La reconstruction de Notre-Dame, une première dans l'histoire du mécénat

L'incendie qui a ravagé la cathédrale de Notre-Dame, à Paris, a suscité un élan de solidarité sans précédent pour la reconstruction. Les dons des particuliers et des entreprises, grandes et petites, s'inscrivent dans le cadre du mécénat, qui fait débat.

Notre Dame de Paris en août 2018 © DR
Notre Dame de Paris en août 2018 © DR

Le milliard d’euros de dons bientôt dépassé : c’est ce qu’annonçait, dans les médias, Stéphane Bern, chargé de la mission Patrimoine et du loto du patrimoine, le 17 avril, deux jours à peine après le terrible incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris. Mondialement connue, emblème de l’histoire de France et symbole catholique, la cathédrale a suscité un élan de générosité auxquels ont participé individus modestes offrant quelques euros, grands donateurs et entreprises. Dans l’histoire  du mécénat, «il s’agit d’un événement extraordinaire. L’événement, d’une symbolique forte, a suscité une mobilisation exceptionnelle. On a déjà vu des mobilisations d’entreprises pour des causes environnementales ou humanitaires, mais jamais à cette échelle et aussi rapidement. Et l’écho médiatique qui a été donné a été proportionnel», analyse Sylvaine Parriaux, déléguée générale d’Admical, association qui regroupe 200 entreprises mécènes.

Les annonces se sont succédé : la famille Pinault, propriétaire du groupe de luxe Kering, a promis 100 millions d’euros. Total aussi. Le groupe LVMH et la famille Arnault, première fortune de France, ont annoncé un don de 200 millions d’euros. C’est aussi le cas de  la famille Bettencourt-Meyers avec le groupe L’Oréal. La famille Bouygues s’est engagée sur 10 millions d’euros et celle de Decaux, 20 millions. Ces dons s’inscrivent dans le cadre de la la loi Aillagon de 2003, qui encadre le mécénat. Pour les particuliers, les dons ouvrent droit à une «réduction de l’impôt sur le revenu égale à 66% du montant des dons, dans la limite de 20% du revenu imposable». Pour les entreprises, ils ouvrent droit à une réduction de l’impôt sur les sociétés (de 60% de la somme donnée, dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires annuel). Ce dispositif, le plus généreux d’Europe, a engendré une polémique, les grandes entreprises se voyant accusées de faire montre d’une générosité en fait financée par  la communauté. Au point que la famille Pinault a dû annoncer qu’elle ne demanderait pas sa déduction fiscale.

Des PME en mécénat de compétences

Le cas des grands groupes a  masqué un autre sujet, celui du mécénat des petites et moyennes entreprises, par nature moins visible. Toutefois, la CPME, la Confédération des PME,  a affirmé sa volonté «d’accompagner le formidable élan de solidarité qui devra se traduire, d’une part, par la recherche de moyens financiers et, d’autre part, par la mobilisation de tous les talents présents dans de très nombreux corps de métiers», dans un communiqué, le 16 avril. Et les PME jouent déjà un rôle dans le mécénat, rappelle Admical. D’après l’association, si les grandes entreprises fournissent les montants les plus importants, les TPE et les PME représentent 97% des entreprises mécènes. En particulier, dans le domaine de la culture, la moitié des entreprises mécènes comptent moins de 10 salariés. Pour  Notre-Dame, «il y a une mobilisation du mécénat sous toutes ses formes, financier, de compétences et en nature. Le groupe Vinci a annoncé qu’il allait mettre ses compétences à disposition du chantier  et a appelé  l’ensemble de la filière du BTP à se mobiliser. Potentiellement, il s’agit d’une multitude de PME et de TPE. On n’avait jamais vu ce type de mobilisation», constate Sylvaine Parriaux.

Toutes proportions gardées, et dans un contexte différent, des TPE et PME se sont déjà illustrées en France dans des opérations de mécénat de compétences, sous l’impulsion des pouvoirs publics. En 2016, à Reims, la mairie, pionnière en matière de politique de mécénat, a eu recours à ce dispositif pour restaurer la fontaine Bué, l’un des monuments emblématiques de la ville. Une cinquantaine d’entreprises de la ville, dont de nombreuses PME, à l’image de Poulain Bobinage – une vingtaine de salariés- spécialiste de solutions de  motorisation et de pompage, ont travaillé  à titre gracieux sur ce chantier. Une opération valorisée  à hauteur de 650 000 euros. 

Mais
pour l’heure, pour Notre-Dame, en amont des problématiques de mécénat, et même
d’organisation du marché public, c’est à trouver les mille et un talents
nécessaires, les charpentiers, couvreurs, doreurs, ébénistes, maîtres
verriers…que devra s’atteler le général, Jean-Louis Georgelin, ancien chef
d’état-major des Armées, chargé de l’immense chantier de reconstruction.

Les
dons des particuliers facilités

Afin d’encourager les dons pour la reconstruction, l’avantage fiscal sera amélioré pour les particuliers, via un projet de loi, a annoncé le Premier ministre, Edouard Philippe : la réduction d’impôt dont ceux-ci peuvent bénéficier passera à 75%, pour les dons jusqu’à 1 000 euros et 66% au-delà, comme actuellement. Les réductions «mécénat» resteront, en revanche, inchangées pour les entreprises. Au 23 avril, la collecte de dons auprès des particuliers s’élève à 21,5 millions d’euros (dont 1,6 million provenant de l’étranger), pour un montant moyen de 100 euros,  a précisé la Fondation du Patrimoine, dans un communiqué.