La filière bois cumule enjeux écologiques et économiques
Avec près de 400 000 emplois et un rôle majeur en matière écologique, la filière bois met en avant ses revendications pour déployer une activité qui rencontre de nombreux obstacles, dont la difficulté à recruter.
Le 2 février dernier, les représentants de la filière ont présenté leur «Manifeste» pour les élections 2022, «qui réaffirme l’importance économique, environnementale et sociale de la forêt et du bois pour le futur quinquennat, à travers 23 propositions». Celles-ci se déclinent selon plusieurs axes qui ont été jugés prioritaires. Parmi eux, figure en bonne place le développement de la filière et de ses capacités industrielles. «Il faut être à la hauteur de la demande qui augmente dans le monde entier. Nous devons augmenter nos capacités de production, et la valeur ajoutée de notre production», avance Jean-Michel Servant, président de France Bois Forêt.
Souci, la filière est principalement composée
de petites et moyennes entreprises qui peinent à accéder aux
financements utiles, comme ceux prévus par le PIA, Programme
d'investissements d'avenir, d'après Frédéric Carteret, président
de France Bois Industries Entreprises. «Nous
ne sommes pas en mesure de boxer dans cette catégorie. Essayer de
demander une subvention liée au PIA.... c'est du costaud !
Nous avons besoin d’être aidés de façon simple, avec une
fiscalité simplifiée, moins pesante», avance-t-il.
Toujours
dans le but de développer
la filière, emploi et recrutement constituent un autre enjeu fort.
D'après les professionnels du bois, les trois quarts
des postes de charpentier disponibles ne trouvent pas preneurs, par
exemple. «Nous
sommes bien conscients du manque d'attractivité»
de la filière, explique Jean-Michel Servant. Pour lui, l'une des
clés réside dans la formation qu'il faudrait faire évoluer, avec
un renforcement ultérieur de l'apprentissage et une autonomie accrue
des partenaires sociaux dans la gestion de la formation
professionnelle. Au total, la filière du bois représente
60
milliards d'euros de chiffre d'affaires, réalisés
par quelque 60 000 entreprises. Et le secteur cumule 450 000 emplois,
dont 395 000 directs.
Concilier
le temps de l'économie et celui de l'écologie
Enjeu économique non négligeable, la filière constitue également un double enjeu écologique, ce qui appelle plusieurs mesures publiques, d'après ses représentants. Tout d'abord, le bois est «stratégique pour réaliser les objectifs de décarbonation de l'économie», rappelle Frédéric Carteret. Dans le secteur du bâtiment, en particulier, qui constitue la moitié des débouchés de la filière, le bois fait partie des matériaux biosourcés encouragés par la réglementation environnementale RE2020, juste entrée en application. Un dispositif qui a «fondé un nouvel élan» pour la filière, juge Frédéric Carteret.
A ce
titre, il s'inquiète de la consolidation de ce nouveau cadre. «Nous
voulons interpeller les pouvoirs publics sur la clause de
revoyure», annonce-t-il. Cette clause, qui a été
prévue à chaque étape du plan pourrait s'avérer dissuasive pour
les professionnels, qui hésiteraient à s'engager. Autre demande,
«la commande publique doit montrer l'exemple»,
estime Frédéric Carteret. État et collectivités locales devraient
se montrer plus proactifs pour favoriser les matériaux biosourcés
dans leurs achats, quel que soit le marché (cartons, rénovation,
construction...).
Deuxième
facette de l'enjeu écologique que constitue la filière bois,
l’existence de la forêt, tout simplement... A ce sujet, «nous
subissons le changement climatique, mais nous sommes une partie de la
solution», rappelle Jean-Michel Servant. La forêt, en
effet, subit tempêtes et crises
sanitaires, comme celles qui ont touché les épicéas. Et les
changements climatiques qui la menacent vont encore s'accentuer.
Des investissements importants sont nécessaires pour mettre en œuvre les moyens nécessaires à contrer leurs effets, notamment en matière de prévention des incendies. «Il y a un enjeu fort à adapter nos forêts au climat de demain», souligne Jean-Michel Servant. Par exemple, en 2050, le climat de Paris sera celui de Séville aujourd'hui. Une évolution à prendre en compte avant de planter un arbre destiné à vivre centenaire. Et l'enjeu écologique doit être concilié avec celui économique. «Sur le temps de la construction, on réfléchit de deux à cinq ans, alors qu'avec la forêt, on gère un temps multigénérationnel», remarque Jean-Michel Servant.