Maraîchage
La ferme Biopic à Picquigny lance une cagnotte Litchi
Après avoir repris en 2018 l’exploitation de son père, François Delporte a connu un lancement plein de promesses. Une croissance stoppée net par l’explosion de l’usine Lubrizol en septembre 2019.
« Mon père avait une petite exploitation, mais il était surtout connu pour son activité de pension pour chevaux », raconte François Delporte. Passionné par les équidés, il se lance en tant que moniteur d’équitation avant de reprendre ses études et de devenir maraîcher bio à Picquigny. C’est le début de sa ferme Biopic.
« Je suis un petit producteur, mon ambition est de proposer des produits de qualité à la population locale, le bien manger est la base de tout, c’est une démarche un peu militante », sourit-il. À force de communication et de rencontres, il se constitue un réseau d’une centaine de foyers à Amiens auxquels il fournit un panier hebdomadaire et ouvre en parallèle un magasin de vente directe. « Ça partait très bien », poursuit-il. Mais le 26 septembre 2019, l’usine Lubrizol, installée à Rouen, explose.
Une exploitation sous cloche
« La préfecture a émis un arrêté immédiatement, je n’avais plus le droit de vendre mes produits, ni de les récolter, ni de ressemer », explique François Delporte. Des analyses de ses terres sont réalisées. Et puis plus rien. « J’ai bataillé pendant un mois pour avoir les résultats, je ne savais pas si mes terres avaient été impactées ou pas », ajoute-t-il. Un jour, il apprend par la préfecture que l’arrêté est levé.
Entre temps, François Delporte a perdu 90% de ses clients "paniers" et 75% de ses clients "magasin". « Lubrizol a anéanti plus d’un an et demi de travail », souligne le maraîcher. Rapidement pourtant, l’entreprise américaine crée une société comptable qui se rapproche des victimes.
« Ils m’ont expliqué que l’indemnisation se ferait en deux phases : une première dédiée à la perte du chiffre d’affaires liée à la production et une seconde plus axée sur mon préjudice global », détaille François Delporte qui remplit alors un dossier. Il touche alors environ 10 000 euros. « Cela peut paraître beaucoup, mais cela a seulement permis de payer les charges et les factures en attente », assure-t-il.
En ce qui concerne la phase 2 d’indemnisation, il reçoit une fin de non-recevoir, justifiée par le fait que son préjudice n’est pas démontré. Si François Delporte passe l’année 2020, 2021 s’avère catastrophique.
« Entre la crise sanitaire et la météo, ça a été très compliqué. Je me suis retrouvé très seul, je n’ai reçu aucun soutien des acteurs locaux. Les petits producteurs bio comme moi on n’intéresse pas grand monde alors que l’on produit de la nourriture pour les gens du territoire, on crée de l’emploi ! », pointe-t-il.
Alerter sur sa situation
Pour s’en sortir, François Delporte trouve un second travail, fait évoluer sa production, mécanise pour augmenter ses rendements et adhère à une coopérative. « J’ai réduit les variétés, et, grâce à la coopérative, j’ai pu étoffer ma gamme. Et puis il y a aussi tout le côté herboristerie et la présence d’une naturopathe qui a permis au magasin de se développer », dit encore le maraîcher qui regagne petit à petit des clients.
Pour assurer le fonds de roulement de l’entreprise, François Delporte a décidé d’ouvrir tous les jours et de lancer une cagnotte Litchi, ouverte jusque fin février. « Nous avons estimé nos besoins à 5 000 euros. Au-delà de l’aspect financier, l’objectif est aussi d’alerter sur notre situation. Je pense que notre indépendance alimentaire passera par des gens comme nous. Nous sommes aussi un lieu de rencontre intergénérationnel où les gens échangent et créent du lien »,
insiste-t-il.