L’ère de la grande démission...
82 % des dirigeants d’entreprises assurent rencontrer des difficultés de recrutement et 43 % les jugent même sévères ! Dans son enquête de conjoncture au début du mois, Bpifrance pointe du doigt la problématique du moment.
Bien au-delà de la crise sanitaire, des problèmes d’approvisionnement en matières premières, ce sont les difficultés de recrutement qui pourraient gripper la reprise engagée. La Banque de France le soulève également dans sa dernière note de conjoncture. «Je suis à la recherche d’un chef d’atelier pour mon nouvel entrepôt, impossible de trouver», assure le dirigeant d’une entreprise du bâtiment de l’agglomération nancéienne. BTP, restauration, service à la personne ou encore professionnels de la route, ces secteurs se sont toujours affichés comme des métiers dits sous tension. Aujourd’hui, ce sont l’ensemble des secteurs d’activité qui sont touchés. D’après les calculs de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) et Pôle emploi, six métiers sur dix étaient déjà en forte tension de recrutement en 2019 (contre un sur quatre en 2015). Un état de fait repris par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans une liste de préconisations pour tenter de résoudre cette fameuse pénurie de main-d’œuvre parue le 12 janvier. Accent sur la formation continue, négociation des accords de branche sur l’attractivité des métiers, amélioration des rémunérations, des conditions de travail en passant par le développement de l’alternance ou encore le recours à des groupes d’employeurs sont mis en avant comme des pistes à suivre. Pas réellement une nouveauté pour les recruteurs ! La crise sanitaire et les périodes de confinement semblent avoir changé littéralement l’approche du travail et celle de l’image de l’entreprise avec un grand E. Parler de «valeur travail» en 2022 a-t-il encore vraiment du sens ? Certains parlent même déjà d’un effondrement complet de cette valeur. Le sens, le mot est lancé ! «Face à la prise de conscience de l’impact de certains sur le climat, la biodiversité, de plus en plus de personnes acceptent de se détourner de leur projet professionnel, souvent bâti de longue date et très rémunérateur, pour s’orienter vers des projets de sens, moins lucratifs, mais compatibles avec les impératifs de transition», assure le Cese. Dans ses préconisations, le Cese met en avant la nécessité de «favoriser la conciliation vie professionnelle et vie personnelle.» Les collaborateurs, les potentiels candidats au poste non pourvus aujourd’hui aspirent à reprendre tout simplement la main sur le travail. «La crise sanitaire a amplifié une mutation déjà en cours. Nous étions passés d’un régime de discipline collective, où le travail était un socle de la vie, nous assignait une place dans la société, à un régime de l’autonomie de la personne. Le travail y devient un engagement», assure Jean-Claude Kaufmann, sociologue, dans un récent entretien à nos confrères du Point. Les entreprises bataillent à actionner les bons leviers pour tenter de capter de nouveaux collaborateurs pour répondre à leur besoin et doivent faire face également au maintien des personnels en place. Nouvelles méthodes d’entretien, appel aux influenceurs des réseaux sociaux pour construire leur fameuse marque employeur en passant par la démultiplication des réseaux de sourcing. Ces nouvelles approches seront-elles suffisantes pour contrer ce que certains appellent déjà «l’ère de la grande démission»...