La métropole, économiquement inefficace ?
Faut-il encourager l’urbanisation ? Quand déjà 80 % de la population française vit en milieu urbain, les chercheurs s’interrogent sur les effets de la métropolisation sur l’économie.
Le constat est partagé, les conclusions qu’il faut en tirer le sont beaucoup moins… Le 14 avril, à Paris, se tenait une table ronde consacrée aux «métropoles, clés ou freins au développement ?», dans le cadre de la manifestation, «Le printemps de l’économie». Aujourd’hui, «80 % de la population vit dans une ville, quand en 1850 cette proportion était de 20 %», rappelle Guillaume Allègre, économiste au département des études de l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, rattaché à Sciences Po Paris. Le début du XXIe siècle a été marqué par une poursuite du phénomène du développement des métropoles françaises sur l’ensemble du territoire. À contre-courant, se situe «la diagonale du vide», des Landes à la Meuse, qui continue de se désertifier. Mais au total, les plus grands pôles urbains concentrent 60 % de la population et 71 % des emplois, dessinant des territoires à l’habitat dense et aux caractéristiques spécifiques. Le revenu médian y est plus élevé qu’ailleurs. Par ailleurs, «il y a plus d’inégalités dans les métropoles qui connaissent une diversité de la population, très hétérogène, avec des personnes très qualifiées et d’autres plus pauvres, notamment parmi les immigrés, ce qui se traduit par une ségrégation», constate Guillaume Allègre. Et en ce qui concerne le développement économique des grandes agglomérations, il faut mettre en regard leurs avantages et leurs inconvénients, rappelle le chercheur. Les premiers sont nombreux, comme de potentielles économies d’échelle dans la production, la taille du marché du travail, la proximité avec des clients, des fournisseurs, la présence des pouvoirs publics, des services publics de qualité… Mais les seconds pèsent aussi, avec la congestion, la pollution ou encore le renchérissement des prix du foncier.
Nouvelle mode des politiques publiques ?
De fait, les grandes métropoles sont loin d’avoir fait la preuve de leur efficacité en termes de développement, avance Olivier Bouba-Olga, économiste, doyen de la faculté de Sciences économiques de l’Université de Poitiers. «Empiriquement, cela ne fonctionne pas bien», estime le chercheur, évoquant une étude qui établissait un lien statistique non significatif entre le taux de croissance de l’emploi et la taille de la métropole. Pour Olivier Bouba-Olga, les exemples de grandes villes «qui marchent bien», comme Rennes, Bordeaux et Lyon, ne doivent pas faire oublier les cas de métropoles qui connaissent des développements économiques bien moins soutenus, comme Saint-Étienne ou Nice, ou encore les bonnes performances de territoires moins denses, hors métropoles. Alors, en termes de politique publique, «faut-il accompagner et renforcer le processus ? Faut-il concentrer les moyens sur quelques grandes métropoles ?», interroge le chercheur. D’après lui, règne un «discours un peu trop monolithique» en faveur des grandes métropoles, qui constitueraient la mode du moment, en matière de politique publique. «Au début des années 90, le modèle était celui du district industriel italien», rappelle Olivier Bouba-Olga. À l’époque, avec les systèmes productifs locaux, le gouvernement a tenté de reproduire ce modèle fait d’un écosystème de PME qui se connaissent et collaborent sur un territoire. Plus tard, c’est la Silicon Valley américaine qui est devenue le symbole de la réussite, et dont les pôles de compétitivité ont constitué la traduction française. Et aujourd’hui, c’est la concentration autour de quelques grandes métropoles qui est valorisée. Pour le chercheur, «le problème général réside dans le fait que la politique publique s’attache à chercher le bon modèle de politique économique. (…) Ma conviction est qu’il faut arrêter de chercher un modèle, pour regarder les territoires. La géographie des activités économiques est liée à un historique, un contexte, des problématiques qui sont différentes selon les territoires».
anne.daubree