La crise a accéléré l’absentéisme et le désengagement des salariés
L’absentéisme s’amplifierait année après année, sans que les entreprises s’en préoccupent. Bonne nouvelle, la crise et l’explosion de l’absentéisme vont les forcer à agir. Le point sur les principales évolutions et les multiples facteurs de cette tendance via les résultats du 13ème baromètre de l’absentéisme et de l’engagement d’Ayming et AG2R La Mondiale.
«L’absentéisme s’est dégradé deux fois plus en un an de crise que la somme des trois années précédentes. La crise a révélé qu’il y avait urgence à agir contre cette tendance qui s’installe lourdement et durablement, afin d’éviter que cela ne se prolonge», a constaté Denis Blanc, directeur général du groupe Ayming, spécialiste de l'amélioration de la performance des entreprises, lors de la présentation des résultats du 13ème baromètre de l’absentéisme et de l’Engagement d’Ayming et AG2R La Mondiale*.
Ainsi, l’absentéisme a augmenté de 24% en 2020, par rapport à 2019 dans l’Hexagone avec 25,1 jours d'absence par an et par salarié en moyenne, et près d’un salarié sur deux (41%) qui s’est absenté au moins une fois en 2020. Les motifs d’absence étant essentiellement liés à la maladie pour cette année de crise sanitaire : maladie covid et hors covid, arrêts pour garde d’enfants, pour personnes à risque et situations de cas contact.
Disparités de genre et de CSP
«On constate pour 2020 à la fois un allongement de la durée des absences et une multiplication du nombre de salariés absents», signale Fabienne Mestdagh, manager conseil qualité de vie au travail (QVT) chez Ayming et spécialiste du baromètre. Ainsi, l’absentéisme se caractérise par un accroissement important du nombre de salariés absents sur des durées de 4 à 90 jours, et particulièrement celles de 8 à 30 jours. En termes de secteurs d’activité, c’est celui de la santé, qui connaissait déjà un taux d’absentéisme plus élevé que dans les autres, qui a été le plus impacté par cette augmentation.
Autre disparité, de genre cette fois-ci, les femmes enregistrent un taux d’absentéisme de 45%, tandis qu’il n’est que de 37% pour les hommes. Enfin, le pourcentage de cadres absents est moins fort (29%), que celui des non cadres (44%). «L’absentéisme ne doit pas être le seul indicateur à étudier. Il faut aller au-delà et analyser l’impact de la crise sur l’engagement et sur la santé», note Sidonie Tulars, consultante QVT chez Ayming.
Dégradation de la santé physique et mentale
Vingt pour cent des salariés déclarent une dégradation de leur santé physique. En cause notamment, l’intensification de leur charge de travail, avec presque un salarié sur deux qui a vu son temps de travail augmenter. A contrario, ceux qui ont connu une diminution (29%) ont constaté une dégradation de leur santé psychologique. 35% des collaborateurs déclarent que leur santé psychologique s’est dégradée. «Une dégradation en lien avec le stress généré par la crise et la perte de lien social, justifie Sidonie Tulars. Les différents confinements et l’isolement forcé ayant mis à mal les moments collectifs.»
Parmi les actions les plus plébiscitées par les salariés pour améliorer leur santé psychologique au travail figurent la création d’un collectif pour remettre du lien social, le renforcement de l’esprit d’équipe et le développement du soutien managérial. Si les salariés qui ont travaillé à distance déclarent moins d’impact sur leur santé, ils sont en revanche plus nombreux à indiquer être désengagés.
L’autre impact non négligeable concerne effectivement l’engagement des collaborateurs avec 26% d’entre eux qui disent s’être désengagés. Première cause, le manque de reconnaissance. «Ils ont fait des efforts pour s’ajuster et n’ont pas toujours eu de retour à la hauteur de leur investissement», explique Fabienne Mestdagh. Autres facteurs aggravants, la plus grande incertitude sur l’avenir et la perte de sens perçue dans leur travail. «Beaucoup s’interrogent sur leur rapport au travail et sur le sens à donner à leur vie professionnelle, tout en ayant des difficultés à se projeter dans l’avenir», commente l’experte.
Absentéisme et désengagement intimement liés
«Il est difficile de déterminer le lien entre absentéisme et désengagement et de savoir lequel entraîne lequel. Il faut être vigilant sur les situations d’absence, relève Fabienne Mestdagh. Si celle-ci est souvent liée à un problème de santé, elle peut aussi être annonciatrice d’une situation de mal-être. En ce sens, l’absentéisme serait annonciateur d’un désengagement.» Les absents sont, en effet, bien plus nombreux à exprimer une baisse de leur engagement et à souhaiter changer de situation professionnelle. Ainsi, 40% des salariés s’étant absentés en 2020 expriment une baisse de leur engagement (versus 21% des non-absents).
Pour réengager les collaborateurs, les entreprises ont identifié quatre leviers d’action : la reconnaissance au travail – «Il faut féliciter les salariés, les soutenir et ne pas les laisser sans réponse face à une difficulté», détaille Fabienne Mestdagh ; la flexibilité et l’adaptabilité du travail ; l’amélioration de l’environnement physique de travail ; et enfin le contenu du travail. Pour «redonner du sens au travail», il convient «de responsabiliser les salariés et de diversifier leurs missions, pour leur permettre de développer leurs compétences et leur employabilité», détaille Sidonie Tulars. L’attente de mobilité interne ou externe étant grande avec près d’un collaborateur sur deux (45%) qui souhaite à ce jour changer de poste et ou d’entreprise.
*Le baromètre s’appuie sur deux études : l’une, quantitative réalisée auprès de 49 227 entreprises du secteur privé employant 5 008 478 salariés en CDI et l’autre qualitative, menée auprès de 1 000 salariés en CDI du secteur privé.