-Thierry, collecte des raisins et produit des champagnes pour différents usages à destination de ses 473 adhérents et pour ses marques propres, notamment les champagnes Pannier, maison fondée en 1899 et rachetée dans les années 1970. Elle propose toute une palette de services, de la vigne au bouchon, en passant par l’élaboration des cuvées et la gestion du stock. Aujourd’hui, la Covama, c’est 10 à 12 millions de bouteilles pour près de 700 hectares engagés, et le groupe Alliance, union de coopératives qu’elle a intégrée en 1998, représente 7% de la production de champagne. «Les coopérateurs profitent d’un outil de production toujours performant, avec une prestation de services assez large et diversifiée, résume Laure Cuilhé, responsable marketing et communication chez Champagne Pannier à Château-Thierry. Ensuite, soit ils récupèrent les champagnes et les habillent chez eux, soit on les habille pour eux.» A noter que la Covama propose également à ses adhérents des formations pour les aider à développer leur exploitation, notamment tout ce qui touche à la viticulture durable.

+ photo Laure Cuilhé dans l’encadré

ENCADRE 2

+ photo Maxime Toubart

Trois questions à Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons de la Champagne

«Il y a le champagne qu’on aime et celui qu’on n’aime pas»

La Gazette : Pourquoi organiser un salon sur le champagne ici, au Conseil régional ?

Maxime Toubart : L’idée était de pouvoir mettre en avant nos champagnes, car souvent nous présentons nos produits à l’autre bout du monde. Il était nécessaire de pouvoir aller à la rencontre du public sur notre territoire et de lui expliquer que, contrairement aux idées reçues, il y a aussi du champagne dans la région fait par des viticulteurs passionnés. C’est important que les visiteurs le sachent, et ils doivent être fiers de ça. Et puis ce salon était l’occasion de rapprocher le vigneron du consommateur.

Quand on parle champagne, on pense à Reims et ses alentours, mais pas aux Hauts-de-France…

Effectivement, c’est une méconnaissance car il y a du champagne qui est produit dans l’Aisne. Il faut savoir qu’il y a cinq départements concernés : la Marne, l’Aube, la Seine-et-Marne, la Haute-Marne et l’Aisne. Cette production représente 10% du vignoble, donc 3 500 hectares environ. Dans la région, ce sont 800 vignerons qui produisent 7 millions de bouteilles. Pour information, au total il y a 16 000 vignerons pour 35 000 hectares sur les différents départements concernés, soit 310 millions de bouteilles qui sortent chaque année.

Ce champagne produit dans les Hauts-de-France possède-t-il ses propres spécificités ?

Disons que ce sont des spécificités dues au terroir particulier, avec des vignes exposées plutôt sur des coteaux en pente. Pour moi, il n’y a pas de recette particulière. Il y a le champagne qu’on aime et celui qu’on n’aime pas. Je suis toujours surpris par les gens qui vous font de grandes théories sur la qualité du champagne. Et puis vous remarquerez que le champagne a été classé par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité, et ça, c’est une belle marque de reconnaissance.

 

Olivier Belin.

Richard Paillette, Antoinette Kwinciak, sa compagne, et Sébastien Paillette.

Laure Cuilhé.

Maxime Toubart.