La classe politique dénonce le "nettoyage ethnique" au Karabakh et la prudence de l'exécutif
Les responsables politiques français dénoncent en chœur comme un "nettoyage ethnique" l'exode forcé des Arméniens du Haut-Karabakh après la victoire éclair de l'Azerbaïdjan, que le gouvernement se contente toujours de qualifier de "drame" tout en martelant...
Les responsables politiques français dénoncent en chœur comme un "nettoyage ethnique" l'exode forcé des Arméniens du Haut-Karabakh après la victoire éclair de l'Azerbaïdjan, que le gouvernement se contente toujours de qualifier de "drame" tout en martelant que "la France agit" pour régler cette crise.
Les mêmes mots, à la virgule près: "Si ce n'est pas une épuration ethnique, je ne sais pas ce que c'est". Prononcés coup sur coup par deux des plus importants personnages de l'Etat.
D'abord la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui a rappelé mardi sur RTL que le Haut-Karabakh a été "vidé de l'intégralité de ses habitants, qui viennent de tout perdre en quelques heures: leur maison, leur histoire, l'endroit où ils sont nés".
Le président du Sénat, Gérard Larcher, ensuite dans un entretien au Figaro mercredi, où il appelle à "être solidaires de l'Arménie et des Arméniens du Haut-Karabakh (qui) sont chassés d'une terre qui était la leur".
Plus de 100.000 personnes, sur les 120.000 officiellement recensées par Erevan, ont fui cette enclave après l'offensive-éclair de Bakou fin septembre, qui a pris le contrôle de ce territoire disputé avant même la chute de l'Union soviétique.
Transcendant les clivages politiques, la dénonciation d'un "nettoyage ethnique" est unanime.
A droite, le groupe LR à l'Assemblée nationale reprend ces mêmes termes dans une lettre adressée au président Emmanuel Macron pour lui demander notamment "des sanctions politiques, morales et juridiques adaptées" contre l'Azerbaïdjan.
A gauche, Raphaël Glucksmann, proche du Parti socialiste, a estimé sur le réseau X (ex-Twitter) que "l'Europe doit tout mettre en oeuvre pour sanctuariser l'Arménie", tandis que Mathilde Panot (LFI) a demandé dans un courrier à la Première ministre, Elisabeth Borne, d'expliquer devant le Parlement la "position de la France" sur ce conflit armé.
D'autres, comme le sénateur écologiste Yannick Jadot et la députée socialiste Christine Pires-Beaune, ont même avancé le terme de "génocide", lourd de sens dans ce pays du Caucase traumatisé par le massacre de sa population par l'empire ottoman il y a plus d'un siècle.
Prudence et "pression
Un génocide que la France a été parmi les premiers Etats à reconnaître en 2001, par le biais d'une loi adoptée au Parlement. Elle compte en outre une diaspora arménienne estimée à au moins 600.000 personnes, ce qui conditionne en partie sa diplomatie dans cette région.
Néanmoins, le gouvernement se montre très prudent dans son expression. Son porte-parole Olivier Véran a qualifié dimanche la situation de "drame humanitaire" et a de nouveau affirmé mercredi à l'issue du Conseil des ministres que "la France est aux côtés des Arméniens dans ce drame que l'Arménie rencontre aujourd'hui".
Elisabeth Borne elle-même, interpellée mardi par le député Jean-Louis Bourlanges (MoDem) sur "le nettoyage ethnique du Haut-Karabakh et ses dizaines de milliers de victimes", a répondu en soulignant "l'extrême gravité" de cet "exode massif et organisé".
Pas un mot sur d'éventuelles sanctions pourtant réclamées jusque dans son camp, notamment par Yaël Braun-Pivet. Au même moment, la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna annonçait depuis Erevan "l'accord" de Paris pour de "futurs contrats" de livraisons d'armes.
Le député Renaissance Guillaume Kasbarian, lui-même d'origine arménienne, met également en avant que "la France est le seul pays d'Europe qui s'exprime sur le sujet". Parmi les chefs d'Etat, Emmanuel Macron "est le seul à mettre une telle pression pour obtenir des décisions européennes fortes", a-t-il assuré à l'AFP.
Reste que le président de la République est resté muet sur le sujet depuis son interview télévisée du 24 septembre, quand il s'était dit "très vigilant à l'intégrité territoriale de l'Arménie".
L'Elysée continue de réclamer la "possibilité d'exercer un droit de retour avec des garanties de sécurité" pour les habitants du Haut-Karabakh, dont la fuite est "la résultante d’une politique délibérée" de Bakou.
Le camp présidentiel espère désormais un soutien de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, invitée samedi au campus de rentrée du parti Renaissance. "Nous attendons un geste fort", a indiqué son porte-parole Loïc Signor tandis que l'association des Arméniens de France a dénoncé un biais pro-Bakou de la dirigeante.
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