Entretien avec Eric Dadian, président de l'Association française de la relation client
«L’expérience client produit de la valeur»
EDF, Leroy Merlin, DHL, Gaz de Bordeaux, Leocare (assurances en ligne) … Une soixantaine d’entreprises sont déjà estampillées «AFRC Relation Client 100% France», une marque de garantie portée par l’AFRC, depuis 2021. Pour autant, les services de relation client partis à l’étranger ne sont pas prêts à revenir, prévient Eric Dadian.
Pourquoi avoir créé une marque de garantie «AFRC Relation Client 100% France» ?
On parle peu des téléconseillers. Et pourtant, durant la crise du Covid, eux aussi ont permis à l’activité du pays de se poursuivre... Aujourd’hui, il sont 300 000 en France. Et l’AFRC, née en 1998, est la principale communauté des professionnels de la relation client. A la sortie du Covid, Bruno le Maire nous avait sollicités pour réfléchir à la manière de valoriser les entreprises qui font l’effort de conserver leur service de relation client en France.
Nous avons donc mis sur pied cette «marque de garantie» qui distingue les donneurs d’ordre dont 100% de ces emplois sont situés en France. Cela peut être en interne à l’entreprise ou en externe, par exemple chez Teleperformance ou Webhelp. La marque de garantie porte un double logo : celui de l’AFRC et de France Garantie, initié par Yves Jégo et Arnaud Montebourg. Nous avons collaboré avec eux car ils ont une très forte notoriété sur la certification des produits Made In France.
Comment cette démarche a-t-elle été accueillie en 2021, et que peut-on en attendre ?
Nous avons été surpris par l’accueil : déjà une soixantaine d’entreprises se sont engagées. Il s’agit de sociétés dont le service client est déjà localisé en France et qui souhaitent valoriser ce fait. Aujourd’hui, on entend une petite musique du «Revenez»… Notre initiative fera-t-elle revenir des services clients partis off shore, à l’image de ceux des entreprises des télécoms qui le sont majoritairement ? Nous ne sommes pas dans ce combat.
Aujourd’hui, il existe 70 000 emplois en off shore. Pour l’essentiel, ils sont basés dans d’anciennes colonies francophones, par exemple en Tunisie, à l’île Maurice, Madagascar ou au Maroc. Dans ce pays, le coût horaire d’un téléconseiller est de 14 euros par heure, contre 10 à Madagascar, et 30 en France. De plus, des équilibres sont établis. Par exemple, pour le Maroc, si vous faites revenir cette activité, il faut s’attendre à des rétorsions sur les achats de trains... Nous ne pouvons pas lutter contre cela. Ce que nous pouvons essayer de faire, c’est d’éviter que d’autres services de relation client ne partent.
En France ou ailleurs, le métier de téléconseiller risque-t-il de disparaître avec l’IA, Intelligence artificielle ?
Nous sommes passés de 100 000 téléconseillers en 1995 à 300 000 aujourd’hui ! Cette activité est en croissance, car l’expérience client a le vent en poupe. Il y a une vingtaine d’années, elle était était vue comme un centre de coût. Aujourd’hui, on considère qu’elle produit de la valeur. L’enjeu central réside dans le traitement de la data : il faut connaître le client, mieux le fidéliser, faire de la vente… Outre à s’être beaucoup développé, le métier a également évolué au fur et à mesure des ruptures technologiques successives. Au téléphone, se sont ajoutés des canaux supplémentaires. A partir de 1995, Internet a créé des emplois, puis, sont arrivés les réseaux sociaux… Aujourd’hui, les conseillers répondent par mail, en vidéo, sur les tchats, Twitter, Facebook...
En ce moment, nous nous intéressons de près à l’impact que l’IA, l’Intelligence artificielle aura sur nos métiers. Il est possible que les conseillers deviendront des «superviseurs de robots» qui répondent aux clients, quitte à ce que l’humain reprenne la main si utile. Dans tous les cas, il est certain qu’il y aura des bouleversements.