Lors d'une visite à Douvrin

La ministre de l’Industrie tend la main aux «champions cachés du territoire»

Agnès Pannier-Runacher est venue jouer les Père Noël au Siziaf de Douvrin. Dans sa hotte, un soutien financier pour trois entreprises du secteur de Béthune-Bruay et des appels à projets pour réindustrialiser le territoire.

Agnès Pannier-Runacher a dévoilé les noms des lauréats du fonds d'investissement. (Aletheia Press / B. Dequevauviller)
Agnès Pannier-Runacher a dévoilé les noms des lauréats du fonds d'investissement. (Aletheia Press / B. Dequevauviller)

Les Français doivent reprendre leur destin industriel en mains. Voilà le message qu’Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance en charge de l’Industrie, est venue marteler au Siziaf de Douvrin, en plein cœur du parc d’activités Artois-Flandres, le 21 décembre dernier. «De 2000 à 2016, nous avons détruit de l’emploi industriel dans notre pays», a-t-elle reconnu. «Avec la crise de la Covid, cette conviction, que certains ne partageaient pas, de devoir recréer de l’industrie est devenue une évidence collective pour les Français». Et la ministre en a précisé le sens : «Quand d’un coup, on est privé de biens de première nécessité, produits à l’autre bout du monde, car les chaînes logistiques se sont arrêtées, on s’aperçoit que le roi est nu. Nous voulons sortir de cette crise par le haut, en renforçant notre économie».

1,4 million d’euros pour trois entreprises

Dans les locaux du SIZIAF de Douvrin, Agnès Pannier-Runacher a d’abord fait un point sur la mise en œuvre du plan «France relance», destiné à aider rapidement les PME qui ont pris la crise sanitaire de plein fouet. Elle a annoncé le nom des trois nouvelles entreprises lauréates du Fonds d’accélération des investissements industriels, «pour confirmer le soutien de l’Etat à ces projets d’investissements productifs», a précisé la ministre, sur le secteur de Béthune-Bruay.

Ces trois projets représentent 1,4 million d’euros de subventions, sur un total de 3,4 millions pour l’ensemble du territoire, avec à la clé la création de 35 emplois et la sécurisation de 150 autres. «Cette aide de l’Etat est indispensable», confirme Eric Le Bihan, directeur de FLO Europe SAS à Ruitz, l’un des bénéficiaires. Cette entreprise, qui réalise 20 millions d’euros de chiffre d’affaires par an dans la fabrication de gobelets et assiettes à usage unique, a déjà entamé sa mutation du plastique vers le carton. Mais la subvention va accélérer les choses… Les deux autres lauréats sont VEOS Marine & offshore à Douvrin qui prévoit un investissement de 1,3 M€ et la création de 10 emplois et PEME Gourdin à Gonnehem, avec les mêmes chiffres.

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La ministre a aussi exhorté les PME à proposer des projets dans le cadre de la réindustrialisation du pays. © Aletheia Press/B. Dequevauviller

Aussi des projets pour l’avenir

Mais la ministre de l’Industrie a également fait un point sur la mission d’accompagnement, confiée fin octobre au cabinet EY, dans le cadre du programme «Territoires d’industrie», avec la mission d’analyser les opportunités de développement dans les entreprises industrielles. Inciter des industries à s’installer dans les Hauts-de-France fait aussi partie des objectifs gouvernementaux. A ce jour, 43 projets sont déjà suivis sur l’agglomération Béthune-Bruay, avec 440 créations d’emplois possible. Agnès Pannier-Runacher a bien sûr évoqué le projet ACC, cette usine de fabrication de batteries électriques qui verra le jour prochainement à Douvrin. «Le projet est de construire une industrie de la batterie électrique dans lequel plusieurs pays européens redeviennent souverains et récupèrent la maîtrise technologique, alors que la fabrication se fait aujourd’hui en Corée du Sud et en Chine», a-t-elle expliqué. «La batterie, c’est 40% de la valeur ajoutée dans un véhicule électrique. Et la voir partir à l’autre bout du monde, ce n’est pas une perspective réjouissante».

