La commande publique peut booster l’économie circulaire

Les 150 milliards d’euros que pèse la commande publique en font un levier non négligeable pour encourager le développement de l’économie circulaire. Stratégies, témoignages et… mesure de l’ampleur des chantiers encore à mener, lors des récentes Assises de l’économie circulaire à Paris.

Développer l’économie circulaire dans les collectivités : un levier non négligeable.
Développer l’économie circulaire dans les collectivités : un levier non négligeable.
Développer l’économie circulaire dans les collectivités : un levier non négligeable.

Développer l’économie circulaire dans les collectivités : un levier non négligeable.

Ils sont venus à deux. Landr y Léonard, conseiller communautaire délégué à l’innovation environnementale du Grand-Châlon, et Christian Marie, responsable des développements industriels IDEM du groupe ID’EES, un acteur de l’économie sociale et solidaire, ont illustré, par leur démarche en Bourgogne, comment la commande publique peut soutenir le développement de l’économie circulaire. C’était lors d’une table ronde consacrée à “Mobiliser la commande publique, un puissant levier pour l’économie circulaire”, qui s’est déroulée lors des deuxièmes Assises de l’économie circulaire, ce 17 juin à Paris.

À la base, sur une friche industrielle de Châlon, le groupe ID’EES disposait déjà d’un site de réemploi de carton : 3 000 tonnes en entrant, 2 000 tonnes qui en ressortent en produits finis. Mais Christian Marie entendait développer un nouveau produit, un isolant à base de fibre de carton. “Nous avions besoin de matériel. Alors nous nous sommes tournés vers la collectivité pour leur proposer : ‘vous avez un gisement de cartons, nous pouvons l’acheter’ ”, raconte-t-il. Sa proposition a rencontré la démarche de la communauté d’agglomération du Grand-Châlon, déjà active en matière d’économie circulaire et engagée dans une réflexion sur la gestion de nouvelles filières de recyclage. “Notre filière carton est liée à un éco-organisme, Eco-emballage, qui gère le recyclage. Jusque-là, le traitement du carton s’effectuait dans le Doubs. On s’est dit que c’était dommage alors que le groupe ID’EES pouvait le faire à quelques kilomètres de là”, raconte Landry Léonard, qui précise être actuellement en discussion avec l’éco-organisme pour qu’il “accepte de valider le concept” de transférer la gestion du carton à l’entreprise locale. En parallèle, le groupe ID’EES, en phase de recherche et développement, en collaboration avec l’université de Nancy, a également demandé à la collectivité de pouvoir expérimenter son nouveau produit isolant sur un bâtiment. La Ville de Châlon a identifié un site pilote, une école des années 1920. “Nous avons fait le test pour accompagner une entreprise locale”, explique Landry Léonard. Au total, le projet a de l’influence sur le territoire sur plusieurs plans. Déjà 25 emplois se sont matérialisés, et, d’ici quatre ans, ils pourraient monter à 65. De plus, ID’EES entend développer la filière en aval sur le territoire en commercialisant ses produits auprès d’entreprises dans un rayon de 150 km.

Ailleurs sur le territoire, d’autres projets d’économie circulaire ont vu le jour, soutenus par la commande publique . C’est le cas dans la communauté d’agglomération Pau-Pyrénées, qui a passé un marché public sur la collecte de textiles divers, pour un gisement estimé à 750 tonnes par an minimum. Le marché prévoyait notamment une installation minimum de points de collecte, une obligation de “recherche de débouchés des produits collectés favorisant le rallongement de la durée de vie des textiles et permettant leur réutilisation sous forme de matières premières”, ainsi que des critères concernant l’embauche dans les zones urbaines sensibles. Attribué à la structure Le Relais, le projet a permis, en 2014, de créer 34 emplois, dont 22 en insertion. Plusieurs boutiques de vêtements de seconde main ont ouvert, 20% de la matière recyclée est transformée en fibres destinées à fabriquer des isolants et la quantité de déchets enfouis ou incinérés a diminué.

La nécessaire professionnalisation des acheteurs.  Au-delà de ces exemples aboutis, il reste beaucoup à faire pour tirer pleinement profit du potentiel que représente le levier de la commande publique en matière de développement de l’économie circulaire, à en suivre Antoine Bonsch, chargé de mission à la direction régionale Aquitaine de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), et animateur de l’Association Aquitaine des achats publics responsables (3AR), qui rassemble un millier de professionnels. “On voit bien que la démarche est en train de prendre. Mais le bilan reste mitigé. On pourrait faire mieux et plus vite”, s’impatiente Antoine Bonsch. C’est ce à quoi s’efforce de contribuer 3AR, réseau qui permet aux acheteurs publics de partager leurs expériences, de s’informer. Des appels à projet sont lancés… Car le constat est celui d’une nécessaire “professionnalisation de la fonction achat”, estime Antoine Bonsch qui constate que ceux qui exercent la fonction d’acheteur sont rarement formés, et que la notion de cycle de vie d’un produit leur est souvent inconnue. Un constat largement partagé par les intervenants de la table ronde. “L’enjeu, aujourd’hui, c’est la professionnalisation de la fonction achat. C’est en marche. (…) Dans les collectivités, notamment grâce à la structuration des EPCI1 , cette fonction est parmi les premières à être mutualisée”, estime notamment Guillaume Cantillon, conseiller du président de la région Ile-de-France, en charge de la transition énergétique et du développement durable.

Autre difficulté, d’après Antoine Bonsch, pour avancer réellement “il faut avoir des objectifs clairs, sur lesquels mobiliser les acteurs”. Au niveau de l’Etat, il existe un Plan national d’action pour les achats publics durables (PNAAPD). “Ce plan s’applique aussi pour les collectivités et pas seulement pour l’Etat”, rappelle Yann Dumareix, chef du bureau des services publics responsables au ministère de l’Ecologie. Parmi ses objectifs d’ici 2020, figurent notamment une clause sociale pour 25% des marchés passés en cours d’année et une clause environnementale pour 30% d’entre eux. Autre objectif : 100% des produits achetés sont “à haute performance énergétique”. Sauf si c’est plus cher… Pour parvenir à ces résultats, le plan prévoit un volet de sensibilisation des élus et des décideurs, ainsi que l’accompagnement des acheteurs. “On va chercher à harmoniser les formations en achat public durable”, annonce en particulier Yann Dumareix. 1. Etablissement public de coopération intercommunale.