Bilan et perspectives 2024
L'immobilier à l'épreuve de la crise politique
La Fnaim redoute les conséquences de la crise politique sur un marché de l'immobilier qui a subi une forte baisse des prix et des volumes depuis un an. Elle maintient néanmoins sa prévision d'une stabilisation autour de 800 000 transactions cette année.
«L'annonce
de la
dissolution a été un séisme, y compris dans nos rangs»,
a déclaré Loïc Cantin, président de la Fnaim,
Fédération nationale
de l'immobilier. La conférence
de presse sur «Le logement pris en flagrant défi»,
tenue le 12 juin dernier à Paris, devait être consacrée à la conjoncture
du secteur et à la politique du logement. Son déroulé a été
largement bouleversé par l'annonce de la dissolution de l'Assemblée
Nationale par Emmanuel Macron, trois jours plus tôt. «Les
crises politiques se sont souvent traduites par des crises
financières, lesquelles amènent des crises du logement»,
a prévenu Loïc Cantin, rappelant que le taux de l'OAT 10 ans -taux
d'emprunt d’État - avait bondi
après l'annonce de la dissolution. Avec pour conséquence possible
une hausse des taux d'intérêt qui pourrait se répercuter sur ceux
des crédits immobiliers. «Cela
fragiliserait les plans de financement des ménages»,
met-il
en
garde.
En
plus des inquiétudes qu'elle suscite pour l'activité des mois
prochains, la dissolution de
l’Assemblée
a aussi des conséquences immédiates. «Tous
les projets de loi sont suspendus jusqu'aux prochaines élections
législatives. Le travail sera à reprendre»,
se désole Loïc Cantin. La Fnaim
attendait, en effet, l'issue de plusieurs textes contenant des
mesures qu'elle portait. Comme la proposition de loi de Damien Adam
déposée
en mai dernier, concernant la portabilité des prêts immobiliers qui
permettrait aux emprunteurs d'acheter un nouveau bien avec leur
ancien crédit.
L'équation «irréaliste» de la rénovation énergique
Autre texte très attendu, celui porté par Guillaume Vuilletet, destiné à lever l'insécurité juridique pesant sur les propriétaires bailleurs de logements loués classés G à compter du 1er janvier 2025. La Fnaim redoute que les propriétaires concernés ayant loué leur bien avant cette échéance ne soient pénalisés.
Seule bonne nouvelle, en janvier dernier, un amendement, auquel tenait la Fnaim, a été adopté dans le cadre du projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement. Il prévoit que dans les copropriétés, les votes en assemblée générale ne puissent pas engager de lourds travaux de rénovation sans l’accord d’une majorité des copropriétaires. Le président de la Fnaim a ainsi énuméré les principales propositions portées par la profession (en plus de celles contenues dans des textes restés en suspend avec la dissolution). Et aussi, il a réitéré une mise en garde déjà faite au précédent gouvernement.
En matière de rénovation
énergique, «il
va falloir être pragmatique»,
a prévenu Loïc Cantin. En cause, la faisabilité du
calendrier qu'impose la loi Climat et résilience, en matière de
rénovation énergétique des logements. L'équation est irréaliste,
plaide la Fnaim :
4,6 millions de logements en France classé F et G à rénover
d'ici 2028 représentent 190 milliards d'euros de travaux en
3,5
ans, soit 55 milliards par an, alors que le chiffre d'affaires de
la filière
entretien-amélioration du logement s'élève à 53 milliards
d'euros
Baisse des prix et des volumes
L'incertitude engendrée par la dissolution s'abat sur un marché immobilier dont la situation demeure «extrêmement préoccupante» à la fin du premier semestre 2024, selon la Fnaim. «2024 a été l'année de la baisse des volumes et de la baisse des prix», a résumé Loïc Cantin. Fin mars, la Fédération a enregistré une baisse des ventes de 23% sur 12 mois glissants, avec 822 000 actes signés. «Nous n'avons jamais connu de baisse aussi brutale et aussi forte», a souligné le président de la Fnaim. Les ventes ont atteint leur niveau le plus bas depuis 2016, au terme de deux ans d'une baisse qui devrait se poursuivre jusqu'à la fin de l'année.
Parmi les
ressorts qui expliquent cette
évolution, la chute spectaculaire de la production de crédits
immobiliers : en mars dernier, elle a atteint 8,7 milliards
d'euros, contre 26,6 milliards en mai 2022, soit une division par
trois en deux ans. «Il existe une corrélation évidente entre la baisse des volumes de
ventes et celle des crédits»,
a rappelé Loïc Cantin.
Un
petit rebondissement de la production de crédits
a toutefois été constaté depuis le début de l'année, stimulé
par la baisse des taux de crédit, passés de 4,21% en
décembre 2023 à 3,73% en mai 2024.
Autre
baisse record, enregistrée par la Fnaim, celle des prix. Au niveau
national, ils ont perdu 3,8% en un an, la plus
forte chute depuis 15 ans. Dans
les grandes villes, et tout particulièrement celles qui avaient
connu des hausses de prix, la baisse se poursuit (Paris -7,7%;
Bordeaux -8,1%; Nantes
-11,2%, sur un an). Mais elle s'est répandue à tous les
types de territoires, jusqu'alors épargnés : les stations
balnéaires (-3%), les stations de ski (-2,3%), les communes
rurales (-2,8%). Seules deux villes affichent des prix en hausse :
Caen (+2,2%) et Mulhouse (+3,1%) .
En
termes de produits, le prix des appartements a baissé de 4,1% pour
atteindre 3 675 euros le m2, et celui des maisons, de 3,5% pour
atteindre 2 337 euros le m2. Conséquence de cette conjoncture
difficile, le
secteur de l'immobilier a subi une forte hausse des défaillances
d'entreprises, selon la Fnaim. Sur les douze derniers
mois, une agence immobilière sur 24 et un administrateur de biens
sur 110 ont fait faillite, soit des hausses respectives de +112% et
+35%.
Quelle
évolution dans les mois qui viennent ? L’exercice
de la perspective, déjà délicat, devient particulièrement ardu
dans le contexte d'incertitude politique. La Fnaim a choisi de
maintenir ses prévisions pour 2024 avec un «atterrissage»
cette année à 800 000 ventes. En effet, «le
pouvoir d'achat immobilier des Français commence à se
reconstituer»,
estime Loïc Cantin. Stabilisation des taux d'intérêt, baisse des
prix de l'immobilier et augmentations de salaires devraient
encourager le marché et permettre cette stabilisation. «A
condition que les paramètres économiques ne varient pas»,
prévient Loïc Cantin.