L’Essentiel de Nicolas Rucheton
Le jeune chef qui a fait sensation à Paris au Vendôme ces trois dernières années a décidé d’être son propre chef en s’installant dans le Nord. Avec la ferme intention de défendre et de pimenter la gastronomie dans une région où elle n’est plus très représentée.
Le Nord, Nicolas Rucheton l’avait déjà connu à La Laiterie, auprès de Benoît Bernard en 2008. Une année rude pendant laquelle il a «appris à ne plus avoir peur, à prendre ses responsabilités, à gérer les extrêmes», juste après La Bastide de Gordes où il a rencontré sa compagne, Constance Lorio, originaire de Lille.
C’est donc tout naturellement à côté de la capitale des Flandres qu’ils se sont installés, en rachetant un ancien restaurant, à Attiches, à 15 km au sud de Lille. Si l’extérieur a tout d’une fermette flamande, le décor intérieur dans les tons de gris est résolument contemporain, accueillant 35 couverts. Le jeune couple a soigneusement choisi le nom de son premier restaurant : « ‘L’essentiel’ était le mot qui revenait sans cesse pendant l’élaboration de notre projet. Il résume tout ce qu’on veut faire : dans l’assiette, dans le verre, et pour l’accueil du client, de son arrivée à sa sortie de table» explique le jeune chef. Pour ce faire, il est aux fourneaux (avec deux commis et un apprenti), Thomas Robillard est à la sommellerie et Constance Lorio est en salle (avec deux personnes en plus). Pas de chichis sur la table : adieu nappages, verres en cristal et couverts en argent. «L’essentiel n’est pas là», confirme Nicolas Rucheton qui cite volontiers la liberté d’Akrame Benallal et son Atelier parisien.
L’essentiel dans l’assiette. Dans l’assiette, il fait de la gastronomie : des «jolis produits», frais, soigneusement choisis chez les fournisseurs les meilleurs, qu’ils soient de la région ou de celles où il a déjà officié (la Bretagne, la Provence, Paris), des cuissons bien maîtrisées, de la simplicité. «Il y a de formidables produits dans le Nord, comme la volaille de Licques, l’ail d’Arleux ou l’endive de pleine terre», affirme-t-il. La carte est courte, avec toujours deux produits de la mer et deux de viande, et associe des vins aux menus. Nicolas Rucheton la renouvelle, au gré du marché, des saisons et de ses envies, sur trois menus : l’Or du marché pour le déjeuner (28 €), les Trois Essentiels (38-55 € avec trois verres) et les Coups de cœur du chef ( 58-75 €, avec quatre verres). Le vin est à la même place que les mets, bichonné par Thomas Robillard qui a renouvelé sa carte des vins au mois de novembre. En ce moment, le hareng inspire particulièrement Nicolas Rucheton, en crème et en caviar avec des langoustines rôties pour une entrée relevée, dans l’esprit du Nord. Les légumes oubliés comme le panais accompagnent les noix de Saint-Jacques «justes cuites, encore brillantes pour garder leur goût iodé». Les cuissons sont précises, comme celle de la noix de veau, à basse température, avec des girolles, du jambon Ibaïona et un jus de viande. Les desserts sont enchanteurs comme l’Essentiel Chocolat Samana, café coutume, travaillés avec des produits de haute qualité par un chef qui est aussi pâtissier.
Ouvert depuis mai dernier, L’Essentiel a commencé à trouver sa clientèle et fait salle comble en fin de semaine. Ce n’est pas tous les jours qu’un jeune chef talentueux s’installe près de la capitale des Flandres. Après le départ de Benoît Bernard de La Laiterie, la perte de l’étoile Michelin de L’Huîtrière, Nicolas Rucheton a toutes ses chances pour jouer un rôle qui compte dans la gastronomie régionale. Avec une première étoile dès l’année prochaine ?