La filière du recyclage se développe
Avec 9 milliards d'euros, la filière du recyclage a connu une légère baisse de son chiffre d'affaires en 2018. Mais l’évolution diffère selon les filières, celle du bâtiment ayant bénéficié du dynamisme de la construction, quand celles du carton et du plastique souffrent de surproduction.
Un chiffre d’affaires en légère baisse pour une activité qui se développe : tel est le bilan paradoxal de l’industrie du recyclage en France, en 2018, présenté récemment à Paris, par Federec, la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage, qui regroupe un millier d’entreprises (28 810 salariés), réparties en 12 filières. Au total, en 2018, le chiffre d’affaires s’est élevé à 9 milliards d’euros, soit 1% de moins que l’année précédente. Et avec 107 milliards de tonnes collectées l’activité connaît une hausse de 2%. Bref, une année «globalement positive», d’après Jean-Philippe Carpentier, Président de Federec.
Toutefois, des évolutions potentiellement perturbatrices et des signes inquiétants s’accumulent. En particulier, les entreprises ont de plus en plus de mal à valoriser les matières premières issues du recyclage (MPIR), sur les marchés nationaux et internationaux. Les prix chutent en raison d’une surproduction et de la fermeture de la Chine à l’importation. Autre facteur d’évolution majeur – avec des effets aussi potentiellement bénéfiques – : les modifications de la réglementation, européenne et nationale. Derrière ces grandes tendances, les évolutions diffèrent selon les filières. Textile, plastique, papier- cartons, métaux ferreux et non- ferreux ont connu des difficultés. À l’inverse, le bois, les déchets organiques ou solvants, ont connu en 2018 une embellie qui devrait se poursuivre.
Cas particulier, la filière la plus importante, celle des déchets du bâtiment, est un «secteur en pleine ébullition», explique Erwan le Meur, président de Federec bâtiment. Avec 41 600 tonnes, la collecte a augmenté de 2,7%, en 2018. Le chiffre d’affaires aussi a progressé, passant de 1,7 milliard d’euros en 2017 à 1,8 en 2018. «Le recyclage a bénéficié d’une forte activité du secteur (…), ce qui ne sera pas forcément le cas pour 2019», estime Erwan le Meur. Federec espère toutefois que la rénovation prendra le relais de la construction, notamment via la densification de l’habitat dans les métropoles, mais reste prudente dans un contexte réglementaire incertain.
Crise de surproduction et puissants impacts réglementaires
Dans une autre filière, celle du carton et des papiers, les perspectives de 2019, sont «assez sombres», selon Pascal Geneviève, président de Federec Papiers-cartons. Elles devraient en effet prolonger la tendance de 2018 : le tonnage global a baissé de 4,6%, par rapport à 2016, pour atteindre 6,9 millions de tonnes. Les cartons représentent plus des deux tiers des flux, stables, mais le reste, composé des papiers graphiques, diminue. «Cette baisse chronique reflète la baisse de l’utilisation du papier dans nos sociétés», analyse Pascal Geneviève. Mais c’est surtout le chiffre d’affaires qui inquiète : avec 729 milliards d’euros, il a diminué dans des proportions beaucoup plus importantes que l’activité : -26% depuis 2017. La tendance est due à plusieurs facteurs. En particulier, «l’excès d’offre» de MPIR – également liée à un taux de collecte en France élevé – a divisé par deux le prix du carton en une dizaine d’années. La fermeture du marché chinois à ces produits met en difficulté les entreprises françaises et européennes qui ne savent plus comment écouler leur production, et leur capacité de stockage atteint des limites.
La filière plastiques a connu une année 2018 comparable à celle du carton, marquée par un engorgement du marché et une baisse des prix. Avec 9 millions de tonnes, la collecte est restée sable, mais le chiffre d’affaires, de l’ordre de 188 millions d’euros, a baissé de 4,5%, par rapport à 2017. En cause : là aussi, la fermeture du marché chinois, qui a conduit à une réorientation des flux de destination des MPIR. L’Union Européenne représente à présent 43% des flux, en augmentation, quand les flux hors d’Europe sont passés de 18% en 2017 à 3%. Mais toutes les nouvelles ne sont pas mauvaises. En particulier, une directive européenne de 2019 va imposer aux producteurs de bouteilles de plastique d’intégrer de plus en plus de plastique recyclé. Résultat «les ventes des usines étant assurées, on peut imaginer le développement de nouvelles usines de recyclage. Cela va profondément changer le marché», explique Pierre Moguérou, vice-président de la brancheFederec plastiques, qui affiche de «l’espoir», pour la suite. Avec un bémol, toutefois : la perspective positive que dessine la directive européenne est un peu obscurcie par le contexte réglementaire français : le dispositif de consigne de bouteilles, actuellement envisagé dans le cadre du projet de loi sur l’économie circulaire, remettrait en question l’approvisionnement tel qu’il existe.