L’innovation dans l’agroalimentaire porte davantage sur les process

Les investissements dans la R&D qui portent sur les brevets mais aussi sur les marques sont estimés à 0,5% du chiffre d’affaires dans l’ensemble du secteur.

D.R.

Dans le Nord-Pas-de-Calais, le premier déposant de brevets dans le secteur de l’agroalimentaire est sans conteste Roquette Frères. La PME familiale, spécialiste de la transformation de matières premières végétales, est citée, avec Danone, Rhodia, parmi les plus grands acteurs de France pour leur dynamisme dans le domaine de la propriété industrielle. Elle affirme détenir à ce jour un portefeuille d’environ 5 000 brevets à raison d’une moyenne de 20 à 25 déposés chaque année. Une des dernières distinctions pour la politique de R&D a été décernée à Roquette Frères en novembre dernier à Francfort en Allemagne au Forum européen des ingrédients alimentaires. Le groupe de l’agroalimentaire de Lestrem (Pas-de-Calais) a été récompensé pour sa farine d’algues riches en lipides, «reconnue ingrédient le plus innovant  de toute l’année, toutes catégories confondues». Une innovation qui rend possible «la fabrication d’une brioche sans œuf, sans beurre, sans allergènes, réduite de 70% en matières grasses, aux qualités gustatives équivalentes voire meilleures qu’une brioche classique». La micro-algue à partir de laquelle cette farine est fabriquée, est elle-même cultivée par autotrophie à partir de la lumière ou par fermentation à partir du glucose. «L’innovation réside dans le procédé d’industrialisation et elle a fait l’objet de plusieurs dépôts de brevets», explique-t-on chez Roquette.

 «Des avancées restent à faire». La culture du secret qui caractérise généralement la R&D semble particulièrement marquée dans l’agroalimentaire. Les entreprises sont discrètes sur des données telles que les investissements en R&D. Hormis quelques grosses PME et grands groupes, le secteur ne brille pas par l’innovation. Une étude du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui remonte à 2010 indique qu’en France, les entreprises agroalimentaires consacrent en moyenne 570 millions d’euros à la R&D tous les ans. Soit environ 0,5% de leur chiffre d’affaires global. Supérieur certes à la moyenne européenne de 0,4%, mais peu significatif comparé à des secteurs tels que l’automobile et l’industrie pharmaceutique où la moyenne des investissements se situe entre 15 et 20%. «Des avancées restent à faire», reconnaît d’ailleurs l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA).

La farine d’algue de Roquette Frères primée à Francfort entre bien dans une des caractéristiques de la R&D de l’agroalimentaire français. Selon l’ANIA, en effet, les innovations de process sont bien plus nombreuses que les innovations de produits. Chez  Lesaffre à Marcq-en-Barœul, leader mondial de la fabrication de levure et panification, l’innovation porte aussi sur les domaines applicatifs. «Développer de nouvelles souches de levure adaptées aux différents types de panification rencontrés sur le marché, des souches destinées à la nutrition animale et à de la santé, c’est le travail permanent de la R&D, explique-t-on chez Lesaffre. Il faut choyer la souche, la multiplier dans de bonnes conditions pour qu’elle exprime toutes ses caractéristiques. C’est ce que l’on fait au niveau de la fermentation, du séchage mais aussi au  niveau de l’emballage.»

 Les marques… Au siège régional de l’Institut national de la propriété industrielle à Lille, on fait savoir que «dans l’agroalimentaire, il n’y a pas que le brevet, il y a notamment les marques». Un rare acteur du secteur avait été distingué aux Trophées INPI de l’innovation 2012. Il s’agissait de Defroidmont à Maroilles alors lauréat pour «la valorisation de produits de terroir de qualité à base de fromages AOP». Sur le terrain des marques, la région compte de grands noms tels Verquin à Tourcoing, le Comptoir européen de la confiserie à Marcq-en-Barœul connu pour la marque Carambar. 

Comme dans d’autres secteurs l’innovation passe quelquefois par la croissance externe. Lesaffre, qui veut se développer aussi dans la bioprotection et la chimie verte, vient d’annoncer deux nouvelles acquisitions, en France et en Italie.

Chez Roquette Frères comme chez Lesaffre et bien d’autres, l’ambition est affichée : conforter ses positions stratégiques. Pour le premier, développer des protéines végétales alternatives aux protéines animales, pour le second «jouer la croissance sur tous les fronts».