Entretien avec Yves Charmont, délégué général de Cap'Com
«Nous sommes là pour redonner du sens à l’action publique»
Réseau national de la communication publique et territoriale depuis plus de 30 ans, Cap’Com a tenu récemment son 34ème Forum à Strasbourg. L’occasion de faire un point sur la communication publique et territoriale et les tendances de fonds du moment. Il est question de «communication à tous les étages».
Comment se porte la communication publique et territoriale ?
Yves Charmont. La communication publique et territoriale, ce sont des personnes qui exercent dans les territoires, dans les collectivités territoriales, mais aussi dans des organismes assurant du service public auprès de la population (transports, gestion des déchets, santé, logement social…). Ce sont des communicants qui travaillent au sein de ces différentes entités dans les territoires : ils sont environ 25 000 dans toute la France. On peut aussi y adjoindre des consultants, des experts qui apportent leur savoir-faire, des universitaires qui partagent leurs réflexions. Le nombre de communicants publics rapporté au près de deux millions d’agents publics reste modeste.
Pourtant cette communication de plus en plus sollicitée est aussi de plus en plus experte. Elle est soumise à la série de crises que nous traversons : la pandémie et le besoin de garder le lien alors que les personnes étaient à distance, l’émergence du télétravail, les conséquences de la guerre en Ukraine et les augmentations du prix de l’énergie qui placent les collectivités territoriales dans une situation d’urgence financière.
Pourtant, quand il s’agit de faire face aux difficultés financières des collectivités territoriales, la communication est souvent la première à trinquer, non ?
Il faut battre en brèche cette idée reçue qui voudrait que la communication soit un confort, quelque chose de superflu, que l’on sollicite quand tout va bien. En réalité la communication publique n’est pas là pour l’apparat, c’est aujourd’hui un processus engagé à tous les niveaux. Quand on réalise un aménagement urbain, on communique. Tout guichet a aujourd’hui son double numérique, qui nécessite une expertise en communication.
De plus en plus, les budgets participatifs impliquent de la communication publique. Quand des collectivités doivent fermer des salles de classe afin de faire face à leurs factures de chauffage, quand la flambée des prix de l’énergie impose de revoir complètements les projets d’aménagement et d’investissement… il y a besoin d’expliquer. La communication doit accompagner les changements qu’impose la transition écoenvironnementale que nous vivons. Quand c’est dur, quand tout change à toute vitesse, réduire la communication, c’est désorganiser la société.
Que signifie l'intitulé de votre Forum, «la communication à tous les étages» ?
Cela vient d’une observation du métier issue des études que nous menons régulièrement. Nous avons présenté, lors du Forum, le Baromètre de la communication publique locale réalisé par Harris Interactive et Epiceum. Le premier enseignement que nous en retirons est la grande diversification de nos métiers, dont les crises ont été les accélérateurs. Lors de la pandémie, les communicants ont par exemple eu à gérer du jour au lendemain la digitalisation à marche forcée. La communication interne a ainsi été particulièrement sollicitée.
Quel que soit l’étage de la vie démocratique, que ce soit dans la gouvernance ou parce qu’il s’agit de lutter contre les infox… il faut toujours expliquer les décisions, pratiquer la plus grande transparence : c’est toujours plus de communication. Par ailleurs, toutes les démarches de notoriété, d’attractivité nécessitent la mobilisation de tous les publics : les agents des collectivités, les habitants des territoires et leurs visiteurs. Prenez aussi les guichets d’accueil et les relations de premier niveau qu’ils représentent pour la population, cela implique des démarches de communication.
La communication intervient bien à tous les niveaux, c’est pourquoi nous sommes convaincus qu’il faut défendre cette profession et son rôle stratégique dans le fonctionnement des collectivités. La communication à tous les étages c’est cela : la communication n’est plus un luxe, c’est un bien commun dont on ne peut pas se passer. C’est aussi l’idée d’une architecture et d’une vision d’ensemble. Nous sommes là pour redonner du sens à l’action publique.
Le marketing territorial a fait les riches heures de la communication territoriale dans les années 2010. Cela sert-il à quelque chose ?
Aujourd’hui, on parle plutôt de marketing et identité des territoires. Le domaine du markéting territorial s’est complexifié, il s’est répandu dans l’ensemble des territoires, y compris les plus petits. Au-delà de la fameuse «marque», il s’agit en fait de créer un sentiment d’appartenance à un lieu, ce qui permet aussi de renouer le lien entre les politiques et les citoyens. De manière un peu plus modeste, il s’agit de travailler sur l’implication citoyenne dans le développement du territoire. De toute façon la marque de territoire appartient aux habitants du territoire.
Finalement, c’est l'une des grandeurs de la communication publique : l’usager est non seulement le destinataire, mais aussi l’acteur. Il est partie prenante de la communication, on lui doit des comptes. Et au-delà de l’attractivité, certains lieux doivent faire face à un nouveau phénomène qui est celui de la surfréquentation et de la tolérance que cela pose au territoire et aux habitants. L’accueil doit être soutenable. Cela nécessite aussi de la communication.
Propos recueillis par Jean de Miscault - Les Affiches d’Alsace et de Lorraine pour ResoHebdoEco – www.reso-hebdo-eco.com