La Manufacture amiénoise, la nouvelle marque du passé textile de la ville

Une part du patrimoine industriel amiénois est en train de renaître de ses cendres. Presque au sens littéral. L’association Mémoire de Sayetteur, recrée ainsi une marque textile 100 % amiénoise, en faisant revivre les motifs imaginés il y a 200 ans par la manufacture (amiénoise bien sûr) Bonvalet. L’ensemble des bénéfices servira à la restauration du patrimoine Cosserat.

Louis Teyssedou devant les tissus imprimés à partir des planches Bonvalet. (© Aletheia Press / D. La Phung)
Louis Teyssedou devant les tissus imprimés à partir des planches Bonvalet. (© Aletheia Press / D. La Phung)

L’histoire de cette renaissance débute en novembre 2023. En vidant la maison de son grand-père, une amiénoise a découvert des planches en bois sculptées, utilisées par la manufacture Bonvalet pour imprimer des motifs sur du velours. Elle prend alors contact avec Louis Teyssedou, professeur d’histoire au lycée professionnel Édouard Gand, connu pour avoir multiplié les projets autour de l’usine Cosserat, et fondateur de l’association Mémoire de Sayetteur. Celui-ci repère tout de suite la rareté du produit.

Il raconte : « Dans les années 50/60, ces plaques étaient entreposées dans un local du quartier Saint-Maurice. Les habitants s’en servaient comme bois de chauffage. Ce monsieur (le grand-père amiénois, ndlr) les a trouvées belles et en a acheté 300. Pendant plus de 50 ans, elles ont servi d’objets de décoration ».

Protéger un patrimoine extraordinaire

Avec Philippe Dessaint, autre passionné de l’épopée textile amiénoise, Louis Teyssedou reconstitue l’histoire de ces objets. « Les plus anciennes datent de 1710 / 1720. A cette époque l’impression sur toile était interdite en France mais Jacques-Alexandre Bonvalet, qui avait eu accès à un ouvrage détaillant le procédé, vendait illégalement des étoffes imprimées. Cela lui a permis de maîtriser la technique et d’imposer son savoir-faire lorsque le monopole détenu par la Compagnie des Indes a été abrogé », explique l’expert. En 1788, l’entreprise installée à Amiens devient même Manufacture Royale d’étoffes fleuries.

Le carnet Bonvalet est le premier objet proposé par la Manufacture amiénoise (© Aletheia Press / D. La Phung)

« C’est un témoignage exceptionnel de l’histoire amiénoise mais aussi industrielle et des arts », souligne l’enseignant dont le premier objectif est de protéger cette collection inédite. « La priorité est de les stocker dans de bonnes conditions pour éviter toute dégradation. Nous avons donc prévenu les services de l’État pour qu’elles soient inscrites au titre des monuments historiques ou qu’elles soient conservées dans les réserves d'un musée national », précise-t-il.

Louis Teyssedou et Philippe Dessaint souhaitent cependant également partager cette découverte avec le grand public. « Il est important que les habitants se réapproprient ce passé qui appartient à tous », assure celui qui a pu constater l’engouement provoqué par ces planches lors des dernières Journées du Patrimoine.

Une marque 100% amiénoise

« Philippe a réussi à numériser les motifs et à les imprimer. Nous nous sommes dit que c’était quand même génial de pouvoir reproduire des éléments décoratifs du XVIIIe siècle sur du polyester recyclé », sourit-il. C’est ainsi que naît l’idée de créer une marque 100 % amiénoise. « Dans un premier temps, nous avons sollicité le graphiste Philippe Merlot pour la création de ce qui est un peu notre produit totem : le carnet Bonvalet. Nous avons ensuite demandé à Pixel Avenue d’assurer l’impression de celui-ci », détaille Louis Teyssedou.

Un second accessoire de papeterie ainsi que du linge de maison – serviettes, coussins – et des accessoires – foulards, cabas- sont en cours de développement. Ces objets textiles seront fabriqués par le « Kiosque à couture » d’Ozange, structure d’insertion installeé à proximité. « Une grande librairie amiénoise et plusieurs entités publiques ont déjà manifesté leur intérêt pour cette initiative. En parallèle, nous avons rencontré des représentants de grands magasins », confie l’enseignant. Qui précise que tous les profits réalisés serviront à la restauration du patrimoine Cosserat.