La politique publique confrontée aux réalités économiques

La présence d’une abondante forêt ne suffit pas à recréer un marché local, voire régional, dans le domaine du bois de construction. La mondialisation de ce marché est passée par là.

Des troncs coupés en attente dans la forêt domaniale de Mormal dont l’exploitation économique est organisée par l’Office national des forêts.
Des troncs coupés en attente dans la forêt domaniale de Mormal dont l’exploitation économique est organisée par l’Office national des forêts.
D.R.

Des troncs coupés en attente dans la forêt domaniale de Mormal dont l’exploitation économique est organisée par l’Office national des forêts.

Ce projet de filière bois devait commencer à se concrétiser en juin 2010. Dans l’extrême sud de l’Avesnois, à Anor, l’Intercommunalité de l’époque, dans le cadre d’un Pôle d’excellence rural accordé par l’Etat, avait, devant les médias locaux, signé des accords devant jeter les bases d’un projet industriel mi-privé mi-public (voir plus loin).

Le projet consistait pour la collectivité publique à acheter de vastes locaux industriels (5 500 m2 d’ateliers) au propriétaire d’une chaudronnerie et à les louer à une société spécialement créée pour l’occasion et baptisée «Wood +». A sa tête, on retrouvait l’ancien propriétaire de la chaudronnerie. La nouvelle entreprise se proposait de mettre en œuvre un procédé breveté de traitement chimique des grumes (les troncs d’arbres). Un procédé qu’un autre industriel de l’Avesnois et le Centre du bois de la Thiérache de Trélon avaient mis au point. But : rendre les bois locaux (le hêtre notamment) aptes à la construction et en mesure de résister à la concurrence des bois importés.

 

Projet en panne. Quatre ans plus tard, la communauté de communes Sud-Avesnois (née cette année de la fusion des communautés de communes Action Fourmies et environs et Guide du Pays de Trélon) est toujours propriétaire des vastes bâtiments d’Anor. Mais le projet «Wood +» reste, lui, en sommeil. Les vastes locaux n’abritent pour l’instant qu’un locataire : la chaudronnerie reconfigurée et relancée cette année…

Pour diverses raisons (divergences entre les partenaires initiaux, absence de clients et de marchés, gouvernance politique impuissante…), les bonnes intentions politiques n’ont pas débouché sur un projet économiquement viable.

Rappelons qu’en juin 2010, la société Wood + devait  investir 794 114 euros (avec 277 940 euros venant de la Région) et l’Intercommunalité annonçait un investissement global d’1,2 million (avec le rachat des locaux) et son espoir de bénéficier de 80% de subventions (Etat, Région, Département…).

 

Du bois, il y en a. Ce projet de filière locale de construction s’appuyant sur les bois locaux apparaît donc au point mort. La communication politique et institutionnelle a également ralenti sur ce dossier, tout en gardant des ramifications dans le plan “forêt” du Conseil régional lancé en 2010.

Cela dit, la ressource naturelle est réelle et constitue par ailleurs un atout touristique. L’Avesnois, avec environ 30 000 hectares de forêts publiques et privées (49% et plus de 2 000 propriétaires), compte plus de 22% de surfaces boisées. Et fait remonter la moyenne régionale.

Sur le territoire, on relève des activités traditionnelles liées au bois de chauffage ou à l’exploitation forestière. Celle-ci est assurée principalement, pour la forêt publique, par l’ONF (Office national des forêts), qui s’occupe de la gestion économique des forêts et du bois (en tirant des ressources de la vente de bois et de la chasse…).

 

Chaînon manquant. Le territoire compte, bien sûr, des entreprises travaillant dans la construction bois ou la menuiserie, sauf que le bois qu’elles manipulent ne provient pas des forêts locales, ou alors très indirectement : après avoir été transformé du côté de l’Asie. La mondialisation du marché et la logique des prix ont en effet privé l’Avesnois d’une activité de transformation. Si elle a existé autrefois, elle fait figure aujourd’hui de chaînant manquant… La majeure partie des troncs partent maintenant vers la Chine ou l’Inde, via des négociants français ou belges, avec embarquement à Anvers.

L’exploitation industrielle du bois se divise aujourd’hui entre le bois d’œuvre (60% environ) et le bois de trituration (pâte à papier et aggloméré).

Face à ces réalités économiques que les entrepreneurs connaissent bien, les élus locaux et régionaux ont peu de marges de manœuvre. Dans le Sud-Avesnois, le pôle régional de compétence bois du Conseil régional, lancé en 2010, a simplement débouché sur un début de développement de formations à la demande des entreprises. On peut citer ce bac pro technicien constructeur bois, en apprentissage, lancé en septembre 2012 à la cité scolaire Camille-Claudel, à Fourmies.