La CPME prône une autre réforme des retraites
Une réforme des retraites qui ne va pas dans le bon sens, une loi Pacte trop timide, un paritarisme qui doit évoluer... François Asselin, président de la CPME, livrait son analyse et ses propositions sur les grands dossiers chauds de la rentrée, lors d'une rencontre organisée à Paris, par l'AJPME.
Retraites, loi Pacte, paritarisme… La forme demeure modérée, mais le propos, plutôt critique. François Asselin, président de la CPME, Confédération des petites et moyennes entreprises, livrait son regard sur les principaux dossiers de la rentrée, lors d’une rencontre organisée par l’AJPME, Association des journalistes spécialisés dans les PME, le 19 septembre, à Paris.
Ainsi, concernant la réforme des retraites, qualifiée d’«extrêmement sensible», François Asselin confirme bien la nécessité d’en réaliser une «pour que le système de répartition qui nous est cher reste pérenne», et en raison d’un «nécessaire toilettage» de certains régimes. Pour le reste, l’actuelle réforme avancée par le gouvernement est bien différente de celle préconisée par la CPME. En synthèse, celle-ci propose un dispositif à deux étages. Le premier serait à caractère universel, applicable à l’ensemble des actifs, avec une gestion commune, pour les 40 000 premiers euros de revenus annuels. Le second étage, lui, serait complémentaire et spécifique à chacune des trois grandes catégories d’actifs, salariés, non-salariés et fonctionnaires. Ces régimes-là seraient distincts du régime de base à caractère universel, et gérés de manière autonome.
«Vouloir regrouper 42 régimes, techniquement, c’est d’une grande complexité», pointe François Asselin. En fait, derrière la solution choisie par le gouvernement, il y a aussi une histoire de «gros sous», d’après le président de la CPME, qui redoute que «l’on fasse les poches de ceux qui ont su gérer en bon père de famille», pour renflouer des régimes déficitaires. Autre critique portée à la réforme proposée par l’exécutif, sa gouvernance : «Qui va décider de la valeur du point ? C’est l’Etat. Il ne faudrait pas que cette valeur soit corrélée à une échéance démocratique», analyse le président de la CPME. Eric Chevée, vice-président chargé des Affaires sociales et de la Formation à la CPME, renchérit : «On prend un risque majeur à mettre cela dans les mains d’un seul décideur».
Inventer un nouveau paritarisme
Un autre sujet préoccupe la CPME, celui du rôle des partenaires sociaux dans la gouvernance sociale. Ce rôle a été lourdement remis en cause depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, notamment dans le cadre des réformes du droit du travail, de l’assurance-chômage et de la formation professionnelle. François Asselin en appelle à son expérience de chef d’entreprise pour défendre le rôle des corps intermédiaires dans la société. «Au fil des ans, on comprend que pour avancer, on a besoin de faire collectivement. Décider seul peut être rapide et efficace, mais cela ne tient pas sur la durée (…). Au bout d’un moment, le gouvernement va constater que s’il ne s’appuie pas sur les corps intermédiaires, faire passer des réformes, cela va devenir compliqué», explique-t-il.
A ce titre, la CPME livre ses propositions sur un «projet de refondation du paritarisme» poursuit François Asselin, pour qui les partenaires sociaux doivent aussi faire leur «mea culpa ». Leur nouveau rôle serait fondé sur plusieurs principes, dont celui de l’indépendance. «On s’affranchit de la garantie de l’Etat», prône François Asselin. Corollaire, une gestion qui comporte «une règle d’or, l’interdiction de s’endetter». Pour le président de la CPME, «il s’agit de remettre les partenaires sociaux au centre du jeu, en étant positionné en responsabilité (…). La réalité va s’imposer. Il faudra bien faire collectif».
Mais le «collectif» avec les autres partenaires sociaux reste largement à construire. «On y travaille», promet François Asselin. En juillet 2018, les leaders des huit organisations syndicales et patronales s’étaient réunies avec comme objectif de fixer un agenda social de la rentrée, une manière de montrer leur poids face à exécutif. L’initiative n’a pas été suivie d’effets. De plus, sous la houlette de Geoffroy Roux de Bézieux, son président depuis juillet 2018, le Medef prône un mode d’action plus proche du lobbying que de la gestion paritaire traditionnelle française.
Loi Pacte : «beaucoup de mesurettes»
Autre sujet abordé par François Asselin, la loi Pacte, qui pour partie, s’adresse précisément aux PME. Globalement, «c’est une bonne loi. C’est l’une des premières fois que l’on ne nous crée pas de nouvelles normes. On a le sentiment qu’il y a beaucoup de mesurettes, bonnes. Toutefois, il faudrait une loi qui aille beaucoup plus loin dans beaucoup de domaines», juge François Asselin. C’est notamment le cas concernant la simplification des seuils d’effectifs qui impliquent de nouvelles obligations pour les entreprises. Pour la CPME, le seuil pertinent pour simplifier la vie des entreprises et permettre leur développement n’est pas 50, mais 99 salariés. En revanche, le fait de devoir dépasser le seuil durant cinq années civiles avant que les mesures ne s’appliquent est jugé très positif. «Cela donne la possibilité de se préparer», approuve Bénédicte Caron, vice-présidente chargée des Affaires économiques à la CPME. Deuxième avantage, d’après l’organisation patronale : les entreprises dont l’activité régulière implique une fluctuation permanente autour de ce seuil ne subissent pas d’effet négatif.
Autre réserve exprimée par la CPME, le dispositif prévu pour la participation des salariés à l’intéressement. «Ce n’est pas simple pour tous les chefs d’entreprise, c’est lourd à mettre en place», estime François Asselin, qui doute fort que les PME ne se ruent sur le dispositif. Autre souci, l’abolition du stage de préparation à l’installation. «Nous considérons que c’était une bonne chose. Se mettre en entreprise ne s’improvise pas complètement», avance François Asselin. Quant à l’objet social de l’entreprise, la CPME est contre. «Modifier le Code civil, attention danger», prévient François Asselin qui évoque une potentielle «insécurité juridique» pour les entreprises. Le syndicat patronal préfère les dispositifs incitatifs qui encouragent les entreprises vertueuses.