La croissance externe, une histoire de savoir-être et de savoir-faire
Après la Mutuelle des Dunes en 2013, ce sont cette fois les mutuelles Opale de Calais et Léa de Lille qui rejoignent le giron de M comme Mutuelle pour un gain direct de quelque 11 000 personnes protégées. Rencontre avec Jérôme Rehlinger, son directeur général, pour un point sur la politique de croissance externe de cet acteur régional qui séduit.
Dans son édition du 29 décembre 2015, le Journal officiel a officialisé la fusion-absorption avec effet rétroactif au 1er janvier 2015 des portefeuilles des mutuelles calaisienne Opale et lilloise L’Entr’Aide Maladie (dite “Léa”) au profit de la Lilloise M comme Mutuelle. Un rapprochement qui illustre la philosophie et le savoir-faire de cette mutuelle en matière de développement externe, historiquement implantée en Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Normandie. Mais aussi dernière-née des mutuelles du Nord de la France après son départ en 2013 du groupe de protection sociale Humanis, riche d’un passé (quelque 150 ans) où les fusions n’ont pas manqué avec pas moins de 10 rapprochements ces 11 dernières années : Famille du Cambrésis en 2004, Simsa/Samsi en 2006, Flandres & Littoral/CMPR en 2006, MIP Douai en 2008, MPAR-CCIR Rouen en 2009, UDT Boulogne en 2011 (après substitution en 2003), Radiance Nord-Pas-de-Calais/Radiance Picardie/Mutuelle Familiale Vauban Humanis en 2012, Mutuelle des Dunes en 2013 et cette année Opale et Léa en 2015.
Si M comme Mutuelle annonce 250 000 personnes protégées, ce qui la situe parmi les principaux acteurs de la grande Région, les deux absorbées sont de taille nettement plus modeste. Léa affiche 10 230 personnes protégées au 1er mai 2015, dont 2 409 en direct et 7 821 comme délégataire gestionnaire d’un contrat UCANSS (Union des caisses nationales de sécurité sociale) pour 6 375 chefs de famille. Opale concerne 8 665 personnes protégées pour 5 754 chefs de famille, dont 72% en individuel et 25% en collectif. La première affiche 4 salariés, 8 M€ de cotisations encaissées, 2,3 M€ de fonds propres et 287% de taux de marge et la seconde, 8 collaborateurs, 6,1 M€ de cotisations encaissées, 2,6 M€ de réserves et 202% de marge de solvabilité.
Le rôle pivot de l’Amosem. Comment M comme Mutuelle a-t-elle rencontré Léa et Opale ? “Via Amosem, qui est une association loi 1901 de moyens et de services mutualistes“, répond Jérôme Rehlinger, son directeur général. Créée fin 2014 avec la Smeno et le Libre Choix de Maubeuge, elle a été rejointe depuis par l’ASPBTP de Caen, la CMIP de Crépy-en-Valois et l’UDT Dieppe. Son fonctionnement repose sur trois règles de base : “on discute avec tous ceux qui souhaitent discuter avec nous. Il faut afficher la volonté de créer de l’économie et de la richesse et accepter que si nos promesses ne sont pas très différentes de celles que le marché peut faire aux mutuelles tentées par un rapprochement, la différence repose sur la confiance qu’on a dans celui qui les fait“, explique Jérôme Rehlinger.
