L’information des salariés en cas de projet de cession

Par Me Marie CHRISTORY‑CUMINAl,
avocate (marie.cuminal@fr.landwellglobal.com)

A fin de favoriser la reprise de PME ou de fonds de commerce ne trouvant pas de repreneurs, la loi n°2014-256 du 1er août 2014 a institué une obligation d’information des salariés en cas de projet de cession de participation majoritaire ou de fonds de commerce, afin que ceux-ci puissent proposer une offre de rachat. Allant au-delà du cadre social et solidaire initial de cette loi, elle met en place une étape supplémentaire dans le cadre des transmissions d’entreprise ou de fonds de commerce.

Quelles entreprises sont concernées par cette obligation d’information préalable ?

1) Les entreprises de moins de 50 salariés;
2) Les PME au sens communautaire, c’est-à-dire les entreprises employant entre 50 et 249 salariés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 M€ ou dont le total de bilan n’excède pas 43 M€.
Dans le silence de la loi, le calcul des seuils d’effectifs salariés pourrait être déterminé selon les critères de l’article L. 1111-2 du code du travail. Seuls les salariés ayant souscrit un contrat de droit français (exerçant en France ou à l’étranger) doivent alors être pris en compte.

Quelles opérations sont concernées par cette obligation d’information ?

– Les cessions de fonds de commerce.
– Les cessions de participation représentant 50% des parts de SARL, d’actions ou de valeurs mobilières donnant accès à plus de 50% du capital des sociétés par actions.
– Seules les cessions directes sont envisagées.

L’obligation d’informer ne s’applique pas :

– En cas de succession, de liquidation du régime matrimonial, de cession d’un fonds ou d’une participation à un conjoint, un ascendant ou un descendant.
– Si la société concernée par la cession fait l’objet d’une procédure de conciliation, sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire.
– Aux cessions de parts de sociétés civiles et de sociétés en nom collectif.
Aucune précision n’est encore apportée sur l’application de cette loi à d’autres opérations entraînant le transfert de propriété de titres ou de fonds de commerce (i.e. apports, fusions, scissions).

Comment mettre en place cette obligation d’information ? Qui doit informer qui ?

Dans le cadre d’une cession de fonds de commerce.
Une distinction doit être effectuée si le propriétaire est ou non exploitant de ce fonds.
– Si le fonds est exploité par le propriétaire, il va notifier directement sa volonté de céder à ses salariés.
– Si le fonds n’est pas exploité directement par le propriétaire, le propriétaire doit notifier à l’exploitant.
L’exploitant informe alors directement les salariés dans les entreprises de moins de 50 salariés, le comité d’entreprise (information-consultation) et au plus tard en même temps les salariés de l’entreprise dans les sociétés de plus de 50 à 249 salariés.

Dans le cadre d’une cession de parts ou d’actions donnant accès à la majorité du capital.
L’associé cédant informe le représentant légal de la société de son projet de cession. Le représentant légal informe ensuite directement les salariés dans les entreprises de moins de 50 salariés, le comité d’entreprise (information-consultation) et au plus tard en même temps les salariés de l’entreprise dans les sociétés de plus de 50 à 249 salariés.

Quel est le contenu de cette information ?

La loi ne précise pas le contenu de l’information. A minima le cédant doit indiquer son intention de céder le fonds ou sa participation et informer les salariés sur la possibilité qui leur est octroyée de présenter une offre de rachat. La pratique permettra d’affiner le contenu minimum de cette information afin que les salariés puissent proposer une offre cohérente par rapport aux attentes du cédant. Les salariés sont soumis à une obligation de discrétion identique à celle prévue pour les membres du comité d’entreprise pour les informations qui leur sont transmises dans le cadre d’un projet de cession.

Comment informer les salariés ?

Cette information peut être réalisée par tout moyen. La seule exigence est que la notification puisse avoir date certaine pour faire courir le délai de réponse des salariés. Un décret d’application viendra préciser les modalités d’information.

Quand informer les salariés ?

Le texte ne précise pas s’il faut informer les salariés dès que le cédant envisage de céder son fonds ou sa participation, ou s’il faut attendre que les principaux éléments de la cession soient établis par le cédant. Cette date devra donc être affinée selon les opérations.

Dans quel délai les salariés peuvent-ils transmettre une offre de rachat ?

Une fois que l’information leur aura été notifiée, les salariés disposent de deux mois pour faire connaître leur offre au cédant ou leur volonté de ne pas en faire. Ce délai de deux mois n’est pas incompressible et la cession pourra avoir lieu avant son expiration si tous les salariés ont déclaré ne pas souhaiter proposer d’offre de rachat.

Pendant combien de temps cette information est-elle efficace ?

La cession de fonds de commerce ou de participation doit intervenir dans les deux ans suivant l’expiration du délai de deux mois. Dans le cas contraire, une nouvelle information devra être notifiée aux salariés.

Quelle est la sanction du défaut d’information ?

Toute cession de fonds de commerce ou de participation effectuée en violation de cette obligation d’information peut être annulée à la demande de tout salarié. La prescription de l’action en annulation est de deux mois, soit à compter de :
– la date de publication de l’avis de cession du fonds, pour les cessions de fonds de commerce,
– la date de publication de la cession ou la date à laquelle tous les salariés ont été informés, pour les cessions de participations.

A partir de quelle date le cédant doit-il respecter cette obligation ?

Pour toute cession qui interviendra à compter du 1er novembre 2014.

Conclusion. Compte tenu de l’importance de la sanction du non-respect de cette obligation et des zones d’ombres créées par la loi, les cédants devront être prévoyants dans la mise en place de leur projet de cession de fonds de commerce ou de participations.