L’entreprise et les salariés : salarié protégé
Réintégration.
Le salarié protégé qui sollicite sa réintégration dans l’entreprise, par déclaration enregistrée au greffe des prud’hommes avant l’expiration de sa période de protection, peut prétendre aux indemnités de rupture, à une indemnité pour licenciement illicite et également à l’indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur (Cass. soc. 16 décembre 2014 – pourvoi n°13-15081).
Un délégué syndical est licencié pour faute grave par lettre du 13 novembre 2008, sans qu’ait été sollicitée l’autorisation de l’administration du travail. Le salarié saisit alors la juridiction prud’homale, le 24 décembre suivant, afin notamment d’obtenir sa réintégration dans l’entreprise. Par un jugement du 6 janvier 2009, le tribunal d’instance annule la désignation du salarié en qualité de délégué syndical.
Pour la Cour de cassation, l’annulation par le tribunal d’instance de la désignation d’un délégué syndical, quel qu’en soit le motif, n’a pas d’effet rétroactif sur le statut protecteur dont il bénéficie. Dès lors que le salarié concerné a été licencié sans autorisation administrative le 13 novembre 2008 et qu’à cette date, sa désignation n’avait pas été annulée par le tribunal d’instance, les juges du fond ont pu décider que le licenciement avait été prononcé en violation du statut protecteur. De plus, dès lors qu’un salarié protégé sollicite sa réintégration par une déclaration enregistrée au greffe du conseil de prud’hommes avant l’expiration de sa période de protection, il peut prétendre non seulement aux indemnités de rupture et à une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à six mois de salaire, mais également au versement de l’indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur, égale aux salaires dus entre son éviction de l’entreprise et le prononcé de la résiliation de son contrat de travail.
Modification du contrat de travail. Aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé. En cas de refus, l’employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l’autorité administrative d’une demande d’autorisation de licenciement.
Le refus du salarié ne saurait être sanctionné en dehors de cette procédure (Cass. soc. 17 décembre 2014 – pourvoi n°13-20703). En l’espèce, un salarié titulaire de divers mandats de représentation du personnel avait pris acte le 1er septembre 2009 de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.
Devant les prud’hommes, il avait été débouté de ses demandes pour, notamment, obtenir l’annulation d’un avertissement qui lui avait été notifié le 24 août 2009 et que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement nul.
Résiliation judiciaire. Le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande en résiliation (Cass. soc. 17 décembre 2014 – pourvoi n° s 13-19070, 13-19645).
Le 15 juillet 2010, un délégué du personnel saisit la juridiction prud’homale d’une demande d’annulation d’une mise à pied disciplinaire prononcée le 17 juin. Le 24 octobre, il forme une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.
Les juges du fond prononcent la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié et condamnent l’entreprise au paiement de sommes à titre d’indemnité légale de licenciement, pour licenciement nul, pour violation du statut protecteur, d’indemnité compensatrice de préavis et compensatrice de congés payés sur préavis.
Autres décisions
Liberté d’expression. Le salarié qui adresse un courriel au seul président de la société actionnaire majoritaire de l’employeur pour exprimer son désaccord sur certaines orientations et des pratiques qu’il estime irrégulières, sans propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, ne commet aucun abus dans sa liberté d’expression (Cass. soc. 17 décembre 2014 – pourvoi n°13-19659).
Le 21 juillet 2010, un chef du transit adresse un courriel au président de la société actionnaire majoritaire de l’employeur. Par lettre du 1er septembre 2010, la salariée est licenciée pour faute grave.
Pour la cour d’appel, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. La chambre sociale de la Cour de cassation confirme : dès lors que le courriel consistait en un envoi isolé, adressé par la salariée au seul président de la société actionnaire majoritaire de l’employeur, sans aucune forme de publicité, et que les propos – qui ne faisaient qu’exprimer un désaccord sur certaines orientations et des pratiques qu’elle estimait irrégulières – n’étaient ni injurieux, ni diffamatoires ou excessifs, la salariée n’avait commis aucun abus dans sa liberté d’expression.