Entretien avec Pierre Marchica, président des brasseurs des Hauts-de-France
« La filière brassicole va être résiliente et passer cette tempête »
Dans les Hauts-de-France, on ne dénombre pas moins de 200 brasseries pour 2 000 emplois directs. Ensemble, elles élaborent 30% de la production nationale de bière et classe la région comme la 2èe région brassicole de France. Les brasseurs sont donc des acteurs économiques majeurs de notre territoire. Entretien avec Pierre Marchica, président des brasseurs des Hauts-de-France.
Picardie La Gazette. Ce n’est pas un secret, durant la pandémie de Covid-19, de nombreuses brasseries ont souffert de la fermeture des bars et restaurants. Comment les brasseurs ont-ils appréhendé l’année 2022 ?
Pierre Marchica : Pour nous, brasseurs des Hauts-de-France, l’année 2022 a été une bouffée d’oxygène. Nous avons assisté à la réouverture complète des bars, des restaurants, des hôtels, mais aussi à la tenue des spectacles, concerts et festivals. Les brasseries ont pu reprendre leurs productions d’avant-crise, tout en restant prudentes. Il ne faut pas oublier que les trésoreries ont été mises à mal.
Depuis un an, les bières en bouteilles se vendent moins, notamment en supermarché, avec une baisse allant jusqu'à 24% dans les Hauts-de-France. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Il est vrai que le marché de la bouteille est en décroissance, mais ce n’est pas alarmant, c’est même logique. Les habitants des Hauts-de-France retournent dans les bars, les cafés, les restaurants, etc… ils consomment donc davantage à l’extérieur et moins chez eux. C’est pour cela que par rapport à l’année "confinement", la vente de bouteilles de bière est en baisse.
De nombreux secteurs souffrent de l’augmentation des prix des matières premières et de l’énergie. C’est le cas aussi pour les brasseurs ?
L’automne dernier, déjà, nous avions remarqué que les prix des matières premières, comme le malte d’orge et des emballages comme le carton et les bouteilles en verre, augmentaient légèrement. Cependant, avec la guerre en Ukraine, tout s’est accéléré, les prix ont flambé et aujourd’hui, les brasseurs payent le prix fort. C’est vrai… pour fabriquer notre bière, nous avons besoin de gaz et d’électricité, certaines factures sont multipliées par cinq. Concernant le malte d’orge, c’est une matière énergivore à produire donc son prix d’achat est élevé.
Côté emballages, ils proviennent principalement d’Ukraine et des pays de l’Est, nous avons donc accès à un marché en tension et des prix, qui là encore, décollent. Nous subissons de plein fouet les hausses des prix. Il va falloir garder un œil sur les petites, moyennes et grandes brasseries afin d’éviter que certaines ne croulent. Ce serait dommage de perdre la diversité de bières qui caractérise si bien notre région.
Face à toutes les augmentations, la bière va-t-elle devenir un produit de luxe ?
C’est difficile pour nous de répercuter ces hausses sur le prix de vente de nos bières. La bière est un achat plaisir pour le consommateur et si son prix augmente trop, le consommateur pourrait faire l’impasse dessus et cela nous desservirait. Alors nous faisons le dos rond. Nous réduisons nos marges.
En cette période d’incertitude (vente de bouteille de bière en baisse, hausse des prix des matières premières et de l’énergie), comment vous envisagez l’avenir ?
Notre filière est saine, nous avons des brasseurs engagés et des consommateurs qui apprécient nos produits. La filière va être résiliente et passer cette tempête. C’est à nous de bien calculer nos coûts de revient et de discuter avec nos fournisseurs et clients pour que tout le monde soit rémunéré à sa juste valeur, sans perdre d’argent.