La BCE se prépare à repasser à l’action !

Mario Draghi a préparé les marchés à une nouvelle action de la Banque centrale européenne au mois de mars, car l’économie mondiale fait face à un climat d’incertitude… 

Au mois de décembre 2015, la BCE avait annoncé un nouvel assouplissement de sa politique monétaire, qui consistait à renforcer le programme d’achats de titres sur les marchés (quantitative easing) et à abaisser le taux de dépôt auprès de la BCE à -0,30%. Hélas ! ces mesures furent jugées trop pusillanimes par les marchés…

L’inflation ne remonte pas dans la zone euro. Malgré toutes les mesures annoncées par la Banque centrale, le taux d’inflation annuel de la zone euro (+0,2%, en décembre 2015) reste désespérément éloigné de son objectif de moyen terme de 2%. Même l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire celle qui exclut les composantes les plus volatiles comme l’énergie ou l’alimentation, reste à un niveau désespérément bas, en raison notamment des faibles hausses des coûts salariaux unitaires. Or, la stabilité des prix dans la zone euro étant la principale mission de la BCE, Mario Draghi s’est vu dans l’obligation d’annoncer qu’il „sera nécessaire de revoir et éventuellement de reconsidérer notre politique monétaire”.

La reprise reste fragile en Europe. Outre la lutte contre la déflation, la BCE se retrouve en première ligne pour soutenir la croissance de la zone euro, qui devrait rester faible en 2016, aux alentours de 1,7%, malgré une conjonction de facteurs favorables tels que la baisse des prix du pétrole, des taux d’intérêt à court et long termes historiquement bas, et un euro faible. Mais c’est oublier un peu vite que la politique monétaire ne peut pas tout et qu’elle doit nécessairement être accompagnée d’une politique budgétaire coordonnée au niveau européen, dont presqu’aucun État ne veut entendre parler, pour donner une politique économique propre à soutenir la reprise ! Et ceux qui misent tout sur la baisse des prix du pétrole pour assurer la reprise économique font un très mauvais calcul : pour être solide la reprise doit nécessairement s’appuyer sur des moteurs autonomes de croissance et pas uniquement sur des facteurs volatiles… Au surplus, les velléités d’indépendance de la Catalogne en Espagne, conjuguées au référendum britannique sur la sortie de l’UE (Brexit) et à des signaux négatifs concernant l’économie américaine, compliquent fortement la tâche de la BCE en raison des incertitudes qui en découlent.

Une forte volatilité des marchés financiers. La politique d’assouplissement quantitatif (quantitative casing ) consiste pour la BCE à acheter des titres sur les marchés en créant la monnaie nécessaire, et oblige de la sorte les investisseurs à réallouer les fonds qu’ils récupèrent en échange de leurs titres. Et par un effet de mimétisme bien connu, ils choisissent le plus souvent les mêmes catégories de titres les plus rémunérateurs, donc les plus risqués. Parallèlement, la liquidité de marché est quant à elle en net recul, en raison essentiellement des nouvelles réglementations du secteur bancaire. Cet effet de ciseaux conduit alors inévitablement à une hausse importante de la volatilité, amplifiée par des nouvelles peu encourageantes venues du reste du monde et l’aversion au risque des investisseurs, lorsque le climat des affaires se dégrade. En effet, la Chine est à la manœuvre pour éviter un atterrissage en catastrophe de son économie, caractérisée par une compétitivité-coût en berne et un recul des exportations et de l’investissement. De plus, si les autorités chinoises laissent le renminbi s’effondrer, alors la rentabilité pour les entreprises étrangères qui exportent vers la Chine baissera, car la valeur en devises de leurs ventes diminue, ce qui débouchera sur un recul des marchés boursiers mondiaux. C’est du reste tous les émergents qui donnent aujourd’hui des sueurs froides aux décideurs économiques : la baisse des prix des matières premières les condamnent à de graves déséquilibres budgétaires et financiers. D’où une croissance mondiale en berne. Enfin, il faut rappeler que cette politique monétaire très expansionniste porte en germe les conditions d’un krach obligataire, puisque les taux d’intérêt à court et long termes très bas ont conduit à la formation d’une bulle sur les titres d’État. La BCE le sait et se condamne peut-être à ne jamais pouvoir normaliser sa politique monétaire… D’où certainement ces mots, ô combien ambigus, prononcés par Mario Draghi à la fin de sa dernière conférence de presse du mois de janvier : „Nous n’abandonnons pas !” Est-ce le signe que la BCE veut surprendre les marchés au mois de mars ou bien seulement une forme de méthode Coué pour dire qu’elle ne voit plus très bien comment retourner à elle seule la vapeur ?

Raphaël DIDIER