Conjoncture
L'économie du sport, un monde à part
Avec 68 milliards d'euros, la filière sport contribue à l'économie nationale à hauteur de celle de l'hôtellerie-restauration. Mais elle représente une réalité à part où les collectivités locales et les bénévoles jouent un rôle structurel, montre une étude de BPCE l'Observatoire.
Soixante-huit milliards d'euros, 2,6 % du PIB : la contribution de l'économie du sport à celle nationale est comparable au poids du secteur de l'hôtellerie-restauration. Le 15 juillet, alors que la flamme olympique parcourait les avenues de Paris, le groupe bancaire BPCE rappelait, devant la presse, les résultats de l'étude de son Observatoire consacrée à la filière sport (2023).
Une filière à la configuration très spécifique, rappelait Julien Laugier, responsable de projet stratégie chez groupe BPCE. Côté demande, elle repose sur deux piliers : l'investissement (14 milliards d'euros) et surtout, la consommation des ménages (55 milliards d'euros). En 2022, cette consommation ( directe et indirecte) se répartit entre trois domaines. Le premier (29,3 milliards d'euros) concerne la pratique sportive en elle-même. Elle s'adresse au secteur non marchand (associations, écoles...) et aux entreprises privées (coach, abonnement à des salles de sport, tourisme sportif...). Le second poste de dépenses (20 milliards d'euros) concerne l'achat et la location de matériel (vélo, maillots de bain...). La troisième catégorie de consommation nommée « sport spectacle » pèse 5,7 milliards d'euros et regroupe les achats de journaux, billets...
Le second pilier de la demande, les investissements, est constitué de 7,5 milliards d'euros pour les entreprises, et de 6,6 milliards d'euros pour le secteur non marchand, à savoir les associations et surtout les collectivités. « Ces dernières représentent le premier financeur public du sport », pointe Julien Laugier. Elles soutiennent les associations. Et surtout, elles réalisent les dépenses publiques indispensables à l'entretien des 332 000 équipements sportifs recensés en France dont elles sont propriétaires dans huit cas sur 10. Au total, les collectivités ont investit environ 5,8 milliards d’euros en 2022. Chacune d'entre elles agit à un échelon différent. Par exemple, les intercommunalités prennent en charge les équipements d'une ampleur telle qu'ils nécessitent des investissements mutualisés, tout en restant accessibles à une population de proximité. Départements et régions financent des équipements sportifs scolaires du second degré, subventionnent de grands équipements sportifs et soutiennent le sport de plus haut niveau.
En termes d'infrastructures, « il existe un enjeu très fort de rénovation. 22% d'entre elles ont été construites avant 1985 », révèle Julien Laugier qui pointe un décalage potentiel avec les attentes des citoyens dont les pratiques sportives évoluent et d'éventuelles contraintes de sécurité. Le défi de la rénovation est aussi énergétique. En effet, près de deux équipements d'intérieur sur trois sont chauffés au fioul ou au gaz. L'enjeu est donc à la fois écologique et économique (coût de fonctionnement).
Un « géant démographique » fait de micro-unités et d'ETI
Côté offre aussi, l'économie du sport présente une configuration très spécifique. Globalement, 144 000 entreprises spécialisées qui emploient 330 000 personnes cumulent un chiffre d'affaires de 73 milliards d'euros. « Ce secteur est un géant démographique », commente Julien Laugier. Depuis une dizaine d'années, le nombre d'entreprises est en croissance (+ 30%, les quatre dernières années). Et pour l'essentiel, cette tendance est nourrie par l'essor de celles sans salariés. On en recense 120 000 en 2022 ! Cette catégorie – qui compte de très nombreux coachs sportifs- concentre 9,5 milliards d’euros de chiffre d'affaires. Et elle recouvre des réalités très diverses. Quelque 50 000 sociétés et entrepreneurs individuels réalisent un chiffre d’affaires moyen susceptible de leur permettre de vivre de leur activité. A l'autre extrême, environ 70 000 autoentrepreneurs du sport génèrent à peine plus de 400 millions d’euros de chiffre d'affaires. Pour le reste, le secteur du sport compte 21 500 TPE (1 à 9 salariés) qui représentent 8,6 milliards d’euros de chiffre d'affaires et 3 250 PME-ETI et grandes entreprises qui concentrent 41 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit les deux tiers du secteur.
Par ailleurs, les ETI occupent une place à part, montre l'étude qui recense 136 de ces entreprises. Les ETI du sport pèsent 20,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit 34 % de l’économie du sport (hors paris sportifs). « Ces entreprises sont marquées par une forte ouverture à l'international. Plus de la moitié d'entre elles sont détenues par des investisseurs étrangers. Le PSG qui est détenu par des fonds du Qatar n'est pas un cas isolé », explique Julien Laugier. Ces sociétés n'en sont pas moins implantées partout sur le territoire : 65% d'entre elles sont situées hors région parisienne. Et elles sont présentes à chacun des différents échelons de la filière. Dans le commerce, on compte 60 ETI (commerce de gros, enseignes de distribution...) qui concentrent près de la moitié du chiffre d’affaires de cette activité. Elles sont 24 dans le « sport spectacle » dans lequel elles pèsent 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires (clubs professionnels, grandes enseignes spécialisées des médias, de l’événementiel et du e-sport..). 28 ETI ( 4,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires) sont positionnées dans la fabrication (voile, ski, cycles...). Quant à la gestion, maintenance et construction d'infrastructures sportives, elle occupe 17 ETI ( remontées mécaniques pour les stations de ski, par exemple) au chiffre d'affaires de un milliard d'euros.
Mais l'importance du secteur du sport ne saurait se résumer à l'addition de chiffres d'affaires qui ne restitue pas la dimension spécifique de cet écosystème : « le bénévolat est très présent dans le sport, car la dimension associative y est extrêmement importante. Or, elle n'est pas valorisée dans le PIB », note Julien Laugier.