La holding animatrice : une organisation à protéger !
La société holding “animatrice” d’un groupe de sociétés est une organisation de type entrepreneurial, comme une PME ou une ETI. Elle a donc accès à un large panel de régimes juridiques et fiscaux destinés à favoriser la création et la transmission d’entreprise. On citera, parmi d’autres, les allégements sur les droits de transmission à titre gratuit (pactes Dutreil), les exonérations partielles ou totales en matière d’impôt sur la fortune (biens professionnels, pactes Dutreil encore) et, en matière d’impôt sur le revenu, les réductions d’impôt pour souscription au capital des PME, le régime des abattements sur plus-values de cession…
Etre ou ne pas être “animatrice”, telle est donc la question. La doctrine fiscale distingue la société holding dite passive – celle qui se contente de gérer ses participations en exerçant ses prérogatives usuelles d’actionnaire – de la société holding animatrice – celle qui conduit la politique de son groupe, contrôle ses filiales (quel que soit le pourcentage de détention) et leur rend le cas échéant des services spécifiques (administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers). Seule cette dernière – que l’administration assimile donc aux sociétés opérationnelles – bénéficie des dispositions fiscales destinées aux entreprises.
Cette définition cache cependant, derrière son apparente simplicité, certaines diff icultés d’appréciation touchant à ce qui caractérise, d’une part, l’exercice du contrôle effectif et, d’autre part, le rôle d’animation du groupe par la société holding. Face au pouvoir d’appréciation de l’administration, le chef d’entreprise se voit régulièrement contraint de porter le fer devant le juge fiscal pour qu’il définisse les contours imprécis de ces deux notions.
Dans ce contexte, la Direction de la législation fiscale, lors d’une conférence consacrée à ce thème le 10 juin 2013, s’est exprimée sur la notion de société holding animatrice. Et les précisions apportées soulèvent depuis lors une forte inquiétude chez les fiscalistes et les chefs d’entreprise, nos clients, qui envisagent de transmettre à titre gratuit leur entreprise organisée en holding et filiales, et d’exercer des fonctions leur permettant de conserver des titres sociaux ayant la qualification d’outil de travail. Ou qui ont réalisé cette transmission récemment et qui s’inquiètent ! A juste titre d’ailleurs, car a, en effet, été évoquée à cette occasion une nouvelle condition dont la portée est loin d’être anodine : il serait ainsi nécessaire, pour que la société holding puisse être qualifiée d’animatrice, qu’elle contrôle l’intégralité des participations qu’elle détient. Selon cette interprétation restrictive, la seule détention d’une participation “passive” isolée priverait intégralement la société holding de toute qualification d’animatrice et par extension de tout régime fiscal associé, particulièrement la qualification d’outil de travail.
La holding deviendrait “passive”. Au lieu d’apprécier de façon distributive si la condition d’animation est bien remplie à l’égard de certaines filiales qui le justifient, et non d’autres (participations minoritaires notamment), il s’agirait, bien au-delà des textes et de la doctrine actuelle telle que figurant au BOFIP, d’adopter une position binaire : toute détention “passive”, aussi infime soit-elle au regard du patrimoine de la société, entraînerait une disqualification totale. Ainsi, alors même qu’elle anime une ou plusieurs filiales, la holding deviendrait “passive” par le seul fait d’une participation marginale !
Une fois de plus, la sensation d’instabilité fiscale est au rendez-vous, sur la base du compte rendu d’une conférence et, à présent, d’un projet d’instruction fiscale… Juriste impartial et instituteur du droit, le notaire ne peut y rester insensible. Pourquoi ? Parce que cette vision serait de nature à remettre en cause ici le régime d’une transmission, là des années d’exonération ou d’atténuation de l’impôt sur la fortune destinée à favoriser l’émergence dans notre pays de puissantes ETI, seules capables de relever le défi de la croissance et de l’emploi ! En effet, cette vision contraindrait les entrepreneurs à la tête de PME et ETI à compartimenter leurs participations, à multiplier les holdings et alourdir ainsi les organigrammes. Avec, à la clé, une complexification coûteuse et sans aucune plus-value économique. Au risque de se voir en outre reprocher des montages susceptibles d’être qualifiés d’abus de droit !
Attractivité de notre territoire. L’enjeu, stratégique en considération du nombre croissant de groupes détenus par une holding, est une fois encore la stabilité et la lisibilité de la règle de droit. Il en va de l’attractivité de notre territoire, de la compétitivité de nos entreprises et du moral des entrepreneurs, déjà exaspérés par ces incessants revirements fiscaux.
Conseil des entrepreneurs qui investissent, qui osent et qui s’engagent, le notaire est concerné au premier chef lorsqu’il met en oeuvre des transmissions par voie de donation, donation-partage, donation transgénérationnelle, ayant pour but d’assurer sereinement la pérennité de nos entreprises, avec un actionnariat familial stable, garant du développement à long terme. Réfléchissons-y !
Frédéric ROUSSEL, notaire associé à Lille,
et David GAUTIER, notaire stagiaire.