La fiscalité locale, enjeu de compétitivité et d'attractivité
Les entreprises ne sont pas opposées à la fiscalité locale, mais trop d'excès nuisent. Ainsi pourrait-on résumer le message de Frédéric Motte, président du Medef Hauts-de-France, aux élus locaux de la région. 3,7 milliards d'euros, c'est le montant des taxes qu'elles ont versées en 2016 aux collectivités locales. Plus 4,7% sur un an et +8,7% sur deux ans. Une pression loin d'être marginale et qui interpelle.
Si «les problématiques de ressources humaines et de management sont aujourd’hui la préoccupation première des chefs d’entreprise, la fiscalité est néanmoins un élément sur lequel nous sommes vigilants, car elle est un élément important de compétitivité», a expliqué Frédéric Motte, président du Medef Hauts-de-France, en présentant récemment les résultats de l’édition 2018 du Baromètre de la fiscalité locale appliqué à la région. Un Baromètre qui en est à sa troisième édition au niveau national, à sa deuxième au niveau régional et à sa première à l’échelon de la métropole lilloise, dont la finalité est de mesurer l’impact de la fiscalité locale sur les entreprises. «Point d’étape annuel, ce baromètre est à la fois un outil incontestable et un outil non pour s’affronter ni quémander, mais un outil de dialogue, d’interpellation et de sensibilisation avec les acteurs du territoire pour mieux appréhender les enjeux de la fiscalité locale, enjeux pour les entreprises de compétitivité et pour les territoires d’attractivité. Son suivi annuel nous permet de revoir tous les ans les élus et de les sensibiliser.»
«Des sommes colossales»
Que retenir de l’édition 2018 qui porte sur la fiscalité payée en 2016 ? «Le montant de la fiscalité locale atteint des sommes colossales auxquelles on ne s’attend pas toujours. Dans les Hauts-de-France, ce sont 3,7 Mds€ apportés par les entreprises pour financer les collectivités locales.» Un chiffre que Frédéric Motte ne remet pas en cause en tant que tel – il faut bien financer les collectivités locales et l’entreprise doit y apporter son écot –, mais qui l’inquiète car il «augmente toujours fortement, +4,7% sur un an, bien au-delà du rythme d’inflation, +0,7%, de l’augmentation de l’indicateur de la richesse qu’est le PIB, +2%, et +8,7% sur la période 2014-2016, contre respectivement + 2,6% et 6,5% en France. Cela veut dire qu’en Hauts-de-France, on mange plus vite qu’on ne crée de la richesse et qu’on est en train de s’amputer de capacités à rebondir et à créer».
La fiscalité locale des entreprises représente au niveau régional 2 607 € par salarié en 2016, elle est de 2 641 € en France. Mais, à regarder les intercommunalités ou EPCI, les disparités sont fortes tant au niveau du montant global par salarié – de 1 622 € sur la communauté de communes du Pévèle-Carembault à 4 045 €, hors taxe de 500 € due par les entreprises portuaires, sur la communauté urbaine de Dunkerque – que de l’importance relative des grands postes de fiscalité locale, avec un impact important du poids des taxes assises sur les valeurs locatives et, pour le milieu urbain, du versement transport.
«La capacité d’attirer des entreprises, ce n’est pas que la fiscalité, mais c’est un point important»
Une évolution qui préoccupe
«Nous avons deux préoccupations : d’une part la croissance de la fiscalité – il faut absolument qu’on arrive à un niveau équivalent à la création de richesse sinon on s’appauvrit – et, d’autre part, donnez-nous en pour notre argent», poursuit Frédéric Motte en citant l’exemple du versement transport sur la métropole lilloise au taux de 2%, faisant allusion, entre autres, à la thrombose routière. «La fiscalité locale nous embête à plusieurs titres : elle est lourde, économiquement pénalisante dans certains territoires et inéquitable car sujette à interprétations et à pléthore de recours…» Et de rappeler, évoquant en particulier «le combat fort» du Medef sur les valeurs locatives et la requalification des locaux, que si le chef d’entreprise est bien conscient qu’il doit contribuer à l’intérêt général et au développement de son territoire, pour faire son business plan et investir il a besoin de la confiance et donc de la lisibilité et de la visibilité. A cela s’ajoutent la crainte que la perte de la ressource taxe d’habitation ne soit reportée sur les entreprises par les collectivités et le constat d’une dépense publique qui ne cesse de croître fortement…
«La fiscalité, enjeu de développement»
«Ce que nous voulons, c’est mieux de dépenses publiques, pas moins de dépenses publiques ; pas moins de services publics, mais mieux. Ce qui nous embête, ce sont les impôts de production dont la France est championne d’Europe. L’impôt sur les sociétés ne nous gêne pas outre mesure, je gagne de l’argent et je le redistribue. Avec la fiscalité locale, je n’ai pas encore gagné le moindre centime que je prends un coup de marteau… Un de nos points de vigilance, c’est cette croissance de la puissance publique», plaide-t-il en recommandant aux collectivités davantage d’efficience, une gestion comme une entreprise, une revisite des politiques et des modes d’organisation.
On l’a compris : «Ce Baromètre se veut être un peu le poil à gratter des élus et leur rappeler quelques impératifs. Qu’il faut, avant de dépenser des recettes être vigilant : ce n’est pas parce que la croissance redémarre qu’on n’est plus dans la compétition des territoires. La capacité d’attirer des entreprises, ce n’est pas que la fiscalité, mais c’est un point important… Nous ne sommes pas là pour donner des bons ou des mauvais points. Ce qui nous intéresse, c’est l’enjeu de développement.»
Des EPCI plus ou moins impactantes (fiscalité des entreprises par salarié)
• Du plus haut
CU de Dunkerque : 4 045 €
CA de la Porte du Hainaut : 3 103 €
CA Maubeuge Val de Sambre : 2 902 €
CA du Calaisis : 2 818 €
Métropole européenne de Lille : 2 566 €
• Au plus bas
CA de Saint-Omer : 1 861 €
CC du Sud-Avesnois : 1 732 €
CC Pévèle-Carembault : 1 622 €
Source : Baromètre de la fiscalité locale, février 2018, http://www.barometrefiscalite.fr/