La FNSEA avance ses propositions pour une agriculture viable
La FNSEA formule des vœux pour une année «combative», et 30 propositions, notamment destinées à réguler la concurrence, permettre aux agriculteurs de vivre de leur activité, en mode durable.
Répondre aux enjeux fondamentaux de l'agriculture en France. Le 11 janvier dernier, à l'occasion d'une conférence de presse de présentation des vœux, Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, a dressé un panorama de la situation actuelle de l'agriculture en France, dont découle ses propositions «pour un projet présidentiel ambitieux». Le tableau esquissé n'est pas sans ombres : après deux années difficiles, «la chaîne alimentaire tient bon, car ses acteurs se décarcassent», constate Christiane Lambert. Toutefois, poursuit-elle, «l'agriculture française a régressé. (…) Nous avons perdu en compétitivité, et cela s'est traduit par une délocalisation des productions», mis à part pour les céréales et le vin.
Le
constat est posé par plusieurs rapports officiels, dont celui
parlementaire «Autonomie
alimentaire de la France et de ses territoires»
(décembre
2021). Et les tendances actuelles pourrait le compliquer davantage.
En particulier, qu'il s'agisse de l'énergie, du carton ou des
engrais, «les
cours flambent, et les prévisionnistes s'attendent à ce que cela
continue»,
pointe Christiane Lambert.
Attention
à l'Europe
Dans ce contexte, les propositions de la FNSEA couvrent divers domaines, parmi lesquels les orientations de l'Union Européenne, qui devrait «créer les conditions d'une croissance agricole durable en Europe». «Une croissance durable et rentable : c'est l'option que nous portons au niveau européen», avance Christiane Lambert. Car le principal syndicat agricole redoute plusieurs biais, et en particulier des objectifs environnementaux trop contraignants, notamment liés au «Green deal» européen. Partant, au niveau européen, c'est la sempiternelle question de la concurrence, intra et extra UE, qui préoccupe. A ce titre, la FNSEA préconise d'imposer au niveau européen des «mesures miroirs» à l'ensemble des produits agricoles importés. Et aussi, d'accélérer l'harmonisation européenne des règles sociales et environnementales.
A
ce titre, les pratiques nationales sont également pointées :
concernant les directives européennes, «souvent,
la France fait de la surtransposition, elle se met un boulet au
pied»,
estime Christiane Lambert. Exemple : le «plan
pollinisateurs»,
en 2020. La FNSEA avait dénoncé «l'instauration
d'un processus franco-français d’évaluation des produits
phytosanitaires, en anticipation par rapport au cadre européen,
(qui) met les agriculteurs français en situation de distorsion de
concurrence pour la protection de leurs cultures».
Parmi
les autres enjeux – nationaux – identifiés par la fédération,
figure la nécessité d'une «véritable
loi sur le foncier»,
argumente
Henri
Bies-Péré,
vice-président de la FNSEA.
Transmission des entreprises, statut du fermage, portage du
foncier... Autant de thèmes qui devraient être traités, car le
moment est stratégique. La relève s'approche, avec la moitié
environ des agriculteurs qui devraient quitter leur exploitation dans
les dix ans, d'après la FNSEA.
Résoudre
l'équation précarité alimentaire et revenu décent des
agriculteurs
Autre
enjeu prioritaire qu'adresse la FNSEA dans ses propositions :
celui de la rémunération des professionnels. A ce titre, elle
plaide, par exemple, pour un développement fort d'une
assurance sur les récoltes, en cas d'incident climatique. Le
dispositif devrait garantir aux agriculteurs concernés de supporter
économiquement ces événements. Gel, sécheresses, inondations...
les agriculteurs ont subi de nombreux incidents climatiques en 2021,
et avec les inondations dans le Sud, 2022 n'a pas débuté sous de
meilleurs auspices…
Mais
un autre type d'aléas pèse lourd sur le revenu des agriculteurs :
le fonctionnement de la chaîne économique et les négociations avec
la grande-distribution. Pour la FNSEA, la qualité de la mise en
application des lois Egalim 1 et 2 constitue donc un enjeu crucial.
«Les négociations sont difficiles», pointe Christiane
Lambert. Les 29 centimes auxquels le distributeur Leclerc propose
ses baguettes de pain, ne passent pas : «C'est
insultant», commente la présidente de la FNSEA. Dans cette
équation entre revenu des agriculteurs et prix de vente des
produits, pèse aussi l'enjeu du pouvoir d'achat des Français, et
pour les plus démunis d'entre eux, la précarité alimentaire. Mais
pour la fédération,
pour résoudre ce problème, «il faut engager une vraie
politique, voir comment accompagner et soutenir les populations qui
sont dans cette situation, et non compter sur la baisse des prix des
produits alimentaires», plaide Christiane Lambert. Pour la
présidente de la FNSEA, avec l'option des prix bas, «c'est
encore la grande distribution qui tire bénéfice de la situation».
S'adapter
au climat
Autre enjeu fort des propositions de la FNSEA : le soutien de l'agriculture dans sa transformation face aux enjeux climatiques. C'est la «mère de toutes les batailles», souligne Henri Bies-Péré. Celle-ci avait d'ailleurs fait de ce sujet l'objet de son rapport d'orientation, en 2020. En effet, «l'agriculture subit le climat, elle est le premier témoin de ces changements», rappelle Henri Bies-Péré. Face aux projections du GIEC sur l'évolution du climat et aux constats de l'ONU, qui estime que 800 millions de personnes sont touchées par la faim dans le monde, (10% de la population) suite à la pandémie, l'objectif consiste à être en mesure de répondre au double enjeu de nourrir la planète et de rendre les chaînes agricoles résilientes face aux phénomènes climatiques.
Parmi les pistes proposées par la FNSEA : accélérer la transition bas carbone de l'agriculture, accompagner les professionnels dans leur cheminement vers des pratiques agro-écologiques, sur le plan des conseils et de l'investissement... Autre proposition : «faire de l'agriculture le premier fournisseur d'énergies renouvelables d'ici 2030 (…) ; l'agriculture peut apporter des solutions», explique Henri Bies-Péré. Pour ce, la FNSEA propose de détaxer les biocarburants produits en France. Et aussi, les entreprises françaises pourraient être incitées à relocaliser leur compensation carbone dans l'agriculture française.