"La gratuité dans le monde du marché, c’est aussi du réalisme"

Christophe de Margerie est un habitué des rencontres pour la paix de la Communauté Sant’ Egidio.
Christophe de Margerie est un habitué des rencontres pour la paix de la Communauté Sant’ Egidio.

 

CAPresse 2013

Christophe de Margerie est un habitué des rencontres pour la paix de la Communauté Sant’ Egidio.

L’ancien directeur général du FMI entre 1987 et 2000, Michel Camdessus, Christophe de Margerie, PDG de Total, étaient présents aux 27es Rencontres pour la paix de Saint’Egidio, le 30 septembre dernier à Rome. Chacun des deux hommes a conversé dans un des ateliers des Aporie ? Peut-on faire débattre un prêtre luthérien finnois (Eero Huovinen), un rabbin allemand (Jaron Engelmayer), un président honoraire de la Banque de France (Michel Camdessus) et le PDG du plus grand groupe pétrolier européen (Christophe de Margerie) ? Thème débattu : «Gratuité et marché». Plus philosophe qu’économiste, Michel Camdessus a posé des jalons humanistes : «Dans l’économie actuelle, la gratuité et le don sont essentiels si l’on veut construire une société humaine. Depuis 40 ans, la pensée libérale nous a fait croire que tout s’achète et que tout se vend. J’achète, donc je suis.» La gratuité introduit une tension radicale avec le marché ; elle est son «négatif» comme le marché est son alter ego. Si la consommation ne suffit pas à engendrer le bonheur, la gratuité peut être cependant «la clé, la limite du marché» ajoute l’expert qui s’est fait nécessairement théologien dans l’auditorium Jean-Paul-II, lieu d’enseignements religieux et profanes, à un jet de pierre du Vatican : Dieu est don et l’homme est à son image. Il y a donc une place à faire au don dans l’espace économique. C’est une question de degré d’humanité pétitionne l’ancien banquier. Utopie ? angélisme ? «Il ne faut pas s’excuser de choisir la gratuité. La gratuité dans le monde du marché, c’est aussi du réalisme. Ne nous le cachons pas», répond Michel Camdessus.

Sant’Egidio, médiatrice privé/société civile. La question du don fait dire à Christophe de Margerie : «C’est vrai qu’on a fait 260 milliards de chiffre d’affaires l’an dernier. Quand on y pense, c’est fou. Moi-même je n’en reviens pas.» Mais quelle place pour le don dans ces hauteurs financières ? Christophe de Margerie n’en a pas parlé ; il a disserté sur «Le courage de l’espérance», thème principal des Rencontres 2013. «Pour les entreprises, il ne faut pas avoir peur de parler de ce qu’est le profit, de la nécessité du marché», a déroulé le dirigeant. La Communauté, de son côté, est pragmatique : le groupe italien de construction d’infrastructures Salini Impregilo est son sponsor principal ; une vingtaine d’autres entreprises (parmi lesquelles les Français Groupama et Peugeot) donnent à l’institution. Et les pouvoirs publics contribuent à la réalisation de ces Rencontres annuelles.