La décentralisation, toujours au cœur du Congrès des maires
À quelques mois des élections présidentielles, lors du Congrès des maires, l'Association des Maires de France (AMF), a présenté sa feuille de route pour l'avenir. Le Président de la République a été accueilli de façon plutôt apaisée, en dépit des différends avec les élus locaux qui ont émaillé son quinquennat.
«Il n'est pas venu tout seul», commente un congressiste sous son masque, voyant passer les ministres, Gérard Darmanin, ministre de l'Intérieur ou Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales qui accompagnaient Emmanuel Macron.
Le Président de la République s'apprêtait à intervenir dans le cadre du 103e Congrès des maires tenu à Paris, le 18 novembre dernier. Lors de la clôture de l'événement, son discours a suivi ceux d'Anne Hidalgo, maire de Paris, d'André Laignel, premier vice-président de l’AMF et des présidents d'Intercommunalités, et de David Lisnard, maire de Cannes, le tout nouveau président de l'association.
Occasions manquées et espoirs perdus
À quelques mois de l'élection présidentielle, les orateurs se sont succédé pour détailler deux visions radicalement opposées du quinquennat, attentivement écoutées par les maires rassemblés. À en suivre les réactions de la salle, ces derniers semblent s'être pleinement retrouvés dans l'analyse de l'AMF, sans toutefois réserver à Emmanuel Macron l'accueil mitigé qu'aurait logiquement pu engendrer cet état des lieux. Ce dernier est composé «d'occasions manquées et d'espoirs perdus», d'après les termes d'André Laignel, qui a développé une critique cinglante des années passées.
Parmi les sujets évoqués figurent, par exemple, le logement, au sujet duquel les maires seraient soumis à des «injonctions contradictoires et infondées». Ou l'insécurité et ses «grands messes sans lendemain». Mais c'est avant tout la dénonciation de la politique de «recentralisation» de l’État par les représentants de l'AMF qui a suscité les applaudissements les plus nourris.
Au cœur de la critique, notamment, le «recul de l'autonomie financière et fiscale». Avec, en particulier, le cas de la suppression progressive de la taxe d'habitation, véritable pomme de discorde du quinquennat. Résultat final de l'ensemble des mesures ? «Des élus locaux réduits au rang de simple figurants», a dénoncé André Laignel.
«Nous avons remis le maire au cœur de nombreuses décisions», a répliqué Emmanuel Macron, qui s'est appliqué à défendre l'action de son quinquennat. Avec en fil rouge de son argumentation, une constante : la fidélité à ses promesses de campagne électorale. «Ce qui avait été dit a été fait», a- t-il argumenté. En particulier, concernant les collectivités locales, «j'avais dit, comme candidat, qu'il n'y aurait pas de grande réforme institutionnelle. Et il n'y en a pas eu», a rappelé le chef de l’État, revendiquant l'absence de «grand chambardement», source d'épuisement pour les acteurs des institutions.
Il a en revanche énuméré des mesures prises par son Gouvernement, parmi lesquelles le programme Action cœur de ville, les moyens déployés pour la sécurité, la stabilité des dotations attribuées aux collectivités ou encore, les milliards d'euros débloquées dans plusieurs programmes les concernant.
Poursuivre la décentralisation ?
Des applaudissements mesurés ont suivi l'évocation, par Emmanuel Macron, du souvenir de ses «rencontres» avec de nombreux maires en France, dans le cadre des débats organisés suite au mouvement de fronde des Gilets jaunes, en 2019. Partant, le Président de la République a réaffirmé l'importance du rôle de ces élus locaux «aux avant-postes» dans toutes les crises. Catastrophes naturelles, attentats, pandémie... «Vous étiez là», a-t-il lancé.
De fait, si le chef de l’État a persisté à défendre le bien-fondé de la réforme de la taxe d'habitation devant cette assemblée qui la rejette, son allocution semblait viser à l'apaisement. Car dès le démarrage du quinquennat, ses relations avec les élus locaux se sont révélées difficiles, comme en témoignent les éditions successives du Congrès des maires, rendez-vous incontournable de la vie politique française.
En 2017, le nouveau Président s'y était fait huer (notamment, en raison de la taxe d'habitation), pour boycotter l'événement l'année suivante... Cette année, le contexte politique pèse particulièrement lourd, en raison de l'approche des élections présidentielles. Et ce, d'autant que celles qui viennent de se tenir au sein de l'AMF pourraient ne pas être neutres. Pour gagner, le tandem actuel «a brandi le risque d'une mainmise de l’Élysée sur l'AMF, en cas de victoire de Philippe Laurent, [ndlr, l’autre candidat, maire de Sceaux] du fait de la présence à ses côtés de nombreux élus Macron-compatibles - une accusation battue en brèche par ce dernier», d'après le quotidien économique Les Échos (17 novembre).
Quoi qu'il en soit, l'AMF sera «force de proposition», a déclaré David Lisnard, le 18 novembre, avant de décliner sa «feuille de route à l'égard du futur Président ou de la future Présidente de la République». Parmi les principales revendications de l’association figurent une reprise de la décentralisation, et également, une meilleure reconnaissance du rôle des maires.
Ainsi, l'AMF appelle de ses vœux la reconnaissance de la commune comme cellule de la démocratie, avec, concrètement, l'inscription de la clause de compétence générale de celle-ci dans la Constitution. Parmi les mesures attendues figurent également une évolution des textes concernant des prises illégales d'intérêt et des conflits d'intérêt, considérés comme une véritable «épée de Damoclès pénale», qui pèse sur les élus locaux.
Thème majeur, «la grande loi de décentralisation que nous attendons devra garantir l'autonomie financière et fiscale» des communes, a souligné André Laignel. «Nous sommes au bout du bout d'un système qui ne fonctionne plus», a renchéri David Lisnard. Le président de l'AMF a plaidé pour «une remise à plat profonde des systèmes fiscaux, local et national, qui sont profondément liés». En particulier, il préconise «une fiscalité dédiée à chaque strate de collectivité». Et au delà de la question de l'autonomie financière, l'AMF souhaite l'ouverture du chantier de nouveaux transferts de compétences aux communes, dans le domaine de la santé ou des sports, par exemple.