Créer une Gigafactory de la batterie

L’Allemagne et la France sont les moteurs de ce projet, auquel des grands groupes comme Total et PSA se sont associés. Une usine pilote est d’ailleurs en train de voir le jour en Nouvelle-Aquitaine. «Et une autre unité sera implantée à Douvrin en 2023 avec 2 400 salariés». Mais l’idée est aussi de construire toute une économie locale. «Nous voulons bâtir une Gigafactory à Douvrin» a expliqué la ministre. Et son message est clair : «Quand on s’en donne les moyens, on peut trouver les champions cachés du territoire, qui sont très discrets, qui ne savent pas à quelle porte frapper (…) mais qui ont pourtant des projets». La ministre a envoyé un message très clair à destination des élus du territoire. «Aider les entreprises, cela peut être par l’investissement. Mais ce n’est pas que de l’argent. Cela peut être de l’aide pour les démarches administratives ou encore pour trouver un terrain pour démarrer l’activité, etc. En tout cas, il faut réfléchir à une offre commune, un partage de compétences, de sous-traitance. Il n’y a pas de grande économie sans grande industrie».

Et les élus semblent particulièrement sensibilisés au problème. «Notre territoire a beaucoup souffert ces dernières années», explique Jean-Michel Dupont, le maire de Douvrin. «En 1970, la Française de Mécanique, c’était 6 200 emplois. Aujourd’hui, c’est 1 800. Et le plan de compactage se poursuit. Il y avait aussi Finalens qui employait des centaines de salariés et qui a fermé». Ce plan de relance est donc une véritable aubaine pour l’édile. «On a trop négligé l’industrie française et son savoir-faire. Aujourd’hui, on refinance enfin des entreprises et des entreprises propres en plus. Vous savez, les gens ne sont pas compliqués. Ils veulent juste un travail et un logement». Et si le bonheur des uns faisait enfin le bonheur des autres !


Une cadence divisée par trente

«Depuis 2018, nous sommes soumis aux lois sur la transition écologique et aux normes européennes», explique Eric Le Bihan, directeur de FLO Europe SAS à Ruitz. Car l’entreprise qui produisait 3 000 gobelets par minute, sur huit lignes de production, a dû se réinventer. «Nouvelles machines, nouvelle matière première, nouveaux process, nous avons tout changé», confie Eric Le Bihan, soucieux de préserver ses 75 emplois. D’autant qu’avec le carton, l’entreprise produit désormais une centaine de gobelets par minute et nécessite plus de main-d’œuvre. L’investissement nécessaire d’un million d’euros a donc été facilité par la subvention de 300 000 euros, obtenue auprès de la BPI. «En plus, on relocalise», souligne Eric Le Bihan. «Nos concurrents plastiques étaient européens. Nos concurrents cartons, eux, sont asiatiques». A la clé, il y a aussi la création de 10 emplois en 2021.


Un travail en grappe

Si les entreprises sont séduites par une Gigafactory, tout ne semble pas rose. L’entreprise Delzen, spécialisée dans la découpe et l’emboutissage pour l’industrie automobile et qui emploie 70 salariés, a reçu une subvention de l’Etat qui a lui a permis de finaliser 5 millions d’euros d’investissement. «Cette subvention a été indispensable», reconnaît Bertrand Delzen, son dirigeant, qui réalise 15 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. «Nous sommes en pleine rupture technologique. Nous devons investir sur des produits émergents et porteurs». Aujourd’hui, Delzen se tourne vers les véhicules hybrides et électriques. «Mais j’ai des doutes sur la relocalisation des productions en cours. La solution passera par ce que j’appelle un travail en grappe. C’est-à-dire grouper les savoir-faire. Si demain, on veut être assis à la table de la Supply Chain d’ACC, il faut que tous les acteurs automobiles régionaux unissent leurs spécialités».