Transformer des déblais en béton bas carbone
L’IMT Nord Europe dévoile les résultats de son expérimentation
Dans le cadre de la construction du Grand Paris Express, la Société du Grand Paris s’est engagée à réduire de 25% les émissions en carbone du chantier et de valoriser 70% des déblais. En partenariat avec l’IMT Nord Europe (ex Ecole des Mines de Douai) et l’entreprise Neo-Eco, une expérimentation a été menée à ce titre pour étudier la possibilité d’utiliser les terres excavées dans la fabrication d’un béton bas carbone. Reportage.
Vouée à permettre une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre en Ile-de-France, la construction du Grand Paris Express va générer environ 4,4 millions de tonnes de CO2, dont plus de 70% dus à l’utilisation de béton et d’acier, indispensables à la réalisation des ouvrages du nouveau métro. 90% des émissions étant liés à la production de ciment, principal liant du béton.
«C’est un projet colossal avec 200 kilomètres de voies nouvelles (dont 180 kilomètres en tunnel) et 68 nouvelles gares entre 2024 et 2030» précise John Tanguy, Directeur exécutif en charge de la stratégie, de l'environnement et de l’innovation de la Société du Grand Paris. «L’émission de 20 millions de tonnes de CO2 sera évitée grâce au Grand Paris Express, mais le bilan de la construction sera négatif d’où nos engagements de réduction de 25% des émissions en carbone du chantier et de valorisation de 70% des 47 tonnes de déblais».
Jusqu’à 40% de réduction des émissions de CO2
Aujourd’hui, environ 90% des bétons utilisés sur les chantiers en cours sont déjà bas carbone notamment en raison des spécificités techniques adaptées aux travaux souterrains, mais aussi par le déploiement de bétons innovants comme le béton fibré ou le béton qualifié d’ultra-bas carbone. Les recherches menées avec les chercheurs de Douai , depuis septembre 2020, ont dès lors pour objectif de «remplacer le clinker (NDLR : constituant principal) du ciment par des terres excavées des sous-sols du Grand Paris Express» explique Reda Belmajdoub, Chef de projet innovation et Responsable de la mission béton bas carbone de la Société du Grand Paris.
«Notre choix s’est porté sur des argiles à meulières sélectionnées pour leurs propriétés techniques, environnementales et opérationnelles». L’expérimentation s’est organisée autour d’une méthode de cuisson rapide (NDLR : le ciment est lui-même issu d’une cuisson à très haute température du clinker) appelée la flash-calcination, une technique de transformation utilisée sur les argiles à meulière.
Mouhamadou Amar, qui a mené l’expérimentation dans les laboratoires de l’IMT Nord Europe, poursuit : «Cette méthode de cuisson des argiles dans un four vertical émet jusqu’à 80% de moins de CO2 grâce à une température de cuisson divisée par deux (750°C) ainsi qu’une très forte diminution du temps de cuisson, de plusieurs heures à quelques secondes… un process que l’on peut dupliquer sans problème à l’échelle industrielle. Nous avons étudié une trentaine de formulations pour obtenir une substitution du ciment à hauteur de 40% sans dégradation sur les bétons formulés comme l’ont démontré les essais de durabilité». Quatre formulations de bétons bas carbone ont été validées et permettent de réduire jusqu’à 40% les émissions de CO2. Celles-ci peuvent être utilisées dans les parois moulées, les structures internes ou encore du béton de rechargement.
Un investissement de 300 000€
Le processus développé par l’IMT Nord Europe, Neo-Eco et la Société du Grand Paris permet donc à la fois de valoriser les terres excavées et de réaliser des économies de ressources énergétiques et naturelles non négligeables. Une expérimentation financée aux deux tiers, soit 200 000€, par la Société du Grand Paris, et subventionnée par l’Ademe à hauteur de 100 000€, et dont les résultats sont mis à disposition de l’ensemble de la filière.
«Nous avons fait le choix de publier en open data les résultats de l’étude pour permettre à tous les acteurs de la filière de s’en emparer, d’inciter à son utilisation et à l’exploration du potentiel des matières revalorisées dans la production des bétons» explique John Tanguy. «Derrière le déploiement de la méthode, il y a une vraie décision politique» a-t-il ajouté en référence aux nécessaires évolutions normatives pour la massification du process. Quoi qu’il en soit, les perspectives sont encourageantes, très encourageantes…
L’IMT Nord Europe en chiffres
- Près de 14 000 étudiants
- 130 enseignants-chercheurs
- 200 publications par an
- 20 000 m² de laboratoires
- 7,9 millions € de chiffre d’affaires en R&D