La ministre de la Mer en baie de Somme
L’Association nationale des élus du littoral (ANEL) a organisé ses journées nationales d’études sur le thème "Une crise majeure : quelle résilience pour les littoraux" à l’entrepôt des sels de Saint-Valery-sur-Somme.
Sur trois jours, plusieurs ateliers thématiques se sont déroulés. Ils ont eu pour sujet : la gestion des rivages, l’adaptation des territoires aux impacts du changement climatique, la préservation de la biodiversité côtière et qualité des milieux littoraux l’économie bleue au service des projets de territoires maritimes.
“Le Brexit est le caillou dans la chaussure du développement maritime”
Le Brexit au cœur des discussions
La séance plénière posant la question “Quelle relance pour la mer et les littoraux ? Vers un nouveau pacte institutionnel et financier entre l’Union européenne, l’État et les collectivités” a accueilli une invitée de marque en la personne d’Annick Girardin, ministre de la Mer, alors qu’étaient évoquées « des synergies à développer pour la relance ». Le Brexit était dans toutes les têtes : « Je suis pour la création d’une task force maritime Europe pour permettre de valoriser les projets au niveau des territoires », a indiqué par visioconférence Catherine Chabaud, députée européenne. Par visioconférence également, Pierre Karleskind, député européen, président de la commission pêche au parlement européen, conseiller régional de Bretagne, n’y est pas allé par quatre chemins : « Le Brexit est le caillou dans la chaussure du développement maritime. Cela laisse planer pour nos régions une grosse question. La France est engagée pour que la pêche ne soit pas une variable d’ajustement au niveau de l’Europe. Un accord de libre échange est essentiel. »
« Le temps long peut nous apporter de l’espoir, a souligné pour sa part Frédéric Cuvillier, ancien ministre de la Mer, président de la communauté d’agglomération du Boulonnais et maire de Boulogne-sur-Mer. Le Brexit, c’est demain. Je suis inquiet de l’évolution des projets. J’implore les pêcheurs européens à s’unir. La seule réponde possible est européenne. À Boulogne, la filière représente 5 000 emplois. Il est le premier dans la transformation des produits de la mer. Il faut mettre en place un plan Brexit, négocier, que l’Europe réforme nos moyens financiers d’accompagnement. Nous allons cumuler les difficultés avec la crise sanitaire. Il y a beaucoup d’espoir dans le plan de relance mais si nous en négocions pas, nous préparons des lendemains qui seront bien difficiles. »
Union et résistance
Hubert Carré, directeur du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins a affirmé aussi que l’on avait « interêt à être unis. Le Royaume-Uni sera obligé d’avoir un accord de pêche avec l’Europe. Le Hareng est autant boulonnais qu’anglais. Il part en Hollande, se retrouve dans la Tamise et revient en Normandie. Vous [ndlr : la ministre Annick Girardin] ou le Président de la République devrez à un moment taper du poing sur la table. »
Sophie Panonacle, députée de la Gironde élue du bassin d’Arcachon, présidente de la Team Maritime, a organisé un colloque en ligne sur l’emploi dans le secteur maritime intitulé “Économie bleue : cap sur un million d’emplois”. Pour elle, toutes les activités maritimes (transports maritimes, aquaculture, énergies marines renouvelables…) doivent travailler ensemble : « La Covid-19 a fragilisé l’économie de la mer. Les uns ne réussiront pas sans les autres, quoi qu’il en coûte… », a t-elle martelé. Elle a souligné la création d’un plan de relance de 150 mesures. Toutefois, elle a pointé des problèmes de recrutement et de formation dans les nouveaux métiers éco-responsables. Pour elle, « le potentiel maritime est exceptionnel, sous estimé. Le XXIe siècle sera maritime. Vive la mer et les littoraux ! »
Vers une politique maritime plus ambitieuse
« J’ai découvert la beauté et les enjeux de la gestion de la côte, s’est réjouie Annick Girardin. Cette crise nous rend tous apprenants, humbles et à plus faire appel à plus d’humilité. Je suis allée à la rencontre de marins pêcheurs. Ils ne savent même pas qu’il y a un ministère de la Mer ! Les territoires ont tous la volonté de préparer le monde de demain, plus équitable, plus durable. Ils attendent des politiques qu’ils prennent leurs responsabilités. Le défi maritime n’a pas de frontière, de limites… La politique maritime va être plus ambitieuse. La mer est un territoire à encadrer, à protéger, à défendre. Les gens de la mer parlent avec leur cœur, leurs tripes, il faut les entendre », a t-elle affirmé. Des orientations sont planifiées jusque 2050 pour que les intérêts de chacun soit bien pris en compte. Pour la ministre : « Nous devons davantage préparer la sortie du Brexit. En France, il sera le visage du pêcheur. Nous devons rester fermes sur nos lignes rouges. » Elle l’a dit haut et fort : « La meilleure de nos protections est européenne et pas chacun chez soi. 5 milliards d’euros sont prévus pour la filière. Vous pouvez compter sur nous pour nous battre jusqu’au bout. »
Elle a terminé son propos par l’annonce, dans le cadre de la relance, de la création d’un sentier de littoral baptisé “France vue sur mer”. Une campagne de restauration d’une partie des 5 800 km déjà aménagés va être engagée et 1 200 km sont à l’étude. Le but étant de valoriser le patrimoine côtier, la biodiversité tout en s’adaptant aux problématiques, en particulier le retrait du trait de côte. « L’ANEL sera présente aux côtés des collectivités », a répondu Jean-François Rapin, son président.