La hausse des défaillances d’entreprises atteint un record en 2024
Selon le décompte provisoire de l’Observatoire du groupe bancaire BPCE, le nombre des défaillances d’entreprises en France affiche un niveau record, jamais atteint depuis 2010.
Le nombre des défaillances d’entreprises en France s’est établi à «un niveau élevé sur l’ensemble de l’année 2024, avec une tendance à l’accélération sur le dernier trimestre», a résumé Julien Laugier, économiste au sein du groupe bancaire BPCE, lors de la présentation à la presse du bilan 2024 des défaillances d’entreprises en France et des perspectives 2025. Selon le décompte provisoire de l’Observatoire de BPCE, 66 420 entreprises françaises ont fait défaut l’an passé, représentant environ 260 000 emplois menacés.
Une large majorité de PME et ETI
Un phénomène qui n’a pas été compensé par une accélération des créations d’entreprises : il n’y a pas eu «de vases communicants entre défaillances et créations d’entreprises», a relevé l’économiste. Ce sont les entreprises de taille significative (PME et ETI) qui sont le plus menacées. Ainsi, seules 18% des défaillances concernent des néo-entreprises (créées depuis moins de trois ans). Et alors que le nombre d’entreprises individuelles en difficultés ne cesse de diminuer, les défaillances de sociétés commerciales (SA, SARL, SAS) ont explosé au point de représenter «la quasi-totalité des entreprises défaillantes».
Cette prédominance des entreprises de taille significative explique l’impact sur le niveau des emplois menacés, qui s’établit autour de 260 000, soit un niveau très haut. Et il ne s’agit pas là uniquement d’un effet de rattrapage des « défaillances évitées » entre 2020 et 2022, grâce au soutien financier accordé par le gouvernement en raison de la crise sanitaire : ce « rattrapage » est déjà quasi-total pour les PME et ETI, ces «défaillances évitées» se sont déjà produites ces deux dernières années.
Disparités sectorielles et territoriales
Cette tendance générale se traduit néanmoins différemment selon les secteurs d’activité. La hausse des défaillances d’entreprises a été beaucoup forte dans les secteurs les plus exposés à la crise sanitaire : l’hôtellerie et la restauration, en particulier, mais aussi le commerce de détail non alimentaire, les transports ou la culture.
On constate également des divergences territoriales, avec cinq régions très affectées – Aquitaine, Poitou-Charentes, Midi-Pyrénées, Ile-de-France et Rhône-Alpes – et trois régions plus épargnées – Limousin, Lorraine et Champagne-Ardenne. Autre constat dressé par l’Observatoire de la BPCE : « les entreprises des grandes villes semblent plus fragilisées que celles implantées dans les petites villes », a souligné Alain Tourdjman, directeur des études économiques du groupe BPCE.
La construction, l’immobilier et la filière automobile en grandes difficultés
Du fait de la baisse des transactions dans le logement ancien et de la chute de l’activité dans la construction de logements neufs, les secteurs du bâtiment et de l’immobilier sont désormais «en sur-défaut», a poursuivi l’économiste. La situation est «particulièrement inquiétante» dans les agences immobilières – 1 232 défaillances enregistrées sur 12 mois, – et la promotion immobilière, et elle «est en train de se diffuser sur le secteur de la construction et des travaux d’installation».
La filière automobile se trouve également dans une situation très préoccupante. «La filière est presque au point mort, a expliqué Julien Laugier. Le marché de l’occasion résiste, alors que le neuf s’enfonce dans la crise». Du côté des particuliers, les immatriculations ont enregistré une baisse de 22% pour les véhicules neufs et de 4% pour les véhicules d’occasion, sur an, par rapport à 2019. Quant aux immatriculations de véhicules utilitaires légers, elles ont diminué de 20% pour les véhicules neufs et augmenté de 5% pour les véhicules d’occasion, sur la même période. Au total, 2 764 défaillances d’entreprises ont été enregistrées dans cette filière en 2024, soit une augmentation de 30% par rapport à 2019. Les défaillances ont ainsi atteint «le plus haut niveau historique» pour les concessionnaires automobiles (ventes) et les garages (entretien et réparation).
Croissance faible, inflation et incertitudes politiques
En France, l’année 2024 a été caractérisée «par une croissance modérée, avec une tendance au ralentissement au cours de l’année», a rappelé Alain Tourdjman. Le tout dans un contexte d’incertitudes lié à «la succession de chocs depuis cinq ans», lesquels ont des impacts en matière de politique économique, d’investissements et de projets d’embauches.
En revanche, «on constate que le choc inflationniste et le choc politique lié à la dissolution de l’Assemblée nationale n’ont pas eu d’effet négatif sur le taux de marge des entreprises», a relevé Julien Laugier. Le secteur des services a néanmoins plus souffert de l’inflation que les secteurs situés plus en amont de la production, et les TPE ont également été plus affectées que les PME. Les TPE et PME qui, contrairement aux ETI et aux grandes entreprises, se sont massivement désendettées depuis la crise de 2008, ont poursuivi leur désendettement en 2024, ce qui explique le recul de leurs investissements.
Vers une stabilisation de défaillances d’entreprises en 2025 ?
En termes de perspectives pour 2025, il faut s’attendre, selon les deux économistes de la BPCE, à une croissance économique limitée et une vague des destructions d’emplois (de
l’ordre de 40 000 emplois, selon la Banque de France), ainsi qu’à la stabilisation des défaillances à un niveau élevé (68 000 prévues en 2025), avec un ralentissement pour les PME et ETI et une accélération pour les plus petites structures.