"La réalité du numérique n'est pas une option, elle s'impose à nous"
La Gazette. Quels sont les obstacles au développement de l’écosystème numérique aujourd’hui en France ?
Akim Oural. C’est un problème de mentalité et de culture de l’entrepreneuriat. Les Français ont du mal à prendre des risques car tout est encadré par des règles. Cela ne veut pas dire que nous devons déréguler notre modèle social, mais il est essentiel d’adapter notre société. La réalité du numérique n’est pas une option, elle s’impose à nous. Comment se positionner sur le marché mondial tout en gardant notre exception française ? Il faut permettre aux jeunes qui veulent entreprendre et qui n’ont pas forcément les moyens d’investir de le faire dans les meilleures conditions. Partager le risque, nous ne le faisons pas assez… L’objectif de la « French Tech » – label qui consiste à faire de la France entière un vaste accélérateur de startups – est à la fois de promouvoir les talents des individus et des start-up, mais aussi le mentorat. Un grand groupe proche du marché international doit pouvoir accompagner et projeter une jeune pousse vers l’international. Nous avons beaucoup travaillé sur la question de fiscalité avec Axelle Lemaire (secrétaire d’Etat au numérique, ndlr) pour faire en sorte de respecter nos valeurs, mais le dumping fiscal que certains pays mènent peut nous amener à nous vampiriser…
Quelles sont les solutions pour créer plus d’emplois dans ce secteur ?
Il faut renforcer la French Tech, permettre à nos entreprises d’être extrêmement attractives pour les jeunes et faire en sorte que la start-up ne souffre pas au moment où elle passe dans la «vallée de la Mort». Pour cela il faut des garanties bancaires, une présence soutenue des investisseurs. Les entrepreneurs se pressent dans les grands salons internationaux, notamment le CES de Las Vegas. Nous travaillons avec la mission French Tech à l’organisation d’un événement international incontournable en France. Le numérique a permis de développer des talents. À nous d’emmener nos start-up dans des stratégies internationales et d’adapter nos dispositifs législatifs fiscaux à cette réalité : garder nos talents pour que leur productions servent au territoire national.
EuraTechnologies est-il un exemple en matière de modèle économique innovant ?
Bien sûr ! EuraTech’ est une ancienne usine textile. L’idée de créer un cluster, un vrai pôle de start-up pour répondre à cette nouvelle économie est un succès, puisqu’elle a impulsé une vraie dynamique sur notre territoire. La métropole lilloise est en avance, tout comme Lyon ou Nantes par exemple. Nous avons fait en sorte que tous nos parcs technologiques soient reliés (Plaine Images, Serre numérique…) grâce à EuraTechnologies. Lorsque la Caisse des dépôts développe le cahier des charges de la French Tech en 2011, elle prend notre territoire comme exemple, car il est le symbole d’un territoire qui a su se reconstruire. La French Tech est partie d’ici… D’ici dix ans, EuraTech’ aura son campus de l’innovation avec des chercheurs du monde entier. Ici, c’est mieux que la Silicon Valley car il n’y a pas que des bureaux : il y a des gens qui vivent et qui côtoient ceux qui travaillent. Nous sommes précurseurs de ce modèle urbain.