“Amosem permet la mise à disposition de services qui sont facturés à l’euro. C’est l’occasion de nous essayer, de voir si on peut travailler ensemble“, détaille-t-il tout en mettant en exergue l’expérience de rapprochement de mutuelles qui est le cœur de sa croissance externe, qu’elles soient de taille équivalente ou plus petite. Et de se féliciter de ce que “tous les élus des mutuelles qui ont rejoint M comme Mutuelle et sont présents au sein de ses instances politiques sont autant d’ambassadeurs de ses savoir-faire“. De fait, dans le rapprochement de Léa et d’Opale avec M comme Mutuelle, il y a eu la partie opérationnelle portée par la direction générale et les équipes sur la mise en œuvre de ce chantier et la partie politique apportée par des élus qui avaient fait le même choix d’un rapprochement il y a quelques années. Pour autant, il ne faut pas voir dans Amosem un engagement à rapprochement formel. Exemple, le Libre Choix, partenaire de longue date avec qui M comme Mutuelle a créé une agence commune à Valenciennes : “Ce n’est pas pour cela qu’on est en train de fusionner ! À l’inverse, Choralis MIP nous avait confié sa gestion informatique et, un jour, a franchi le pas. Amosem facilite, mais ne verrouille pas. Ce n’est pas une union, c’est une association.“
Des institutions fortes. “Le principe, c’est de travailler ensemble les problématiques qui se posent plutôt que de réfléchir chacun de son côté et de regarder comment mettre en commun les moyens qu’on facture à l’euro. Nous essayer, ce sont nos équipes, nos actuaires, nos équipes de gestion des risques et de contrôle interne qui ont accompagné un certain nombre de ces mutuelles, qui dans la mise en place de sa politique de gouvernance, qui dans la désignation des fonctions clefs… Nous assumons le risque de voir certaines nous quitter, il en est même une qui est revenue. Mais après tout, mieux vaut de mauvaises fiançailles qu’on finit par rompre plutôt qu’un mauvais mariage aux coûts et aux dégâts plus importants. Là, M comme Mutuelle offre une double garantie, l’une opérationnelle de bonne marche, l’autre de préservation de la stabilité politique de la mutuelle grâce à une gouvernance très alignée sur le projet et les politiques qui le mènent. Cet équilibre, cette force, cette fidélité sont super importantes, qu’autant que demain on peut aller vers des rapprochements de taille équivalente. Nous n’oublions pas que la force de nos institutions repose dans la représentation de nos clients – 26 clients pour 26 places ! − au sein du conseil d’administration de la mutuelle. Par les temps qui courent, il est bon de se rappeler ce fondement-là.“
Pour maîtriser “plutôt correctement” le dispositif de rapprochement qui, dans les cas de Léa et d’Opale, n’est pas passé par une logique d’appel d’offres (“elles n’ont sollicité que nous“), M comme Mutuelle “a pu travailler sereinement avec ces partenaires préoccupés par l’avenir de leur mutuelle, le service de leurs clients et l’avenir de leurs collaborateurs” et “chercher le meilleur des deux dans le dispositif“. Exemple : à Calais, Opale disposait qu’un meilleur emplacement que l’agence de M comme Mutuelle. Conséquences : fermeture de l’agence, transfert des flux… et un potentiel de développement qui s’est déjà exprimé. “À chaque fois, on est dans une logique de création d’économies et de richesses.” Autre exemple, le choix qui s’est porté sur le gestionnaire de fonds Ogi Mandat, arrivé dans le périmètre de la Mutuelle Familiale lors de la fusion avec la MIP Douai.
“Une logique de croissance“. Ici, pas question de mettre en avant un pacte social pour justifier une fusion. “Ce type de promesses finit par galvauder l’intérêt d’une fusion, explique Jérôme Rehlinger. À trop promettre, rien ne bouge et on finit par additionner les charges jusqu’à avoir besoin de croissance externe, non pour faire des économies, mais pour répartir les charges accumulées. Les structures qui rentrent finissent par prendre toutes une augmentation de leurs charges. Ce n’est pas la logique dans laquelle nous avons envie d’entrer, parce qu’au final, c’est notre client qui devrait payer la facture.” Et d’expliquer avoir depuis 2013 regroupé des activités de gestion pour optimiser l’organisation, mais sans fermer les agences qui les accompagnaient. Ces sites de gestion regroupés l’ont été avec la validation des élus des mutuelles historiques concernées, tant (une fois les délais des engagements pris passés) ces décisions étaient devenues évidence avec le respect des collaborateurs manifesté par des propositions d’alternatives. “Ces pratiques entrent dans notre logique de croissance. En 2013, nous envisagions de faire une opération de croissance externe par an. Le chemin parcouru depuis 2013 a renforcé notre attractivité et nous a positionné.” M comme Mutuelle ne manque donc pas d’atouts pour séduire non pas les plus grosses structures, qu’elle a souvent éconduite pour ne pas traiter l’économique, mais bien plutôt les plus petites, “dans le respect de ceux qu’on intègre et dans l’optimisation de ce qu’on intègre“, et celles de taille identique si le rapprochement peut créer de la richesse de l’économie.