La dématérialisation des échanges des flux d’information : une nécessité pour les collectivités locales
Entretien avec Christophe Le Jeune, administrateur des finances publiques adjoint, responsable de la division chargée des collectivités locales à la Direction régionale des finances publiques (DRFiP) du Nord‑Pas‑de‑Calais et du département du Nord.
La dématérialisation n’est pas un sujet nouveau. Pourquoi vous semble-t-il toujours aussi prégnant ? Effectivement, la dématérialisation des échanges de flux entre collectivités locales et comptables publics est un chantier lancé il y a déjà plusieurs années. Il faut préciser qu’elle présente différentes dimensions. Lorsque l’on évoque la dématérialisation avec les services gestionnaires des collectivités locales, on pense bien sûr à la dématérialisation des pièces comptables et de leurs pièces justificatives associées, mais aussi à la dématérialisation des factures entre les collectivités et leurs fournisseurs ou encore la dématérialisation des opérations de paiements des différents produits locaux par nos concitoyens.
Il faut également rappeler qu’après concertation avec l’ensemble des organes représentants des collectivités locales, un arrêté interministériel du 3 août 2011 fixait une date d’échéance du 1er janvier 2015 pour la migration de l’ensemble des collectivités vers le protocole informatique PESV2, qui est un préalable à la dématérialisation totale des échanges de flux comptables. Et si une grande majorité des communes a adopté ce protocole, il en reste encore un certain nombre en cours de migration…
Vous évoquez une politique volontariste de déploiement de la dématérialisation. Quels sont les bénéfices attendus pour les collectivités locales ?
Chacun des acteurs concernés a un intérêt direct à la mise en œuvre de la dématérialisation des échanges. Je souhaiterais insister sur l’importance du chantier de la dématérialisation des pièces comptables et de leurs pièces justificatives. La dématérialisation est un moyen d’optimisation des ressources dont disposent les collectivités publiques pour assurer leur fonctionnement. Il n’échappe à personne que le contexte économique et budgétaire nécessite des efforts de maîtrise des finances publiques importants. Les collectivités s’inscrivent dans un double mouvement de contraintes fortes sur leurs ressources (humaines, financières, matérielles) et d’une demande croissante de services émanant des citoyens. Contenir le coût des fonctions supports est un enjeu majeur depuis plusieurs années.
Mais concrètement ? Concrètement, la dématérialisation des flux, c’est l’économie d’éditions papiers tout au long de l’année, c’est aussi et surtout l’économie des ressources humaines nécessaires à la manipulation de ces volumes de documentation qui transitent physiquement sur l’ensemble de la chaîne, depuis le partenaire extérieur de la commune (par exemple le fournisseur) jusqu’au juge des comptes, en passant par le comptable. A terme, avec la dématérialisation des factures des fournisseurs, ce sont aussi des gains en termes d’archivage et de locaux nécessaires actuellement à la conservation des documents papier. C’est aussi la possibilité d’ajouter à ces économies immédiates, des économies issues de la réorganisation des services ou de la révision des processus internes. En effet, sans que cela soit une obligation, bon nombre de communes profitent de cette occasion pour réviser les processus internes et améliorer encore leur efficience globale.
Ces gains ne risquent-ils pas d’être obtenus au détriment de la qualité des opérations ?
Cette recherche d’efficience ne se fait pas au détriment de la qualité des travaux menés, bien au contraire. Les flux dématérialisés sont échangés et traités plus rapidement. Vous voyez immédiatement l’intérêt qu’il peut y avoir, par exemple, à réduire les délais de paiement aux fournisseurs de la collectivité, simplement en optimisant les temps d’échanges d’information sans porter atteinte à la qualité des traitements des agents.La dématérialisation, c’est la possibilité d’assurer une transmission sécurisée des données par le biais de protocoles techniques clairement définis. C’est aussi la possibilité d’effectuer un archivage de qualité qui garantit l’accès aux données de besoin et dans un délai très court.
Finalement, la dématérialisation bénéficie également aux comptables publics…
Nous venons d’évoquer les bénéfices directs pour les collectivités locales. Toutes les collectivités qui fonctionnent aujourd’hui en dématérialisation totale en mesurent les bienfaits. Le comptable public est-il lui aussi gagnant ? Oui, sans aucun doute. Il y trouvera exactement les mêmes avantages que la collectivité. De plus, il produira un compte de gestion dématérialisé au juge des comptes, poursuivant la chaîne vertueuse d’économies d’éditions papiers initiée par l’ordonnateur.
Surtout, la collectivité va y trouver un autre avantage indirect, dans la mesure où le comptable public et son équipe, libérés de ces tâches matérielles, pourront se consacrer davantage aux missions à forte valeur ajoutée que sont la sécurisation des opérations de dépenses, l’encaissement des recettes et les actions éventuelles de recouvrement auprès de certains débiteurs. Sans oublier, son rôle de conseil et d’accompagnement afin de produire une information comptable et financière de qualité.
Pouvez-vous nous donner une idée des enjeux ? Quelques chiffres. Au niveau national, on évalue le volume de papier manipulé par les collectivités locales à l’équivalent d’un milliard de feuilles A4, dont 530 millions sont transmises aux comptables publics. Imaginons ensemble l’importance du matériel de reprographie que ces volumes de papier induisent. Dans le département du Nord, nous “produisons” près de 2 500 comptes de gestion chaque année.
On évoque souvent, au sujet des entreprises, la problématique des “coûts administratifs”. Ils existent également pour les collectivités locales. La dématérialisation des documents n’est bien sûr pas le seul aspect de cette problématique, mais elle n’en est pas moins déterminante. On peut assez aisément s’accorder pour reconnaître que la dématérialisation, ce n’est pas simplement du “modernisme” mais un véritable enjeu de bonne gestion publique.
Pour conclure, que conseilleriez-vous à une collectivité qui souhaite s’engager dans le processus de dématérialisation ?
La première action consiste à prendre l’attache de son comptable public qui mettra tout en œuvre pour l’accompagner dans sa démarche. De notre côté, nous allons très prochainement venir, à nouveau, rencontrer dans chaque arrondissement l’ensemble des communes du département afin de poursuivre et amplifier ce mouvement.