Bâtiment
La pierre en héritage
Spécialisée dans la maçonnerie traditionnelle, la taille de pierre et la restauration de Monuments historiques, l’entreprise Varnerot, installée près de Verdun, vient de souffler ses trente bougies. Entre 2024 et 2026, la société familiale au savoir-faire reconnu participera à la rénovation du musée des Beaux-Arts de Reims et s’apprête à engager son expertise dans la réhabilitation de l’église de Rancourt-sur-Ornain pour les cinq prochaines années.
L’aventure entrepreneuriale de la famille Varnerot débute en 1994. À l’époque, Gilbert - le père - vient d’être licencié d’une entreprise de renom où il exerçait comme tailleur de pierre. Il a connu et participé aux plus beaux chantiers de restauration de la région, que ce soient la cathédrale de Metz, la Basilique de Saint-Nicolas-de-Port ou encore celle d’Avioth. Si la possibilité de quitter le département de la Meuse lui traverse brièvement l’esprit, elle est vite balayée par l’envie de créer avec son fils, Michaël, une entreprise où leur savoir-faire serait mis au service de la pierre. «À sept ou huit ans, j’aimais rejoindre mon père sur son lieu de travail, sentir la pierre», confie dans un sourire le fils qui a suivi une formation exigeante à Dijon avec un CAP puis un BP en monuments historiques. «Tous les six mois, on changeait d’entreprise et on faisait le tour de France pour nous former et nous acculturer.» C’est donc naturellement que le père et le fils se lancent ensemble. Tout débute dans le pavillon familial de Belleville-sur-Meuse avec une obsession : «Aura-t-on suffisamment de travail pour nous deux ?» C’était il y a déjà trois décennies. Et quel chemin parcouru depuis.
Une croissance continue
«Après seulement quelques mois d’activité, nous nous sommes résolus à trouver un bâtiment en location pour répondre aux commandes», se rappelle l’ainé de la famille qui a ensuite été rejoint par le cadet qui a fait tout son apprentissage dans l’entreprise. La société croule sous les commandes, recrute, investit mais surtout se structure. En 2000, la famille achète un bâtiment de 1 000 m2, pensant s’y installer pour toujours. Et en 2002, fini l’artisanat, place à la SARL. C’est à cette époque que Michaël en devient le gérant. Très vite à l’étroit et sachant que Rocamat, leur fournisseur allait fermer son activité de débiteur, il recherche un nouveau point de chute. Ce sera à Thierville-sur-Meuse, tout près de Verdun, avec la construction de leur siège de 2 000 m2 aménagé sur un terrain de 18 000 m2 de terrain. Pour ce projet, 1,5 million d’euros ont été investis. À l’intérieur, un atelier de sciage de pierre, un autre de taille. En pleine croissance, l’entreprise décide en 2024 d’acquérir avec un grand groupe meusien une entreprise messine en difficulté pour gagner de nouveaux marchés. Si le rachat est effectif, l’adossement ne se fera pas, marquant le début d’une période difficile. En 2015, Varnerot qui compte près de 50 salariés est mise en redressement judiciaire, avec un plan de continuation de dix ans. «À ce moment précis, peu de personnes pensait qu’on allait survivre», affirme Michaël Varnerot. Et pourtant, l’entreprise poursuit son chemin, décroche des marchés dont le premier à l’étranger.
La Renaissance
En 2018, les Meusiens décident de répondre à un appel à candidatures pour la restauration de la façade du palais Dos Santos (l’ambassade de France à Lisbonne, au Portugal) datant du XIIe siècle. Ils seront choisis. «Ce marché a montré que l’entreprise était vivante et que nous ne lâcherions jamais rien.» Cinq ans après le redressement, l’entreprise sort de son plan de continuation, la tête haute avec l’envie intacte de poursuivre son essor. En 2018, une antenne est ouverte à Reims. L’objectif est de gagner de nouveaux marchés en Champagne et en Île-de-France. Depuis le début de l’année, l’entreprise participe à la restauration du musée des Beaux-arts de Reims. Un chantier qui mobilisera à temps plein vingt personnes jusqu’en 2026.
Un autre s’ouvrira sur cinq ans en Meuse avec la rénovation de l’église de Rancourt-sur-Ornain. Si l’année 2023-2024 a été particulièrement difficile, compte tenu du contexte économique, la direction a anticipé et joué la carte de la prudence. «On s’est mis en ordre de marche et on a replié les voiles.» À raison. Aujourd’hui, les chantiers redémarrent, mais l’incertitude demeure quant aux capacités de financement des collectivités. Attaché aux valeurs de transmission, Michaël Varnerot avait recruté une douzaine d’apprentis l’année dernière. «On doit les accompagner et essayer de garder quelques jeunes sur notre territoire pour remplacer les départs en retraite. Nous savons que beaucoup repartent dans leur région d’origine, mais c’est la philosophie de l’entreprise, du métier. La transmission est essentielle.»