La coopérative «L.a Linière» innove vers le bâtiment
La coopérative «L.a. Linière» a été créée à Bourbourg en 2008 suite à la fusion de deux coopératives (Grande-Synthe et Ardres) qui elles-mêmes étaient implantées sur le territoire depuis 1950.
Elle compte 400 adhérents et 70 salariés pour un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2018. Soutenue par la Région Hauts-de-France et l’Ademe, elle innove aujourd’hui dans la filière bâtiment, en cherchant à valoriser ses anas en matériaux de construction. Le territoire producteur de lin s’étend de Caen à Amsterdam, avec une concentration dans le Nord – Pas-de-Calais et la Normandie. La coopérative agricole «L.a Linière», présidée par Albert Roussez, comptabilise 5 000 hectares de cultures situés sur le littoral dunkerquois et le Cambrésis. Elle appartient à ses adhérents fédérés autour de savoir-faire communs et d’intérêts économiques partagés, et a pour objectif de maximiser les recettes.
Deux ingénieurs de plaine accompagnent les producteurs afin d’optimiser la récolte et valoriser l’ensemble de la production. Les anas (50% du produit) sont constitués du bois de la plante et des résidus restant après le traitement du lin teillé (25% de la production), lui même constitué de fibre longue destinée au textile (le cœur du métier) et de l’étoupe (6% du produit, destinés aux textiles de moindre valeur). Les graines représentent 9% ; la terre et les cailloux, 10%. La valeur du lin teillé représente 75% des recettes, la terre et les cailloux 10%, les graines 9% et les anas 6%. C’est ce décalage entre l’importance quantitative des anas et leur valorisation monétaire qui a conduit Julien Gilliot, ingénieur produit, à innover dans “Bâtilin”, un matériau écoperformant.
Jusqu’alors, les anas étaient destinés à la fabrication de litière pour chevaux (90%) et de paillage horticole (10%). Plusieurs projets ont été abordés et se sont heurtés au critère de coût : le produit, volumineux, complique son transport et les machines compactant le matériau sont chères. La transformation en granulés destinés aux poêles à pellets se heurte à un marché saturé par le bois et non concurrentiel… Un projet de réseau de chaleur afin d’alimenter la ville de Bourbourg a été étudié, mais la ville n’est pas assez peuplée par rapport aux investissements nécessaires à son application… En 2016, soutenue par la Région des Hauts-de-France, l’Ademe et la Bpi, elle s’est lancée dans la conception de blocs de lin à caractère isolant constitués d’anas, de chaux et d’eau, en partenariat avec les experts du CoDEM (Centre de transfert de technologies spécialisé dans la construction durable et les écomatériaux, basé à Amiens).
Procédé
Le projet “Bâtilin” porte des valeurs environnementales et sociales fortes : des blocs isolants déclinés en deux types de formulation. L’une permet de fabriquer une brique isolante ; l’autre, un parpaing porteur à caractère isolant remplace le parpaing traditionnel. Chacun ayant fait l’objet d’un dépôt de brevet en France, en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg. Chaque bloc isolant contient 4 kg d’anas et est utilisé en construction neuve ou en rénovation. La brique isolante offre aux bâtiments un confort thermique, hygrométrique et acoustique grâce aux propriétés des anas de lin. Elle permet de garder l’habitat chaud en hiver et frais en été et régule l’hygrométrie intérieure. Elle offre également une isolation phonique. 456 tonnes d’anas permettent la construction de 100 maisons en procédé porteur, tandis que 570 tonnes sont nécessaires pour 100 maisons en procédé non porteur. Matériau végétal, “Bâtilin” génère cinq fois plus d’économies d’énergie que la laine minérale. La valeur ajoutée en termes de prix à la construction est équivalente à la brique de chanvre (30 à 40€/m²).
La mise sur le marché passe par l’obtention de certifications pour garantir la durabilité, les performances et l’assurabilité des constructions. Pour Julien Gilliot, en charge du projet “Bâtilin” et de la filière bâtiment, la priorité consiste aujourd’hui à obtenir les certifications pour pouvoir impulser une production végétale locale et rayonner sur toute la région, mais aussi sur la Belgique. «Les bureaux d’études et d’architectes sont très intéressés par le projet. La certification ATEX est en cours, elle permettra de lancer un chantier pilote. Une deuxième certification ATEC permettra aux experts d’évaluer le chantier et de déboucher sur la création de trois à quatre emplois. Le chantier pilote permettra la création d’une ligne de fabrication sur le site de Bourbourg, pour une fabrication dès début 2020. Ce qui ne nous empêche pas de continuer la veille technologique sur de nouveaux débouchés.»
L.a Linière
Bertrand Delporte, directeur de la coopérative L.a Linière, explique : «Sa culture remonte aux Égyptiens. Le savoir-faire se situe principalement en Europe où se concentrent 80% de la production ; 30 000 hectares sont situés dans les Hauts-de-France, soit un quart de la production européenne. Il s’agit d’une agriculture incertaine jusqu’à sa livraison en raison de ses difficultés de production. 90% de la production sont destinés au marché chinois. Un kilo de fibres permet d’obtenir en moyenne 36 kilomètres de fil. Le site de Bourbourg est constitué de 4 000 m² dédiés à la transformation et de 1 hectare de zone de stockage.»