L’hôpital du futur, made in Hauts‑de‑France
À Bapaume, sur le parking de l’entreprise Klégé, un prototype d’hôpital de jour nouvelle génération a été présenté à la presse et à différentes personnalités locales. Porté par Clinifit et produit par un ensemble d’entreprises implantées en région Hauts‑de‑France, ce projet pourrait révolutionner l’offre de soins.
Il y a huit ans, lors d’un déplacement professionnel, on pouvait passer des heures à chercher une chambre dans un hôtel. Il y a quatre ans, cela devenait plus rapide avec Booking. Aujourd’hui, on sousloue une chambre en moins de 5 minutes avec Airbnb. C’est la même chose dans tous les métiers, dans tous les domaines d’activité, mais rarement par les acteurs de la filière. Alors quand la presse est conviée à venir découvrir un hôpital de nouvelle génération chez un carrossier spécialisé dans la fabrication de camions frigorifiques, c’est pour le moins étonnant. Mais on pense qu’au final, il ne fabrique plus de camions mais des salles d’opération. Or, Klégé fabrique toujours des camions frigorifiques et continue même d’innover dans son domaine d’activité. Pourtant, l’entreprise de Bapaume a également participé à un projet étonnant, évoqué dans nos colonnes en fin d’année 2015. Klégé cherchait en effet à se diversifier et à utiliser son modèle constructif dans d’autres domaines d’application. “Nous avons été contacté par une start-up régionale et nous participons depuis plusieurs mois au développement d’un projet d’envergure”, annonçait alors Mathias Bourgois, dirigeant de Klégé sans en dévoiler plus. Ce projet était porté par Clinifit, une startup née au cœur d’Eurasanté, il y a un peu plus de trois ans. Depuis peu, sur son parking, en plus des camions en attente de livraison, Klégé dispose d’un prototype grandeur nature de cet hôpital du futur. Un cube modulable composé d’une salle de consultation, d’une salle de préparation à l’accouchement, d’une salle d’opération et de l’ensemble des équipements nécessaires à la mise en place d’un service de chirurgie ambulatoire.
Made in Hauts-de-France. Il s’agit d’une SAS capitalisée par huit PME (Altao, GD Consulting, Klégé, Genienim, Biolume Résinor, HMS-VilgoClinibef et Cuppens) afin d’innover et répondre aux mutations majeures que connaissent les établissements de santé. “Ces huit fondateurs ont décidé d’associer leurs savoirfaire pour apporter au marché des solutions globales et innovantes autour de la prise en charge du patient”, précise Nicolas Vaillant, son directeur. Il en résulte une entité (Clinifit) structurée dans une logique d’écosystème ouvert, qui développe des solutions clés en main en open innovation. Clinifit peut être considérée comme un développeur de solutions alternatives innovantes et durables aux structures hospitalières traditionnelles, afin d’inventer l’hôpital de demain. Le projet CuraDay est quant à lui né d’une sollicitation. “Nous avons été contacté il y a un peu plus de deux ans par le gouvernement guinéen pour réfléchir à une solution d’hôpital de jour économiquement viable”, poursuit-il. La Guinée sait en effet construire des établissements de santé sur le modèle européen, mais elle ne peut pas les faire fonctionner par manque d’argent. Pour bien comprendre la problématique financière, il faut savoir que dans un pays comme la Guinée, le PIB est de l’ordre d’1,5€ par habitant par jour, alors qu’il atteint les 120€/hab/jour en France. Après six mois de réflexion, Clinifit et ses partenaires – une vingtaine d’entreprises (750 salariés) – ont proposé une solution baptisée CuraDay. Les acteurs de ce projet, à l’exception de l’architecte, le cabinet Mates, sont implantées dans la région des Hauts-de-France.
Duplicable. Le prototype de bâtiment construit à Bapaume a coûté 120 000 euros, financés à 80% par la Région. Clinifit estime qu’une unité CuraDay de 2 000 m2 doit coûter 5 millions d’euros, soit un objectif de 750 euros/m2. “Une structure de cette taille doit permettre de réaliser 8 000 actes de chirurgie par an, 2 000 accouchements et plus de 45 000 consultations”, détaille Nicolas Vaillant. L’hôpital 2.0, tel qu’imaginé par Clinifit, “permet de diviser les coûts de construction par 20. Grâce à la chirurgie ambulatoire, nous couvrons 80% des besoins de la population et supprimons toutes les chambres”. Le modèle constructif développé par Klégé – l’assemblage en sandwich d’un isolant à base de polyuréthane, de bois et de plaques de finition pour assurer l’étanchéité – participe également à faire baisser les coûts de construction. “Notre produit est industriel. Il comporte le câblage électrique, les arrivées d’eau. Tout est intégré dans les murs, tout est fini en sortie d’usine.” En termes de coût de fonctionnement, l’outil permet de diviser la note par cinq et donc de donner accès aux soins à la population la plus large possible. Grâce à un partenariat avec un gestionnaire local, Clinifit révolutionne vraiment l’offre médicale dans les pays africains ou en voie de développement. Mais la Guinée, le Cameroun ne sont qu’une étape dans le projet CuraDay. “Il faut faire bouger les lignes, il ne s’agit pas d’une problématique uniquement africaine et l’avenir de l’hôpital est peut-être là”, renchérit Olivier Vercaemst, président de Clinifit. Le prototype est d’ores et déjà construit aux standards européens avec tout ce que cela implique en termes de normes. Avec des structures 20 fois moins coûteuses et des frais de fonctionnement maîtrisés, nous pourrions également utiliser CuraDay et limiter les dépenses de santé dans notre pays où le gouffre de la Sécurité sociale ne cesse de se creuser. Pour continuer à progresser, investir en R&D et développer des solutions alternatives, Clinifit a toutefois besoin de trésorerie. La start-up lance donc une campagne de crowdlending en prêt participatif sur une seule journée. La campagne aura lieu le 15 juin sur la plate-forme Prêtgo. Clinifit espère lever entre 250 000 et 300 000 euros.