La génération Y en quête de sens
Egoïstes, impertinents, ingérables et paresseux, les qualificatifs prêtés à la génération Y ne sont pas flatteurs dans les nombreux ouvrages et articles de presse traitant des jeunes. Cette génération, née entre le début des années 80 et le milieu des années 90, aurait développé des caractéristiques peu compatibles avec la vie hiérarchisée en entreprise. Derrière ce portrait caricatural, les jeunes actifs évoluent dans un monde hyper-connecté et ont développé une culture, des codes et des valeurs qui placent la relation humaine au cœur de leurs attentes. Aujourd’hui, les entreprises et leur management s’adaptent aux modes de fonctionnement de cette génération pour laquelle l’accès au marché du travail devient plus compliqué.
La littérature abonde sur le comportement au travail de la génération Y et laisse imaginer que les jeunes rejettent le monde de l’entreprise. Mais contrairement aux idées reçues, les Y sont avant tout confrontés à une conjoncture économique difficile que la génération précédente, “les X”, n’a pas affrontée lors de son arrivée sur le marché du travail. Les jeunes ont observé, pour la première fois, les conséquences du chômage de masse et les parents qui perdent leurs emplois en temps de crise. Bien que diplômée, cette génération rencontre les plus grandes difficultés à être embauchée en raison de son manque d’expérience professionnelle et d’opportunités plus rares. Avec un taux de chômage de 24% pour les jeunes de moins de 25 ans en avril 2015, il atteint plus du double de la moyenne nationale. Les jeunes actifs découvrent la précarisation en enchaînant les stages et les contrats courts, avec des salaires qui reflètent rarement leur niveau d’études. Face à cette désillusion, ils abordent différemment leur vie active. Si le travail reste pour eux une source d’épanouissement, elle n’est plus la seule. “Le bonheur tient à l’harmonie, à l’équilibre entre la sphère professionnelle et la sphère privée“, explique l’association WoMen’Up dans une étude sur la génération Y publiée par le cabinet d’audit Mazars.
Une génération engagée avec des convictions forte
Quelque peu idéalistes, les Y affirment leur droit au bonheur. Dans l’enquête menée par le cabinet Mazars en 2012 auprès d’un échantillon mondial représentant cette génération, 28,5% des interrogés affichent comme objectif premier de réussir à équilibrer leur vie privée avec leur vie professionnelle et 27%, de vivre pleinement leur vie. En cela, ils s’opposent aux aspirations de leurs parents qui, pour 32%, cherchaient l’indépendance financière. “Les jeunes revendiquent le droit de conserver du temps pour s’investir dans d’autres causes“, remarque Pascaline De Ruyver, directrice associée chez QuinteSens, une société qui accompagne les managers aux étapes clés de leur parcours professionnel. Pour cette génération “digital native” qui maîtrise parfaitement les clés et les codes des réseaux sociaux, la notion de relation entre les individus est une priorité. Ils placent le collectif au centre de toutes leurs attentes. De ce constat, il n’est pas étrange que les Y soient deux fois plus nombreux que leurs parents à déclarer vouloir s’investir dans une cause. “Ils sont à la recherche d’épanouissement et de bien-être. Ils s’investissent dans d’autres domaines, notamment à travers le milieu associatif“, explique Pascaline De Ruyver. Les jeunes, contrairement à leurs aînés, aspirent à une plus grande mixité en entreprise et à l’égalité entre les individus sans abolir les différences. Ainsi, “75% des répondants pensent que si les hommes et les femmes sont égaux en droits, ils n’en restent pas moins différents“, atteste l’étude de Mazars.
Une approche différente du monde du travail
La génération Y fait voler en éclats certaines règles bien établies en entreprise. Ils contestent le présentéisme, remettent en cause les liens hiérarchiques et manifestent leur point de vue. “Ces jeunes salariés ont des choses à dire et veulent le faire savoir. L’accès instantané à l’information avec les nouvelles technologies et leur curiosité expliquent ce comportement“, remarque la directrice associée de QuinteSens. La génération Y a développé un besoin de considération et de reconnaissance dans l’entreprise. “Le sentiment d’utilité est important, c’est pourquoi les entreprises doivent leur faire des retours pour ne pas briser leur enthousiasme“, ajoute Pascaline De Ruyver. Laurent Choain, directeur des ressources humaines de Mazars, précise : “Ils sont avides de sens et souhaitent des méthodes de travail différentes.” Près d’un quart des salariés de moins de 35 ans considèrent que l’entreprise ne leur fait pas confiance, créant un sentiment de défiance. Plus indépendants que leurs aînés, les Y accordent une grande importance à l’ambiance de travail, qui passe par les relations sociales avec les collègues de bureau et aussi par l’utilisation des nouvelles technologies. “Pour cette génération, la technologie imprègne leur quotidien. Le Y n’hésite pas aller consulter sa page Facebook ou à envoyer des SMS aux amis durant les heures de bureau“, constate Pascaline de Ruyver. Ces nouveaux comportements bouleversent la relation au temps de travail. “Cette jeune génération a un besoin de liberté. Les horaires classiques de bureaux ne leur conviennent pas. Ils sont farouchement opposés au présentéisme,” précise la directrice associée. La génération Y n’est pas sur un modèle de travail basé sur la notion du temps mais sur l’efficacité. Ils aiment la vitesse, la réactivité, et avoir l’impression de participer pleinement dans un projet. “Ils sont très bosseurs à condition de voir la finalité du travail. Il est préférable de les intégrer dans des projets réalisables à court et moyen terme. On peut regretter une capacité de concentration plus faible“, remarque Pascaline de Ruyver.
Un risque de conflit intergénérationne
Le comportement nouveau de la génération Y peut être mal interprété par le management qui y verrait une forme de dilettantisme, en particulier pour les générations précédentes. L’incompréhension intergénérationnelle peut être source de tension, voire de conflit, induite par l’absence de communication. Si les jeunes expriment leurs opinions et remettent en cause la hiérarchie, ils attendent un comportement exemplaire de leur manager. “Ils ont besoin d’écoute. L’affect a un rôle central dans leur épanouissement“, conclut Pascaline de Ruyver.