L'histoire d'une ferme familiale qui perdure
Si l'agriculture est en pleine mutation, Dominique Schniebs, 72 ans, sixième génération d’agriculteurs éleveurs installé dans le Santerre à Courcelle (Hameau de Démuin), a connu de nombreuses mutations durant sa longue vie professionnelle. Ce passionné témoigne du passé mais aussi de l'avenir de ce secteur chamboulé.
Il n’était pas destiné à exercer ce métier, mais, à 24 ans, après avoir eu un Bac +5, son père décède. Aîné d’une fratrie de six ans plus jeunes, il prend la tête de l'exploitation de 120 hectares, et devient le soutien de famille. Au début, le travail était surtout une aide pour sa mère, mais au fil des mois il se passionne pour l’agriculture, finalement, se met en GAEC avec sa mère. « Je cultivais betteraves et céréales, et nous avions aussi 120 vaches laitières avec traite matin et soir. Les vaches n’étaient pas ma passion, et quelques mois plus tard, nous avons décidé d’arrêter les bovins. J’ai cherché ma voie et me suis mis à élever des poulets label rouge. Mais la mortalité était énorme en raison du passage à basse altitude, multi quotidien, des avions militaires de la base de Cambrai. Le bruit les tuait. J’ai aussi élevé des lapins pour l’alimentation », raconte Dominique Schniebs.
En 1980, il a eu le feeling pour un cheval qu’un propriétaire lui a confié. « Six mois après, j’en avais six en pension et aujourd’hui, j’en ai 100. J’ai eu la chance au début d’avoir un moniteur qui travaillait ces chevaux et qui m’a envoyé de nouveaux propriétaires. Au début, nous avons organisé des petits concours et depuis plus de 15 ans, ce sont dix concours par an de différentes disciplines équestres. » En même temps, il continuait bien sûr à cultiver les terres. « À cette époque, l’agriculture était prospère et m’a permis d’investir dans de nouvelles écuries, des bâtiments pour stocker le fourrage pour les chevaux. La culture était simple, nous étions très attentifs à la qualité de la production et au bien-être des chevaux. Aujourd’hui, nous sommes soumis à des contrôles par satellite chaque semaine, qui sont enregistrés et, si nous dérogeons d’un jour, pour les semis ou le traitement, nous sommes mis à l’amende. Les différentes réformes de la PAC ont engendré une moindre rémunération. »
À la retraite depuis cinq ans, il continue à travailler comme avant.. et il voit l’avenir de l’agriculture en noir pour les exploitations de moyenne taille. « Ce sera pire pour les enfants et petits-enfants, car les subventions sont calculées en fonction des plantes cultivées, et du nombre d’hectares. Et les importations alimentaires et de céréales ne contribueront pas à la prospérité de ces exploitations. »
Morgan Schniebs, la septième génération
Morgan
Schniebs, 43 ans, fils de Dominique, est la septième génération,
passionné par l’agriculture depuis son enfance. À l'inverse de
son père, la voie de l'agriculture est un choix : après des
études
agricoles au lycée du Paraclet à Boves, il a travaillé durant trois ans dans une ETA, puis neuf ans dans le Ponthieu, comme chef
de culture. Il a ensuite rejoint la ferme familiale et repris le domaine en
2013. Il cultive principalement betteraves et céréales. Il s’occupe
aussi du centre équestre dont la responsable est sa sœur.
« C’est un très gros travail, car il faut gérer 100 chevaux
en pension. Cela veut dire produire suffisamment de foin et de paille
pour les nourrir, entretenir les 25 hectares de pâture. Il faut
savoir que les terres consacrées à faire du foin sont entretenues
régulièrement avec des engrais organiques et minéraux. Il y a
aussi régulièrement le nettoyage des box. Ces tâches occupent les
¾ de mon activité. »
Morgan est pessimiste pour l’avenir de la culture : « le coût de production du blé, des betteraves et du colza, avec les normes imposées, fait que je vends la tonne de blé à perte.» Il va se reconvertir dans d’autres cultures au fur et à mesure du réchauffement climatique, afin de ne plus vendre à perte. Il va également changer sa façon de cultiver en travaillant moins la terre : « ce sera très chronophage, car il faut surveiller les terres une à deux fois par semaine. En plus, la surveillance satellite nous impose, si nous avons des arbres tombés en raison de vents violents, d’en replanter dans des délais impartis sinon la DDA nous contacte. Si cela continue, la France sera uniquement un pays de tourisme. Nous importerons de la viande et des plats industriels sans aucune norme sanitaire correspondant aux nôtres. J’espère que cette année aura un rendement meilleur que 2023 avec des prix de vente plus élevés sinon ce sera très difficile. »