Entreprises

La question du harcèlement et de la discrimination au travail décryptée à la CPME Moselle

Le mardi 25 juin, la CPME Moselle organise une formation prud’homale pour ses conseillers. Thème : «Harcèlement et discriminations au travail». Quant à cette question sociétale, rappel de quelques éléments clés à avoir à l’esprit.

Selon le Code du travail, une discrimination de la part d’un employeur «consiste à traiter de manière défavorable un candidat à l’embauche ou un salarié.» De préciser «selon son origine, son âge, son sexe, ses mœurs, son orientation ou identité sexuelle, sa situation de famille ou sa grossesse, ses caractéristiques génétiques, son appartenance ou non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une race, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou mutualistes, ses convictions religieuses, son apparence physique, son nom de famille, son état de santé ou son handicap.» Ceci posé, on notera que la discrimination peut prendre tous types de forme (sanction, obstacle à une promotion, refus de faire bénéficier d’une formation…) et peut intervenir à l’embauche, pendant le contrat de travail et lors de la rupture de ce dernier. Le droit du travail ne prohibe pas toutes les possibilités de différencier les salariés : «mesures de discrimination positive, celles apparemment discriminatoires mais en réalité justifiées par des éléments objectifs légitimes et d'autres répondant à une exigence professionnelle essentielle et déterminante.»

Des données encore préoccupantes

Le baromètre international de l'organisme de formation professionnelle Cegos «diversité et inclusion dans les organisations : les enjeux compétences d’une transformation culturelle» s’est penché sur notre pays. Ses conclusions sont parlantes. Si les lignes bougent et que les conflits sont souvent résolus par les managers et DRH, le chemin à parcourir reste long. 74 % des salariés en France disent «avoir déjà été témoins d’une forme de discrimination et 54 % en avoir été victimes.» Ce phénomène se ferait particulièrement autour de l’apparence physique, le racisme, l’âge et le sexe. Avec des scores plus élevés chez les 18-24 ans. Les plus de 50 ans sont moins nombreux à observer ces actes qui s’exercent principalement durant la phase de recrutement, durant l’intégration et lors d’une promotion. Ils sont perpétrés en premier lieu par des collègues puis par la hiérarchie directe. Les actions de dénonciation des actes sexistes et de lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes ont eu un impact positif sur la libération de la parole, tout comme celles de dénonciation du racisme et de l’antisémitisme. Pourtant, seuls 26 % des salariés français disent «que la parole des personnes concernées s’est totalement libérée Pour 52 %, «rien n’aurait changé.» Au quotidien, l’ambiance de travail se serait dégradée en premier lieu par l’importance accordée au physique et par les remarques à caractère sexiste. Viennent ensuite celles à caractère raciste. Pour favoriser davantage d’inclusion, salariés et DRH plébiscitent plusieurs leviers : modes de recrutement d’évaluation du potentiel, mise en place de modes de travail plus flexibles, sensibilisation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise.

La procédure prud'homale

Malgré ces principes, si le salarié s’estime victime d’une discrimination, il peut saisir le Conseil de Prud’hommes. Il lui revient d’apporter les premiers éléments de fait laissant supposer l’existence de la discrimination. C’est ensuite sur l’employeur que pèse le gros de la charge de la preuve, puisque le Conseil lui demande alors de prouver que la mesure qu’il a prise est justifiée par des motifs légitimes. Si la mesure prise par l’employeur est jugée discriminatoire, elle sera automatiquement annulée et le salarié percevra des dommages et intérêts couvrant l’intégralité du préjudice subi. Un salarié victime d’un licenciement économique discriminatoire bénéficiera ainsi d’une réintégration à un poste et niveau de responsabilité équivalents à ceux qu’il avait quittés - voire supérieurs si une promotion aurait dû avoir lieu dans l’intervalle -, du paiement des salaires correspondant à la période de licenciement et de dommages et intérêts pour les préjudices subis (préjudice moral, financier). Lorsque la discrimination a eu lieu à l’embauche ou lorsque le salarié licencié ne souhaite pas réintégrer l’entreprise, la mesure n’est pas annulée. En revanche, des dommages et intérêts couvrant l’intégralité du préjudice subi sont quand même octroyés.

Première mondiale

Avancée notable : la Convention OTI n°190 du 21 juin 2019 a fourni la première définition, reconnue au niveau international, de la violence et du harcèlement commis dans l’univers du travail et constitue la première norme contraignante destinée à l’éliminer. Le 12 mars 2024, le Conseil de l’Organisation international du travail a adopté une décision invitant les Etats membres à ratifier ce texte. Ils sont encore trop peu à l'avoir fait. Sur ce point, la France fait figure de bon élève : c’est le 27e pays sur 195 à la mettre en œuvre dans le monde, le 5e pays sur 27 en Europe. C’est dans ce contexte que la CPME Moselle organise le mardi 25 juin une formation prud’homale exclusivement réservée à ses conseillers. Cette session sera animée par Maître Joël Misslin de Barthélémy Avocats Strasbourg. Elle distillera de précieux éléments pour appréhender de la meilleure des façons cette réelle question sociétale qui tient à la dignité et au respect de le personne humaine.

À propos du harcèlement... 
Une étude de l’Institut Ipsos révélait que 44 % des salariés déclarent «ne pas être bien informés sur la thématique du harcèlement au travail» et seuls 14 % se disent «très bien informés» à ce sujet. Par ailleurs, seule une minorité déclare bien connaître la législation en la matière (35 %). Ce défaut d’information se traduit, chez la plupart des salariés, par un sentiment de difficulté à identifier avec précision les situations de harcèlement au travail (73 %). Une fois sensibilisés, 35 % des salariés déclarent avoir déjà été victimes de harcèlement au travail (15 % à plusieurs reprises). Certaines catégories d’actifs sont particulièrement touchées, notamment les moins de 35 ans (43 %), les salariés de petites entreprises (38 % des salariés d’entreprises de moins de 20 salariés contre 31 % des salariés d’entreprises de 200 salariés et plus) et les femmes (38 %), même si les hommes sont loin d’être épargnés (31 %). On rappellera que le délai est de cinq ans à compter des derniers faits de harcèlement pour saisir le conseil des prud’hommes.