L'exécutif sur le qui-vive face au malaise des agriculteurs, courtisés par le RN
Un mois avant l'ouverture du Salon de l'agriculture et à l'approche des élections européennes, la multiplication des signes de mécontentement des agriculteurs préoccupe le gouvernement, sur fond d'offensive d'un Rassemblement national...
Un mois avant l'ouverture du Salon de l'agriculture et à l'approche des élections européennes, la multiplication des signes de mécontentement des agriculteurs préoccupe le gouvernement, sur fond d'offensive d'un Rassemblement national qu'il accuse de "souffler sur les braises".
La grogne dans les pays voisins n'a pas échappé à l'exécutif. Après les Pays-Bas, c'est d'Allemagne que la colère se fait entendre, avec une mobilisation massive contre un projet d'augmentation des taxes sur le gazole agricole, à coups de blocages de routes et défilés de tracteurs.
En France, des actions ponctuelles s'organisent. Des éleveurs laitiers se sont rassemblés jeudi devant plusieurs sites Lactalis dans l'Ouest, dénonçant le prix du lait fixé par le groupe, jugé trop bas. Vendredi, la circulation a été bloquée par des agriculteurs sur l'A64 entre Toulouse et Bayonne.
Sur une série de "sujets brûlants", la profession "attend des réponses très claires avant le Salon de l'agriculture" à partir du 24 février à Paris, a mis en garde le président de la FNSEA Arnaud Rousseau lors de ses voeux.
Le syndicat majoritaire chez les agriculteurs réunit son conseil d'administration mercredi et devrait être en mesure d'annoncer les actions qu'il compte mener "jeudi prochain", a fait savoir à l'AFP une source interne à la fédération.
Quant à la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole, elle prévoit de se mobiliser le 25 janvier "un peu partout en France" avec des opérations de "bâchage des radars" pour dénoncer "la suradministration", voire des "opérations plus spectaculaires".
Réarmer l'agriculture
Inflation, lourdeurs administratives, ras-le-bol face au sentiment d'être écrasés par des normes nationales ou européennes, au nom de la transition écologique: les motifs de colère sont diffus.
"J'entends et je suis très attentif aux expressions des agriculteurs", a assuré vendredi à la Dépêche du Midi le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, soulignant "avoir obtenu un budget historique (...) de quatre milliards pour les trois prochaines années".
Il se rendra samedi après-midi dans le Cher auprès d'exploitants pour "évoquer leurs problématiques", a fait savoir son cabinet. Lundi, il sera en Vendée sur le thème de l'eau en agriculture.
Lors de sa conférence de presse du 16 janvier, le président de la République Emmanuel Macron a cité l'agriculture parmi les domaines où il comptait "accélérer" le "réarmement" du pays.
Et il "a demandé au ministre de l'Intérieur de donner instruction aux préfets d'aller dès ce weekend à la rencontre des agriculteurs" et de leurs syndicats, "au plus près du terrain", a indiqué vendredi l'Elysée.
"L'un des premiers projets de loi" que présentera le nouveau gouvernement concerne "le renouvellement des générations en agriculture", a assuré le Premier ministre Gabriel Attal.
Ce texte, au menu du Conseil des ministres du 24 janvier, prévoit de créer un nouveau diplôme de niveau bac+3 et un guichet unique pour soutenir les candidats à l'installation. La profession, elle, attendait une loi d'orientation plus ambitieuse.
- "Mèche" des gilets jaunes -
Dans ce climat d'inquiétude, l'extrême droite est aux aguets: reçu vendredi par Gabriel Attal, le président du RN Jordan Bardella lui a demandé de "décréter l'état d'urgence agricole" et "d'instaurer le patriotisme économique pour protéger nos agriculteurs".
M. Bardella, par ailleurs tête de liste du RN aux élections européennes, a prévu de rencontrer samedi des agriculteurs de Gironde pour appuyer leurs revendications.
Le parti "cherche à souffler sur les braises de la colère et le désespoir des agriculteurs, mais ce n'est que de l'opportunisme électoral pour les élections européennes", critique Marc Fesneau, fustigeant ces élus RN qui "ne travaillent pas au Parlement européen et ne défendent donc pas les agriculteurs au quotidien".
Jérémy Decerle, eurodéputé Renaissance et ancien président des Jeunes agriculteurs, "ne sous-estime pas le mouvement, la détresse des agriculteurs". "Mais je ne suis pas convaincu que cela finisse sur des mouvements impressionnants, car je ne crois pas que l'engagement du gouvernement soit à côté de la plaque".
L'ancien éleveur et ex-député Renaissance Jean-Baptiste Moreau se montre, lui, plus inquiet: "Il y a un truc qui bout depuis longtemps à la base" et qui pourrait "se finir en violences".
Pour le politologue Eddy Fougier, "le gouvernement a très peur de rallumer la mèche des +gilets jaunes+ et d'un basculement d'une partie du monde agricole vers le RN qui se structure autour d'un credo anti-écologie punitive". Selon lui, le message de la FNSEA au gouvernement "consiste à dire +Je les tiens pour l'instant, mais attention ça pourrait déborder+".
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