La crise virale menace la rémunération des cadres
La crise économique pourrait influencer à la baisse la rémunération des cadres du secteur privé, estime l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), dans son baromètre 2020 récemment publié. Les jeunes seraient les plus pénalisés.
Crise oblige, les entreprises devraient resserrer leur politique salariale. Les cadres du secteur privé n’y échapperont pas alors que, ces dernières années, leur rémunération médiane (fixe + variable) a connu une progression constante, avant de se stabiliser à 50 000 euros en 2019. Cette dynamique concernait la majorité des secteurs. Dans ce sens, l’an passé, l’industrie proposait la rémunération médiane annuelle la plus élevée devant le commerce, la construction et les services. Si le niveau salarial des cadres est resté stable en 2019, la situation actuelle pourrait atteindre les différentes formes de rémunérations. «La crise économique a d’ores et déjà un impact visible sur l’emploi des cadres, mais elle aura aussi certainement un impact sur leurs rémunérations», prévient Gilles Gateau, directeur général de l’Apec. L’association alerte également les dirigeants d’entreprises sur les inégalités préexistantes entre les sexes et les régions : celles-ci pourraient s’accentuer davantage dans le contexte économique actuel.
Baisse attendue de la rémunération
En 2019, 54 % des cadres percevaient une part variable de rémunération médiane de 5 000 euros, sous forme de primes d’objectifs ou encore de commissions sur le chiffre d’affaires. Avec la crise économique, ce surplus de salaire, qui traduit la performance des entreprises et la capacité des cadres à atteindre les objectifs visés, devrait diminuer, suite notamment à la baisse de l’activité et des résultats des entreprises. Les cadres les plus concernés par ce recul seront évidemment les commerciaux, les plus nombreux à bénéficier d’une part variable de rémunération. Même les salaires fixes pourraient baisser, notamment avec la signature d’accords de performance collective (APC), ce dispositif négocié avec les syndicats qui permet aux employeurs, entre autres, de diminuer la rémunération fixe de leurs salariés.
La crise fragilise l’intéressement et la participation
D’autres éléments complémentaires du salaire devraient être revus à la baisse : l’intéressement et la participation, dont ont bénéficié environ un tiers des cadres en 2019. Également liés aux résultats de l’entreprise, ils constituent une composante importante de la rémunération des cadres, en particulier pour ceux des grandes entreprises. Respectivement, 5 % et 8 % des cadres perçoivent plus de 3 000 euros d’intéressement ou de participation chaque année, précise l’Apec. En 2019, ces surplus de salaire concernaient 51 % et 48 % des cadres des grandes entreprises (plus de 250 salariés), contre 20 % et 15 % de ceux des PME.
Moins de mobilité avec la Covid-19
Les trajectoires professionnelles devraient aussi être impactées. La dégradation de la situation économique devrait ralentir les offres d’emploi externe et pénaliser davantage les jeunes cadres qui sont souvent plus nombreux à bénéficier d’une augmentation de salaire interne ou lors d’une mobilité externe. Toutefois, pour ces derniers, la mobilité interne pourrait être une alternative, même avec une augmentation salariale plus «limitée.» Si 78 % des cadres de moins de 30 ans ont changé d’entreprise l’an dernier, 56 % ont par contre choisi de garder leurs postes. Dans les deux situations, ils ont bénéficié d’une augmentation salariale.
Hausse du chômage
Conséquence de l’arrêt total ou partiel de l’activité de certaines entreprises, le nombre de cadres au chômage devrait augmenter durant les prochains mois. Dans ce contexte, ceux-ci rencontraient davantage de difficultés pour retrouver un emploi et un niveau de salaire équivalent à leur poste précédent. Avant la pandémie, dans cette situation, ils acceptaient déjà des salaires plus bas. À preuve, en 2019, 28 % d’entre eux ont vu leurs salaires diminuer, contre seulement 13 % de ceux qui ont changé d’entreprise sans passer par une période de chômage. Malgré cette conjoncture morose, l’Apec incite les entreprises à adopter une politique salariale et un plan gestion de carrière motivants afin d’assurer leur compétitivité.
À noter : la rémunération moyenne des cadres a augmenté de 2,5 % en 2019, pour atteindre 57 100 euros
Jihane MANDLI et B.L