La Métropole lilloise, entre nature wallonne et envie flamande
C’était le dernier grand raout de l’année pour les acteurs de l’économie et les responsables politiques venus nombreux à la Cité des échanges pour assister et participer aux deuxièmes Rencontres métropolitaines de l’économie de la Métropole européenne de Lille (MEL). Avec une thématique attendue : l’emploi. Compte-rendu.
La fiche d’identité de la MEL se veut attractive : centrale (au cœur de l’Europe du Nord), jeune (43% de la population a moins de 30 ans), active (près de 75 000 entreprises et plus de 500 000 emplois)… Avec ses 1,2 million d’habitants et 500 000 ménages, la métropole lilloise reste l’agglomération la plus conséquente de la région. Ses pôles d’excellence sont reconnus (agroalimentaire, services, industrie de pointe…) et les ressources humaines bénéficient d’un réseau universitaire d’une grande densité.
Pour autant, la Métropole n’en engrange pas totalement les fruits : en 2016, le taux de pauvreté était encore de 20%. Malgré une baisse du taux de chômage qu’on observe partout en France, la MEL est à 10,5% au premier trimestre 2019 contre 12,1% en 2016 et 10,9% en 2011. Pourtant, elle s’est ralliée à des thématiques qu’elle considère comme porteuses d’emploi comme le design, en lien avec la Ville de Courtrai, et sera la Capitale mondiale du design l’an prochain. Son service développement économique compte une équipe d’une dizaine de cadres et s’appuie sur les acteurs du développement (CCI et Lille Agency entre autres).
Damien Castelain, président de la MEL, a mis en avant les accords avec les territoires avoisinant la MEL (Audomarois, Flandres, Dunkerquois, Hainaut…) : «Depuis octobre 2018, nous agissons dans le cadre de l’intra-territorialité. Nous discutons avec le Bassin minier ; la MEL est désormais partie prenante du canal Seine-Nord ; elle considère que Dunkerque est le port de la Métropole. Nous disposons par ailleurs de deux bureaux à Bruxelles et à Londres, où les entreprises sont chez elles…»
Tout est question d’éducation...
Atouts historiques et ambitions politiques suffisent-ils aujourd’hui ? Non si l’on regarde de l’autre côté de la frontière, notamment si on considère le taux de chômage de la Région flamande, entre 2,6% et 2,7% (chiffres 2018 : 3,5% au 1er trimestre 2019)… Si on se rapproche de la métropole lilloise, le taux de chômage belge se rapproche de celui de la MEL : 10% dans le Hainaut belge, 8,6% dans la province de Namur et 7% dans le Brabant wallon (contre 3,7% dans le Brabant flamand). Pour se projeter dans un futur plus prometteur en termes d’emploi, une étude a été menée sur nos voisins belges avec un tour d’Europe des autres régions. Olivier Verhaeghe, dirigeant et consultant de MBJ développement, l’a présentée, dressant le contexte de ces différences territoriales transfrontalières : «C’est un écart qui s’est creusé depuis une trentaine d’années en termes de taux d’emploi et d’activité : pourquoi a-t-on un contraste si fort de part et d’autre de la frontière ? La seconde question qu’on s’est posée relève des enseignements et bonnes pratiques qui pouvaient être utiles : à quels facteurs les écarts de taux de chômage d’une région à l’autre étaient-ils les plus associés ? Les trois indicateurs qui jouent le plus sont ceux qui tournent autour des compétences : part de la population active sans diplôme ; part des jeunes sans emploi, sans diplôme et sans formation ; taux de participation des jeunes à la formation.» Pour l’expert, il convient d’examiner ces indicateurs à la lumière de la qualité du système de formation initiale.
Flamands et Francophones...
La question est partiellement culturelle : il y a huit fois plus de travailleurs indépendants en Flandre qu’en Métropole. «Investir dans les compétences, c’est développer aussi l’entrepreneuriat», a souligné Olivier Verhaeghe. Autre paramètre favorisant nos voisins, la lisibilité institutionnelle et son approche sans a priori des questions de résultats : «Le VDAB (le Pôle emploi flamand) publie tous les ans le taux de chômage des jeunes sortis des formations. Les familles regardent cela de près. Cela ne choque personne.» Pour autant, d’autres raisons sont peut-être à trouver quand on regarde les différences entre Flandre et Wallonie qui ont la même distorsion au niveau de l’emploi qu’entre la Flandre et la métropole lilloise. Avec une population plus âgée que la Wallonie ou la Métropole, le territoire flamand a un taux de chômage mécaniquement minoré face à des territoires plus jeunes. Certains pensent que la Wallonie a perdu son temps en protégeant des industries anciennes ; d’autres avancent que la Flandre stimule beaucoup mieux sa population active, tout comme son enseignement qui est de meilleure qualité. Car en Wallonie, 45% des demandeurs d’emploi n’ont pas de diplôme.
Quelles solutions ?
La Métropole dispose pourtant d’atouts indéniables pour faire mieux avec son millier d’hectares de friches, ses zones urbaines à exploiter ou ses 180 parcs d’activités. Mais il ne suffira pas, comme l’a fait le président Castelain, de mettre en avant des projets d’infrastructures en cours et des emplois francs (subventionnés) pour consolider la confiance. Yann Orpin, président du Medef, a proposé d’agir aussi sur la contribution foncière des entreprises. Une fiscalité qui dépend de la MEL…
Exergue : “La MEL est désormais partie prenante du canal Seine-Nord, elle considère que Dunkerque est le port de la Métropole”