Institut Jean Lamour

Projet Spektre : l’énergie nucléaire de demain

Vers une énergie nucléaire sans déchets radioactifs ni uranium grâce à une technologie plus vertueuse que celle utilisée actuellement ! Bienvenue dans l’univers de la fusion nucléaire. L’Institut Jean Lamour en collaboration avec Renaissance Fusion, une start-up de Grenoble, développe le projet Spektre dans les sous-sols de l’institut nancéien. Une véritable rupture technologique pourrait se produire si les tests prévus au second semestre 2024 s’avère concluants.

«La fusion nucléaire est une véritable technologie durable», assure le docteur Frédéric Brochard de l’Institut Jean Lamour, pilote du projet Spektre.
«La fusion nucléaire est une véritable technologie durable», assure le docteur Frédéric Brochard de l’Institut Jean Lamour, pilote du projet Spektre.

Nom de code : projet Spektre pour Sheats, Plasma Edge & Kinetic Turbulence Radio-Frequency Experiment. Signes particuliers : programme de recherche en physique des plasmas en champ magnétique piloté par l’Institut Jean Lamour de Nancy et la startup grenobloise, Renaissance Fusion, pour développer la technologie de fusion nucléaire permettant d’envisager la production d’énergie nucléaire plus vertueuse que celle opérée actuellement via la fission nucléaire. Le tout sans production de déchets radioactifs et sans utilisation d’uranium. «Si nous y parvenons, c’est une véritable rupture technologique qui sera opérée. Bon nombre de pays se penchent sérieusement sur le sujet. Il y a une feuille de route au niveau européen qui est présente pour aboutir à une véritable production de centrale nucléaire à fusion. Il serait dommage de louper le train de ce développement pour la production d’énergie nucléaire quasi propre.» Dans les sous-sols de l’Institut Jean Lamour, le docteur Frédéric Brochard, pilote du projet, est bien conscient que c’est l’avenir de toute une filière et d’une conception même de la production d’énergie nucléaire qui est en train de se jouer avec en toile de fond cette volonté affichée (et nécessaire) de décarbonation de la production d’énergie. Fer de lance de ce projet, une machine (de près de 40 tonnes au total) composée de treize bobines de cuivre fournies par le centre de recherche de fusion nucléaire, l’institut Max-Planck de Munich, «le plus important d’Europe.»


Technologie durable

C’est à l’intérieur de ce tube à spirales de six mètres de long que les premiers tests seront menés au second semestre 2024. «Nous n’allons pas provoquer de réaction de fusion nucléaire ! Dans un réacteur nucléaire, les réactions se produisent dans le cœur. Plus loin, vous avez la paroi et entre les deux, vous avez ce que nous appelons le plasma de bord. Avec Spektre, nous allons reproduire ce plasma de bord et les réactions qui se produisent dans le bord des réacteurs à fusion nucléaire.» L’imposante machine est aujourd’hui en cours d’installation. «Nous allons également tester le concept innovant de la start-up Renaissance Fusion basé sur la mise en œuvre de paroi, non pas en métal solide mais en métal liquide où le plasma sera maintenu non pas derrière des grilles mais par un champ magnétique.» Si les essais sont concluants, une percée technologique sera opérée permettant d’envisager, dans un futur proche, la conception de centrales nucléaires plus compactes bien loin des chantiers colossaux des actuels EPR. Ces centrales nucléaires à fusion possèdent le même rendement que leurs consœurs à fission nucléaire, avec un risque quasi nul, «sans approvisionnement en combustible, car beaucoup de matériaux en abondance sur la terre peuvent fusionner. La fusion nucléaire est une véritable technologie durable.» C’est une course mondiale vers cette technologie qui est aujourd’hui en cours. Il pourrait être envisageable de voir une véritable commercialisation de ces technologies de fusion nucléaire dès 2035. Coût total estimé du projet Spektre : 3 M€. Il bénéficie aujourd’hui de plusieurs soutiens, à l’image de la Métropole du Grand Nancy à hauteur de 150 000 € sur trois ans. «Nous sommes toujours en recherche de financement. Pour le moment, nous avons de quoi démarrer les expérimentations.» L’énergie du futur pourrait bien prendre réellement naissance sur le sol nancéien...

Pas que de l’énergie nucléaire

Le projet Spektre, développé par l’Institut Jean Lamour de Nancy, n’est pas uniquement à destination de la technologie de fusion nucléaire. «C’est une plateforme de recherche en physique des plasmas en champ magnétique. Son fonctionnement, en état stationnaire, nous permet d’étudier des procédés de traitement de surface en champ magnétique homogène», assure le docteur Frédéric Brochard à la recherche de partenaires industriels.