La Côte d'Opale parie sur l'intelligence
Près de deux ans après avoir réuni des premiers experts, Yves Ducrocq, chargé par le président de la CCI Côte d’Opale, Jean-Marc Puissesseau, de plancher sur la Côte d’Opale à l’horizon 2030, a rendu ses orientations le 16 novembre dernier.
Le projet territorial de la CCI Côte d’Opale ne manque pas d’ambition. Si les consulaires sont démunis devant l’ampleur de la tâche qui consiste à changer l’image de la Côte d’Opale, ils ont le mérite de proposer aux acteurs publics, via le think tank créé à cet effet, quatre orientations qu’ils jugent nécessaires pour parvenir à sortir les territoires littoraux de l’ornière. «Une chambre consulaire n’a pas les moyens de le faire seule» a rappelé Jean-Marc Puissesseau. Avec Yves Ducrocq, conseiller consulaire associé à la CCI régionale et ancien directeur de BIC France, il a présenté un futur possible résumé ainsi : «La Côte d’Opale se veut être un territoire international qui fonde son attractivité économique, sociétale et territoriale sur le renforcement de ses atouts matériels et la production de patrimoine immatériel, en synergie, dans ses quatre axes majeurs de développement.» Aujourd’hui simple terre de transit, la Côte doit d’abord rendre ses flux «intelligibles» afin de mieux valoriser sa position géographique : les consulaires veulent que leur territoire devienne une «plate-forme d’expertise et d’innovation dans la connaissance et la génération des flux, renforcée par un système d’information intelligent». Entrer dans l’économie numérique pour remplir des objectifs conséquents, comme «devenir leader des initiatives liées à l’open data sur la gestion des flux du nord-ouest européen , ou «former un vivier pour la création d’entreprises» dans les domaines sus-cités. Les projets maritimes (Calais port 2015, rénovation et innovation du port de Boulogne-sur-Mer), ferroviaires (attractivité du centre européen de recherche et d’innovation d’Eurotunnel, électrification de la ligne Calais-Dunkerque, embranchement ferroviaire) et logistiques (aménagement de zones d’activité le long de l’A16…) plaident dans le même sens. En guise d’action prioritaire, les consulaires recommandent de mettre en réseau au niveau européen les laboratoires de recherche et entreprises innovantes.
Expertise océanographique. Second axe majeur, «l’excellence océanographique». Partant là encore d’un avantage certain avec Boulogne-sur-Mer, première plate-forme de traitement des produits de la mer, les experts du think tank imaginent sans mal que la Côte puisse devenir «un territoire international d’expertise et de gestion responsable des ressources des océans». Monter en visibilité internationale signifie qu’il faudra «devenir le siège d’une agence européenne ou internationale spécialisée dans le domaine de la mer». On doute toutefois que Lisbonne lâche ainsi le siège de l’Agence européenne pour la sécurité maritime ou que Copenhague laisse partir celle dédiée à l’environnement. Plus réalistes sont les objectifs tendant à faire de la Côte d’Opale un pôle de formation initiale et continue de niveau international dédié à la mer et au fluvial (en créant un master bilingue), un pôle national et nord-européen dans le domaine de l’aquaculture. Pour rayonner, les experts consulaires préconisent d’organiser un forum international de recherche à l’échelle Manche-Mer du nord et un laboratoire de la vie humaine et des ressources des océans. Encore le pari de l’intelligence. Troisième grande piste, « l’innovation énergétique » : Dunkerque s’est affirmée ces dernières décennies comme un pôle énergétique de taille européenne : centrale nucléaire de Gravelines, centre de relais et de distribution électrique de Bonningues-les-Calais, terminal méthanier de Loon-Plage, usine de production électrique DK6, point de passage du gaz naturel nordique…. Dunkerque a su transcender une image industrielle en une volonté d’utilisation écologique des énergies territoriales et importées. Le projet de réutilisation du froid généré par le terminal méthanier est un exemple édifiant. En perspective, les consulaires veulent aussi multiplier cet exemple en favorisant les centres de production d’électricité à partir des énergies fatales des entreprises.
Attractivité du territoire. Enfin, le dernier axe de développement réside dans «la vitalité attractive». Il faut voir derrière le vocable la qualité de vie en Côte d’Opale : «nous ne vendrons pas le soleil mais plus probablement un art de vivre», plaide Yves Ducrocq. Si le bien-être s’incarne dans le pôle hospitalier du sud de la Côte d’Opale (Berck et ses installations de rééducation), le site naturel des Caps y participe aussi avec plus de 2 millions de touristes par an. Ainsi, les promoteurs du projet stratégique de la CCI mettent l’accent sur l’attractivité résidentielle et touristique du territoire. «Attirer de nouveaux habitants, de la matière grise et rendre notoire la marque Côte d’Opale» lit-on dans le dépliant résumant les travaux des experts. Mais ce marketing territorial ne peut fonctionner qu’avec des acteurs publics tenant le même discours, unis dans la volonté d’une réussite collective. Mais il y a des sujets qui ne manqueront pas de perturber le discours. L’appel d’offres sur la concession portuaire de Calais/Boulogne-sur-Mer met en concurrence la CCI Côte d’Opale et le Groupe Eurotunnel, allié indirectement pour l’occasion au port de Dunkerque (resté port d’Etat après le dernier acte de décentralisation confiant les ports aux régions). Le Conseil régional aura à prendre une décision économique mais aussi politique. Autre pomme de discorde, le développement des surfaces commerciales qui fixent les habitudes de consommation des résidents mais surtout des touristes, car chaque territoire prétend à sa part d’un gâteau qui s’est aminci. «Nous sommes à la recherche des complémentarités territoriales», rassure cependant Yves Ducrocq. «Ce projet est un acte de foi», a affirmé Jean-Marc Puissesseau. «Il y a clairement de la valeur ajoutée à créer sur nos points forts. C’est le sens de notre démarche. Nécessité est mère d’innovation mais nous n’oublions pas que l’humilité est la première qualité dans ce genre d’affaire», a résumé Yves Ducrocq.
Une leçon de gouvernance. Pour y arriver, il faudra convaincre. Si les pistes mises en lumière par les experts entrepreneurs font écho à d’autres schémas réalisés par les politiques (Schéma régional de développement économique, contrat de plan Etat-Région), il reste à mettre au diapason les quatre territoires littoraux. A quel niveau traiter ? «L’Arc métropolitain (ex-SMCO)», répondent en chœur Jean-Marc Puissesseau et Yves Ducrocq. «Il y a trois instances littorales formalisées aujourd’hui : l’université, la CCI et le SMCO. C’est là qu’il faut agir», a martelé le président de la CCI Côte d’Opale. Les consulaires ne craignent pas de dire qu’il faudra «un changement de mentalité» pour faire naître «cette vision fédératrice qui s’appuie sur des domaines d’activité déjà présents mais insuffisamment exploités ou, au contraire, sur des nouvelles activités pour faire accéder la Côte d’Opale au rang de territoire intelligent». Etape fondamentale : passer de l’addition des talents à leur multiplication. Roger Durand, président de l’Ulco, Jean-Marc Puissesseau et Michel Delebarre, président de l’Arc métropolitain, ont convenu d’une rencontre.